Humeur :
Croissance française en 2013 : chute libre…
Comment revenir sur ses promesses tenues avec obstination sans perdre la face et rester crédible ? Tel est l’exercice périlleux auquel vont devoir se livrer François Hollande et le gouvernement Ayrault.
Le spectacle d’acrobatie digne du cirque Pinder a déjà commencé. Dès la publication des comptes nationaux du quatrième trimestre 2013, jeudi 14 février, les lasagnes au cheval ont vampirisé la scène médiatique, si bien que l’entrée de la France en récession dès le premier trimestre 2012 et la forte baisse du PIB hexagonal au quatrième trimestre sont quasiment passés inaperçues.
Seulement voilà, on ne peut pas cacher la vérité éternellement. Ainsi, depuis quelques jours, les dirigeants politiques français, depuis le Président jusqu’aux ministres et députés, en passant par le chef du gouvernement, enchaînent les petites phrases et les nouvelles prévisions de croissance. Autour de 0,2 % à 0,3 % selon Laurent Fabius, pas de chiffrage précis pour MM. Hollande et Ayrault qui se bornent à souligner qu’il ne sert à rien de maintenir des objectifs de croissance intenables. Effectivement. Mais, alors pourquoi s’être entêté à maintenir une prévision de 0,8 % pendant des mois alors que cette dernière n’était déjà plus crédible depuis la mi-2012 ?
La palme de l’acrobatie revient néanmoins à Michel Sapin qui, tout en se contorsionnant pour essayer d’annoncer que l’activité économique et l’emploi resteraient plus que moribonds en 2013, n’a pas hésité à souligner que la croissance allait nettement redémarrer au second semestre. Une déclaration digne de « La vérité si je mens 4 ». Seulement voilà, à force d’utiliser les mêmes filons, cela commence à devenir lassant.
Il faut reconnaître que le Ministre de l’Emploi est encore plus gêné aux entournures que ses collègues du gouvernement. Et pour cause : le Président Hollande s’est engagé à inverser la courbe du chômage dès l’automne 2013. Or, si pour de trop nombreux Français, l’évolution de la croissance reste très superficielle et très éloignée de leurs préoccupations du quotidien, celle du chômage est beaucoup plus concrète.
D’ores et déjà, avec un taux de chômage global de 10,6 % et de 27 % pour les moins de 25 ans, il est possible de dire que presque toutes les familles françaises sont concernées de près ou de loin par ce fléau.
Et, malheureusement, dans la mesure où l’emploi et le chômage sont des variables retardées de l’activité, il faut être clair : tant que la croissance ne sera pas revenue significativement et durablement, le nombre de sans-emploi continuera d’augmenter. En fait, pour stabiliser le chômage, la croissance doit atteindre au moins 1,5 % et, pour le faire baisser, elle doit dépasser les 2 %.
Or, au cours des prochains trimestres, nous serons très loin de ces résultats. Et pour cause : la variation annuelle moyenne du PIB français en 2013 ne sera pas de 0,3 %, ni même 0 %, mais d’au mieux – 0,3 %. Après s’être contorsionnés pour réussir à abaisser leurs prévisions de 0,8 % à 0,3 %, les dirigeants politiques français vont donc devoir repartir à l’école du cirque, pour admettre que l’année 2013 sera marquée par une baisse du PIB français.
Bien sûr, de nouveaux contre-feux seront allumés : intensification des combats au Mali, réactivation du débat sur le mariage pour tous et la PMA ou encore découverte de bâtonnets de cabillaud contenant du poulet… Plus ce sera gros, plus cela fera oublier la gravité de la récession.
Pour autant, ne l’oublions pas, s’il est relativement facile de manipuler l’opinion, il est plus difficile de duper les investisseurs internationaux. Or, ces derniers détiennent près de 70 % de la dette publique française. En tant que créanciers de l’Etat français, ils attendent donc des garanties et des gages de sérieux de la part de ce dernier.
Et, malheureusement, plus le temps passe, plus la crédibilité de l’Etat français fond comme neige au soleil. Tout d’abord, en dépit des efforts d’équilibriste pour laisser croire que le dérapage du déficit public est « normal », ce dernier sera très loin de l’objectif gouvernemental. Il devrait avoisiner les 4 % en 2013, contre 3 % annoncé par MM. Hollande, Ayrault, Moscovici et tutti quanti depuis des mois.
Dès lors, après avoir acheté sans compter des obligations du Trésor français, nos créanciers risquent de s’avérer beaucoup moins conciliants. Mécaniquement, les taux d’intérêt de ces obligations se tendront, au moins vers les 4 %, ce qui ne manquera pas d’aggraver la récession et d’augmenter le chômage. Les déficits publics progresseront et la France plongera dans un cercle pernicieux détestable.
Une vague de défiance nationale et internationale s’engagera alors, réduisant encore la piètre crédibilité économique de l’Hexagone. La récente lettre du PDG de Titan à M. Montebourg sur l’affaire Goodyear montre d’ailleurs que cette attaque en règle contre la France a déjà commencé. En effet, si, pour nous Français, ce courrier incendiaire est presque insultant, il montre dans quel état de ras-le-bol se trouvent de plus en plus de dirigeants d’entreprises, qu’ils soient étrangers mais aussi français. Il ne sert donc à rien de dénigrer le PDG de Titan, mais il faut plutôt essayer de savoir pourquoi il en est arrivé à une telle extrémité.
Une chose est sûre : à force de vouloir laisser croire qu’elle peut faire ce qu’elle veut en toute impunité, tout en prenant des mesures qui nuisent à notre compétitivité et à notre crédibilité, la France va vraiment se retrouver toute seule.
