France et Zone Euro : une vraie récession sans bœuf, ni cheval. (E&S n°243)

 

Humeur :

France : une vraie récession sans bœuf, ni cheval.

C’est assez incroyable : après l’intervention militaire au Mali, qui a vampirisé l’actualité pendant des semaines pour finalement disparaître de la scène médiatique, c’est au tour des lasagnes au cheval de réussir le tour de force d’éclipser la situation calamiteuse de l’économie française. D’où une simple question : à qui profite cette supercherie ?

Si nous avons une petite idée de la réponse, nous préférons néanmoins nous consacrer sur le sujet principal qui va définitivement transformer notre économie dans les prochains mois, à savoir le retour d’une récession dramatique. La claque est effectivement de taille : le PIB français a reculé de 0,3 % au quatrième trimestre 2012 et a stagné sur l’ensemble de l’année. Il s’agit là de ses plus mauvais résultats depuis 2009. Mais ce n’est malheureusement pas tout. Ainsi, sur les quatre trimestres de 2012, le PIB français a reculé trois fois : au premier, puis au deuxième et enfin au quatrième. C’est donc désormais officiel, compte tenu de la révision des chiffres opérée par l’INSEE, la France est entrée en récession dès le premier trimestre 2012 et s’y est enfoncée au quatrième.

Même si la situation est, pour l’instant, un peu moins grave que dans les pays d’Europe du Sud, la France connaît donc aussi un « W », c’est-à-dire qu’après une première récession en 2009, puis une toute petite reprise en 2010-2011, une seconde récession est arrivée en 2012. Dans la mesure où cette dernière n’est pas près de se terminer, il est donc possible de dire que la France subit non plus une récession mais une dépression.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : par rapport au premier trimestre 2008 (c’est-à-dire juste avant le début de la crise), le PIB français recule de 1,1 % et l’investissement des entreprises chute de 8,5 %. Même la consommation des ménages a déposé les armes. Ainsi, après avoir été le moteur indéfectible de notre économie pendant une quinzaine d’années, elle a reculé de 0,3 % depuis son point haut du quatrième trimestre 2010.

Conséquence logique de cette descente aux enfers, l’emploi ne cesse de se dégrader. Après déjà plus d’un an de baisse quasi-ininterrompue, celui-ci a encore reculé de 0,2 % au quatrième trimestre 2012. Depuis le début 2008, on recense ainsi 402 300 destructions d’emplois nettes dans l’Hexagone.

Et tous les secteurs d’activité sont concernés : industrie, construction, services, on ne crée plus d’emplois nets nulle part depuis la mi-2012. La situation est évidemment la plus grave dans l’industrie qui a détruit, à elle seule, 329 000 emplois nets depuis 2008 et 832 000 depuis 2001.

En dépit d’une augmentation massive des dépenses publiques, la France n’a donc pas été capable de redresser la barre et s’est, au contraire, enfoncée dans une crise sans précédent, qui devrait encore s’aggraver en 2013.

D’ores et déjà, compte tenu de la forte baisse du PIB fin 2012, l’acquis de croissance pour cette année est négatif, en l’occurrence – 0,2 %. Cela signifie que même si le PIB française stagne au cours des quatre prochains trimestres, il reculera de 0,2 % sur l’ensemble de l’année 2013. Parallèlement, pour atteindre l’ancienne prévision gouvernementale d’une croissance annuelle de 0,8 %, il faudrait que le PIB augmente d’environ 0,4 % sur chacun des quatre trimestres de cette année. Nous en serons donc loin. Et pour cause, selon nos estimations, il devrait encore reculer d’au moins 0,2 % sur l’ensemble du premier semestre 2013.

Autrement dit, même si une reprise de rattrapage s’opère au second semestre, la variation du PIB hexagonal en 2013 ne devrait pas être de 0,8 % (comme s’est obstiné à annoncer pendant trop longtemps le gouvernement), ni de 0,3 % (comme prévu par le FMI et la Commission européenne), ni même de 0 %, mais d’au mieux – 0,3 %.

Dans ce cadre, le taux de chômage va encore augmenter et devrait avoisiner les 12 % fin 2013 (selon la définition d’Eurostat). Parallèlement, le ratio déficit public / PIB sera d’environ 4 %. Quant à la dette publique, elle devrait atteindre la barre psychologique des 100 % d’ici la fin 2013.

Devant autant de dérapages, il est donc clair que la note de l’Etat français sera fortement dégradée dès le printemps prochain, avec forte augmentation des taux d’intérêt obligataires à la clé. Ce qui ne manquera évidemment pas d’aggraver encore le marasme économique.

Il faut donc espérer que, face à un tel drame, le gouvernement fera un virage à 180°, vers moins de fiscalité confiscatoire et moins de dépenses publiques de fonctionnement. Sinon, après l’Irlande, la Grèce, le Portugal, l’Espagne, et l’Italie, la France sera aussi attaquée en 2013 par le « grand ennemi » de François Hollande, en l’occurrence les marchés financiers, qui ne sont finalement que les principaux créanciers de l’Etat français. On ne parlera alors plus de Saint-Valentin, encore moins de mariage, mais plutôt de divorce, avec pertes et fracas…

 

Marc Touati



Quid de l’économie cette semaine :

La récession eurolandaise s’aggrave dangereusement.


Même si elle était en grande partie prévue, la baisse de 0,6 % du PIB de la zone euro au quatrième trimestre 2012 s’avère particulièrement inquiétante. Et pour cause : cela fait désormais quatre trimestres consécutifs que le PIB eurolandais n’augmente plus : stagnation au premier et trois reculs consécutifs, soit une baisse de quasiment 1 % depuis le début 2012.

