Chine, Etats-Unis, Zone euro : grands écarts… (E&S n°239)

 

Humeur :

Un euro trop fort pour une récession trop longue…

Jean-Claude Juncker vient enfin de le reconnaître : l’euro est «dangereusement élevé». Ce n’est pas trop tôt ! Même les Allemands, pourtant toujours partants pour un euro fort, commencent à avouer que l’activité économique est de plus en plus molle et qu’ils n’éviteront la récession que de justesse en 2013.

A ce sujet, il est frappant de voir la différence de discours qui s’impose entre le gouvernement français et son homologue d’outre-Rhin. En effet, alors que l’Allemagne est l’un des rares pays de la zone euro à rester sur le chemin de la croissance annuelle tant en 2012 qu’en 2013, Mme Merkel a d’ores et déjà prévu ses concitoyens et ses partenaires eurolandais que les mois à venir seront difficiles pour l’économie germanique.

A l’inverse, alors que la France plonge de nouveau dans la récession, ses dirigeants ne cessent de dire que la croissance est là et que le chômage va bientôt baisser. Il serait peut-être bon que la transparence et le réalisme reviennent rapidement à l’Elysée et à Matignon.

D’ailleurs, si les Allemands et les Luxembourgeois reconnaissent, eux aussi, la dangerosité d’un euro trop fort et les risques qui pèsent sur leur économie, c’est que la situation est vraiment grave, pour ne pas dire plus.

En effet, cet « l’euro killer » a des conséquences dramatiques pour l’économie et l’emploi dans l’UEM. C’est en partie à cause de lui que les pays eurolandais ont connu leur plus grave récession en 2009. C’est aussi « grâce » à lui que la dépression est en train de s’installer dans de nombreux pays du Sud de l’Europe.

La vraie difficulté n’est effectivement pas de subir une récession, mais de devoir en affronter deux en trois ans. Soyons clairs : la Grèce, le Portugal, l’Espagne, voire l’Italie et la France ne s’en remettront pas.

Ne l’oublions jamais : la dernière fois que la croissance a été forte dans la zone euro c’était en 2000, lorsque l’euro valait moins de 0,90 dollar. A l’inverse, à chaque fois que l’euro a dépassé les 1,20 dollar, la croissance s’est effondrée.

Les vecteurs de transmissions d’un euro trop fort sur l’économie sont triples. Primo, ce dernier renchérit la valeur des exportations, qui deviennent donc trop chères et finissent par reculer. Les entreprises exportatrices sont alors contraintes de réduire leur production, avec souvent destructions d’emplois et de revenus à la clé.

Secundo, un euro trop fort signifie que les prix des produits importés reculent. Si cette évolution peut être perçue comme un avantage, notamment pour les consommateurs nationaux, elle se traduit également par un effet pervers bien plus négatif. En effet, si les produits importés sont moins chers, cela signifie que le producteur national voit sa compétitivité-prix se réduire à vue d’œil. Il perd donc des parts de marchés, réduit la voilure et licencient. Les revenus sont abaissés et la consommation avec.

Tertio, lorsque l’euro est trop cher, investir dans la zone euro depuis l’étranger devient plus onéreux, tandis qu’investir à l’étranger devient de plus en plus bon marché pour un Eurolandais. Dès lors, les flux d’investissements étrangers vers l’UEM se tarissent et les flux d’investissements eurolandais à l’étranger augmentent, réduisant mécaniquement la croissance et l’emploi dans la zone euro, qui voit alors ses déficits publics et sa dette s’accroître…

Pour faire simple, à chaque fois que l’euro s’apprécie de 10 %, la croissance perd environ 0,5 point. Dès que la barre des 1,35 dollar pour un euro est franchie, cette déperdition de croissance pour 10 % d’appréciation est doublée. A l’inverse, lorsque l’euro se déprécie de 10 %, la progression de l’activité gagne 0,5 point. Et lorsque celui-ci passe sous les 1,15 dollar, ce gain de croissance pour 10 % de dépréciation est également doublé.