Marc Touati
Quid de l’économie cette semaine :
Zone euro : la récession s’installe, sauf en Allemagne.
Comme nous l’annoncions la semaine dernière dans nos prévisions hebdomadaires, les indicateurs avancés de l’activité économique eurolandaise ont continué de se dégrader. Tous, sauf ceux de l’enquête IFO outre-Rhin.
En effet, après une petite accalmie de trois mois, les indices PMI des directeurs d’achat de l’UEM ont repris le chemin de la baisse en février. Et ce, en particulier dans les services, pour lesquels l’indicateur composite de l’enquête a chuté de 2,9 points. Avec un niveau de 45,7, il atteint même un plus bas depuis juillet 2009.
Dans l’industrie, la baisse est moins marquée (0,1 point), mais avec un niveau de 47,8, l’indice PMI montre que l’activité industrielle va continuer de régresser au moins jusqu’à l’été prochain.
Le PIB de la zone euro va encore chuter.
Sources : Eurostat, Markit, ACDEFI
Plus globalement, l’évolution de ces indicateurs avancés du PIB montre que le glissement annuel de ce dernier devrait poursuivre sa chute, passant de – 0,9 % au quatrième trimestre 2012 à environ – 1,5 % d’ici le deuxième trimestre 2013.
France : la baisse du PIB va s’accentuer.
Sources : INSEE, ACDEFI
La situation est au moins aussi grave en France, avec une nouvelle forte chute des indices PMI. L’indice composite (industrie + services) est passé de 42,7 en janvier à 42,3, un plus bas depuis mars 2009.
Parallèlement, l’indice du climat des affaires calculé par l’INSEE pour l’ensemble des secteurs d’activité a encore reculé à 86,8 en février.
La baisse de ces deux indices montre que le glissement annuel du PIB devrait baisser vers les – 1,5 % d’ici l’été prochain.
A côté de cette récession généralisée, l’Allemagne continue de détonner. Mieux, ou plutôt pire pour la France et les autres pays eurolandais qui apparaissent complètement « largués », l’indice du climat des affaires de l’enquête IFO a littéralement bondi en février. Après déjà trois mois de hausse, celui-ci a gagné 3,1 points sur un mois, soit une augmentation totale de 7,4 points en quatre mois.
Si les industriels allemands ne pèchent pas par excès d’optimisme, cette évolution signifie que le glissement annuel du PIB allemand pour remonter de 0,6 % au quatrième trimestre 2012 à plus de 1,5 % au deuxième trimestre 2013.
L’Allemagne reprend le large.
Sources : Bundesbank, IFO, ACDEFI
Une fois encore, dans la mesure où elle représente 33 % du PIB de la zone euro, l’Allemagne devrait permettre à cette dernière d’éviter la bérézina.
Pourtant, bien loin de l’effet d’entraînement qui prévalait au début des années 2000, les autres pays eurolandais devraient rester engoncés dans la récession au moins jusqu’à la mi-2013.
Que ce soit d’un point de vue économique et social ou sur le front politique, l’écart est donc en train de se creuser entre nos voisins germaniques et les autres pays de l’UEM. A croire que l’Allemagne n’est déjà plus dans la zone euro…
Marc Touati
Les évènements à suivre du 25 février au 1er mars :
Le chômage flambe encore dans l’Hexagone.
Cette semaine économico-statistique sera relativement chargée, avec une douzaine de publications déterminantes.
Aux Etats-Unis, on surveillera notamment l’indice de confiance des ménages du Conference Board (mardi), les commandes de biens durables (mercredi), la seconde estimation du PIB du quatrième trimestre (jeudi) et l’indice ISM dans l’industrie manufacturière (vendredi).
Dans la zone euro, l’attention se portera principalement sur le chômage et la consommation des ménages en France (mardi et jeudi), l’indice de sentiment économique de la Commission européenne (mercredi), le chômage allemand (jeudi) et l’inflation eurolandaise (vendredi).
Mardi 26 février, 16h (heure de Paris) : le moral des ménages américains reste bas.
Après une nouvelle forte baisse surprise en janvier, l’indice du moral des ménages américains calculé par le Conference Board devrait légèrement se reprendre en février. Il passerait de 58,5 à 59, un niveau toujours bien trop bas pour permettre un fort rebond de la consommation au cours des prochains mois.
Mardi 26 février, 18h : le chômage continue de progresser en France.
Après une quasi-stagnation en décembre (+ 300 personnes), le nombre de chômeurs devrait retrouver le chemin de la forte hausse en janvier. Compte tenu de l’aggravation de la récession et de la multiplication des plans de licenciement, une augmentation d’au moins 30 000 demandeurs d’emploi supplémentaires devrait être enregistrée en janvier. A ce rythme, la barre des 3,2 millions de chômeurs sera atteinte dès le mois prochain.
Mercredi 27 février, 11h : l’indice de sentiment économique repart à la baisse dans la zone euro.
Après trois mois de rebond significatif, l’indice de sentiment économique de la Commission européenne devrait rechuter en février. Il passerait ainsi de 89,2 à 88. Seule la résistance de l’activité en Allemagne devrait permettre d’éviter une plus forte baisse.
Jeudi 28 février, 14h30 : le PIB américain révisé à la baisse.
Après avoir déjà surpris négativement en reculant de 0,1 % au quatrième trimestre 2012 lors de la première version des comptes nationaux, leur seconde version devrait réserver une nouvelle mauvaise surprise, avec une baisse de 0,3 %.
Certes, ce n’est pas dramatique, mais cela montre que l’activité économique américaine souffre de plus en plus et ne pourrait pas supporter un resser
- Fabius, l’homme qui voulait être Président.
- Nouvelle crise italienne : ma ché cosa ?