Son glissement annuel atteint désormais – 0,9 %, un plus bas depuis le quatrième trimestre 2009. En dépit d’un ralentissement notable au quatrième trimestre aux Etats-Unis, l’écart de croissance entre les deux côtés de l’Atlantique avoisine les 2,5 points.

L’écart de croissance entre les Etats-Unis et la zone euro est historique.

Sources : BEA, Eurostat, ACDEFI

Sur l’ensemble de l’année 2012, l’écart de variation du PIB est encore plus dramatique : + 2,2 % aux Etats-Unis, contre – 0,5 % dans la zone euro. Un tel écart (2,7 points) est tout simplement historique.

Pis, à l’exception de l’Estonie (3,4 %), de la Slovaquie (1,2 %), de l’Allemagne (0,4 %) et de l’Autriche (0,4 %), tous les pays de la zone euro affichent des glissements annuels de leur PIB négatifs. Et ce, y compris dans l’Hexagone (cf. notre Humeur).

La France toujours à la traîne de l’Allemagne.

Sources : Eurostat, ACDEFI

Mais, il y a bien pire : dans les pays d’Europe du Sud, la « descente aux enfers » s’est accentuée. Ainsi, après une récession dramatique en 2009, puis une toute petite reprise en 2010, la récession est revenue dès 2011 et s’est accélérée en 2012. L’évolution des glissements annuels fait froid dans le dos : -1,8 % en Espagne, – 2,7 % en Italie, – 3 % à Chypre et – 3,8 % au Portugal.

Nous sommes donc bien entrés dans la partie la plus dramatique du « W », car si une récession est digérable, deux récessions en moins de trois ans sont tout simplement ingérables.

Et ce d’autant que les mesures d’augmentation des impôts et l’euro trop fort ne vont faire qu’aggraver la situation et différer davantage la fin du « W », c’est-à-dire l’ultime reprise. Autrement dit, la sortie du tunnel est encore très lointaine.

Un « W » qui fait vraiment peur.

Sources : Eurostat, ACDEFI

Bien sûr, une fois encore, la palme de la chute du PIB est décrochée par la Grèce, avec un glissement annuel de – 6 %. C’est certes un peu moins grave que les – 7,9 % du quatrième trimestre 2011, mais toujours insupportable pour la population grecque qui entre dans sa sixième année consécutive de récession.

La Grèce toujours en dépression.

Sources : Eurostat, ACDEFI

Mais, à côté du drame des pays du Sud, la nouveauté réside dans la contagion qui est en train de s’opérer à aux pays dits du Nord. Ainsi, jusqu’à présent préservés par le retour de la récession, la Finlande, les Pays-Bas et la Belgique commencent également à faillir. Les glissements annuels de leur PIB sont de respectivement : -1,6 %,          -0,9 % et – 0,4 %.

Même les Pays-Bas et la Belgique retombent en récession.

Sources : Eurostat, ACDEFI

Et si les chiffres du quatrième trimestre 2012 ne sont pas encore connus pour le Luxembourg, l’Irlande, Malte et la Slovénie, il est presque assuré que ces derniers ont subi une nouvelle baisse du PIB.

En d’autres termes, il n’y a désormais plus que trois pays eurolandais qui disposent d’une croissance suffisamment forte pour compenser le paiement de la charge annuelle des intérêts de la dette publique : l’Allemagne, l’Estonie et la Slovaquie.

Quant à 2013, la généralisation de la récession devrait réduire cette « short list » à néant. Pour être clair : en 2013, aucun pays eurolandais ne réussira à générer une croissance économique suffisante pour rembourser les intérêts de la dette publique. La bulle de la dette sera donc générale.

Devant un tel marasme, il faut donc souhaiter que l’euro finira par se déprécier fortement pour permettre aux pays de l’UEM de retrouver enfin le chemin de la croissance… en 2014.

Marc Touati

 

 

 

 

 



 


 

Les évènements à suivre du 18 au 22 février :


Zone euro : de bien mauvais indicateurs avancés.


Après la confirmation de l’aggravation de la récession dans la zone euro jeudi dernier, cette semaine économico-statistique devrait indiquer que la situation va encore empirer au cours des prochains trimestres.

En effet, que ce soit les indicateurs de l’INSEE en France (mercredi), ceux des enquêtes PMI des directeurs d’achat dans la zone euro (jeudi) ou de l’enquête IFO en Allemagne (vendredi), la baisse devrait être au rendez-vous dans tous les cas.

Outre-Atlantique, il faudra également surveiller les prix à la production et les mises en chantier (mercredi), ainsi que les prix à la consommation et les indicateurs avancés du Conference Board (jeudi).

 

Mercredi 20 février, 8h45 (heure de Paris) : nouvelle baisse des indices du climat des affaires en France.

Après avoir retrouvé le chemin de la baisse en janvier, l’indice du climat des affaires de l’industrie française reculerait encore de deux points en février; passant de 86 à 84, soit toujours très loin de la barre des 100 qui représente le niveau moyen de longue période.

Pour l’ensemble des secteurs, la baisse mensuelle devrait aussi atteindre deux points, avec un niveau de 85. La récession française est donc bien loin de s’arrêter.

 

Mercredi 20 février, 8h45 : l’inflation française toujours inférieure à 1,5 %.

Compte tenu du traditionnel effet « soldes », mais aussi de la faiblesse de la consommation, les prix devraient reculer de 0,3 % en janvier 2013 dans l’Hexagone. Leur glissement annuel resterait ainsi faible à 1,4 %, contre 1,3 % le mois précédent (cette légère augmentation étant due à une baisse des prix de 0,4 % en janvier 2012).