Que l’on soit également rassuré : l’impact de la baisse de l’euro sur les cours des matières premières, qui deviendraient donc plus chères, sera limité. En effet, lorsque l’euro recule, le dollar s’apprécie et généralement cette appréciation du billet vert se traduit par une désaffection des investisseurs pour les matières premières et notamment le pétrole, qui voient donc leurs cours baisser.

Au total, si l’on veut sortir de la récession et plus globalement de la crise de la dette, l’euro est condamné à repartir à la baisse, soit dans la douceur, via une meilleure gouvernance économique et monétaire, soit dans la douleur avec une aggravation de la récession qui deviendra alors dévastatrice. C’est là tout le paradoxe de l’euro : plus il est cher, plus l’économie eurolandaise souffre et plus l’UEM est menacée d’explosion.

En attendant, il ne faudrait pas trop tarder, car même si par miracle l’euro revenait sous les 1,20 dollar demain, cela prendrait environ six mois avant que cette dépréciation produise ses effets bénéfiques sur l’économie et six mois supplémentaires pour que le chômage commence à reculer. Autrement dit, la récession est déjà acquise au moins jusqu’à l’été prochain et la flambée du chômage jusqu’à la fin 2013. Merci l’euro trop fort…

 

Marc Touati



Quid de l’économie cette semaine :

Les Etats-Unis ne déçoivent pas, la Chine non plus.


Sans véritable surprise, cette semaine statistique a été plutôt faste pour l’économie américaine. Après déjà six mois de belles performances, puis une augmentation de 0,3 % en novembre, les ventes au détail ont encore progressé de 0,5 % en décembre. Et ce notamment grâce à une nouvelle envolée des ventes automobiles + 1,6 % en décembre après déjà 1,4 % en novembre. Quel décalage avec l’effondrement des immatriculations en Europe et notamment en France…

Cette dynamique des ventes au détail confirme que la consommation des ménages reste un moteur actif de la croissance américaine.

Mieux, en dépit de la bonne tenue des dépenses des particuliers, les prix à la consommation ont continué de rester sages. Après avoir déjà baissé de 0,3 % en novembre, ils ont ainsi stagné en décembre. Leur glissement annuel atteint désormais 1,7 %. Sur l’ensemble de l’année 2012, l’inflation annuelle moyenne n’est que de 2,1 % outre-Atlantique, soit 0,4 point de moins que l’objectif de la Réserve fédérale. Quant à l’inflation hors énergie et produits alimentaires, elle est également restée sous-contrôle à 1,9 %.

En dépit d’une politique monétaire excessivement accommodante, l’inflation américaine reste faible.

Sources : BLS, Fed, ACDEFI

Dans le même temps, après avoir baissé de 1 % en novembre, en correction de la flambée des mois précédent, la production industrielle a retrouvé le chemin de la hausse, augmentant de 0,4 %.

Enfin, cerise sur le gâteau, les mises en chantier de logements ont poursuivi leur remontée, amorcée depuis plus d’un an. Sur le seul mois de décembre, elles ont progressé de 12 %, enregistrant une augmentation moyenne de 28 % sur l’ensemble de l’année 2012. De quoi confirmer que les mesures de la Réserve fédérale en faveur du secteur immobilier sont particulièrement fécondes.

Mieux, l’accroissement de 30 % des permis de construire en 2012 indique que les mises en chantier ont encore de beaux jours devant elles.

Au total, la croissance américaine devrait avoisiner les 2,3 % en 2012 et environ autant cette année. Ce ne sera donc pas flamboyant, mais largement suffisant pour créer des emplois et rembourser les intérêts de la dette publique. Deux résultats que la zone euro est toujours loin de pouvoir obtenir.

Mais si les Américains sont au rendez-vous de la croissance et de l’inflation modérée, les Chinois font encore mieux. Ainsi, confirmant que les craintes sur la vigueur chinoise étaient injustifiées, l’économie de l’Empire du Milieu a accéléré au quatrième trimestre.

Le glissement annuel de son PIB a ainsi atteint 7,9 %, contre un « point bas » de 7,4 % au troisième trimestre. Sur l’ensemble de l’année 2012, sa croissance atteint 7,8 %. S’il s’agit d’un plancher depuis 1999, ce résultat apparaît néanmoins très satisfaisant au regard du ralentissement économique international.

Encore mieux, pour le mois de décembre 2012, la production industrielle affiche une progression annuelle de 10,3 % et les ventes au détail sont en hausse de 15,2 % en glissement annuel.

La Chine reste soutenue par sa dynamique industrielle et la vigueur de sa consommation.

 

De quoi rappeler qu’en dépit des soubresauts du commerce mondial et de la récession eurolandaise, la Chine peut toujours compter sur son moteur principal, en l’occurrence la demande intérieure et plus particulièrement la consommation des ménages.

Pour 2013, cette dynamique devrait d’ailleurs se poursuivre, avec une croissance qui atteindrait 8,1 % sur l’ensemble de l’année. La contribution chinoise à la croissance mondiale serait ainsi de l’ordre de 1,2 point, soit 36 %.

Et pendant ce temps, la zone euro subira une nouvelle baisse annuelle de son PIB de l’ordre de 0,4 % (à peu près comme en 2012), contribuant négativement à la croissance mondiale à hauteur de – 0,1 point…

 

Marc Touati



 


 

Les évènements à suivre du 21 au 25 janvier :


Zone euro : la récession perdure.

 


Après la densité américaine de la semaine dernière, cette semaine économico-statistique sera principalement eurolandaise avec cinq publications déterminantes dans l’UEM. Il s’agira de l’enquête ZEW de janvier (mardi), de celle de l’INSEE (mercredi), des enquêtes PMI (jeudi), de celle de l’IFO et du chômage en France (vendredi). Aux Etats-Unis, on notera les statistiques relatives à l’immobilier (mardi, mercredi et vendredi) et l’évolution des indicateurs avancés du Conference Board (jeudi).

 

 

Mardi 22 janvier, 11h (heure de Paris) : l’indice ZEW se stabilise.

 

Après bientôt six mois de rebond technique, l’indice ZEW du moral des milieux financiers allemands devrait se stabiliser en janvier vers les 7. Un niveau appréciable mais qui confirme que la situation économico-financière allemande et eurolandaise reste fragile.

 

 

Mercredi 23 janvier, 8h45 : le climat des affaires français reste moribond.

 

Après deux mois de hausse, progressant au total de 3 points, le climat des affaires hexagonal devrait en reperdre un en janvier. Avec un niveau de 86, comme une moyenne de long terme de 100, il confirmera que la France est bien entrée en récession. Et ce, tant dans le secteur des services que dans l’industrie, qui devraient également afficher des indices des climats des affaires proches de 86.

 

 

Jeudi 24 janvier, de 9h à 10h : les indices PMI des directeurs d’achat eurolandais confirment la poursuite de la récession.

 

Après une légère remontée en décembre, les indices PMI des directeurs d’achat eurolandais devraient reprendre le chemin de la baisse en janvier. Certes, ce repli serait très limité, mais ces indicateurs avancés de la conjoncture resteraient toujours loin de la barre des 50, qui symbolise la frontière entre la croissance et le recul de l’activité. 46 dans l’industrie, 47,5 dans les services et 47 pour l’indice composite. Tels seraient les niveaux atteints pour l’ensemble de la zone euro, contre respectivement 46,1, 47,8 et 47,2 en décembre.

 

 

Jeudi 24 janvier, 16h : Rebond correctif des indicateurs avancés du Conference Board.

 

Après une baisse surprise de 0,2 % en décembre, les indicateurs avancés du Conference Board devraient progresser de 0,1 % en décembre. Des évolutions qui confirment que les Etats-Unis restent sur le chemin d’une croissance honorables mais peu flamboyante.

 

 

Vendredi 25 janvier, 10h : Petite baisse pour l’indice IFO outre-Rhin.<