La France en 2013 : quitte ou double ?

 

Tout juste débutée, l’année 2013 s’annonce déjà décisive pour la France. Outre les inquiétudes qui pèsent sur le marché de l’emploi, le réel défi de l’année consiste en l’atteinte d’un déficit budgétaire n’excédant pas 3% du PIB. Toutefois, si comme en 2012 le déficit gravite autour de 4,5% du PIB, la dette publique française pourrait alors flirter avec les 100% du PIB (voire même dépasser ce niveau symbolique). L’exercice 2013 est-il celui du changement ? Quid des marges de manœuvre dont dispose le gouvernement pour atteindre son objectif.

 

La fiscalité française semble avoir atteint la limite de l’acceptable.

En 2013, pour la trente-neuvième année consécutive, le solde budgétaire français sera négatif. Selon le gouvernement Ayrault, le déficit public devrait en effet atteindre 60 milliards d’euros… même si de nombreux observateurs, dont le FMI, restent dubitatifs quant à ce montant. Pour atteindre cet objectif de 3%, deux solutions sont envisagées ; l’augmentation des recettes fiscales et la diminution des dépenses publiques.

 

Concernant les rentrées, la loi de finance 2013 prévoit une hausse de la fiscalité de quasiment 20 milliards d’euros, dont plus de la moitié sera être supportée par les particuliers ; suppression du prélèvement forfaitaire libératoire, nouvelles tranches d’imposition sur le revenu, réforme de l’ISF et hausse de la taxation sur plus-values immobilières devraient effectivement coûter aux particuliers la coquette somme de 11,2 milliards d’euros. En plus de la grise mine affichée conjointement par les ménages et les entreprises, cette évolution de la fiscalité devrait permettre à la France de consolider sa place dans le peloton de tête des pays d’Europe dont la fiscalité est la plus élevée. En 2010, l’ensemble des impôts directs et indirects constituait en effet 42,5% du PIB français classant de fait le pays sur la seconde marche du podium de la zone Euro juste derrière la Belgique (43,9%). Un élargissement du périmètre d’étude à l’Union Européenne permet à l’hexagone de figurer en quatrième position, le Danemark et la Suède occupant les deux premières places avec des ratios fiscalité sur PIB s’établissant respectivement à 47,6% et 45,8%.

 

Au regard de l’atonie de la croissance française depuis quatre années, nul doute que le ratio français devrait encore augmenter en 2013, principalement à travers l’effet numérateur. Bien au-dessus des ratios européens (en zone Euro, la fiscalité constitue un peu moins de 40% du PIB), une limite semble ainsi avoir été atteinte et restreint les marges de manœuvre du gouvernement français ; l’annonce de nouvelles hausses d’impôts entraînerait en effet une grave crise sociale dans un contexte déjà très tendu. Qu’en est-il de la dépense publique qui, pour mémoire, constitue le deuxième levier pouvant être activé par l’Etat ?

 

La France est championne d’Europe de la dépense publique.

Une diminution des dépenses publiques d’environ 10 milliards d’euros est également attendue pour l’exercice 2013, soit moitié moins que la hausse de la fiscalité ; les entreprises et les ménages français devront donc se serrer la ceinture un cran supérieur à celle de l’Etat. Alors qu’elle constituait 35% du PIB au début des années 1960, la part actuelle des dépenses publiques dans le PIB s’élève à environ 56%… soit plus de la moitié de la richesse nationale produite en une année. L’évolution sur longue période de la dépense publique est en tout premier lieu imputable à la forte progression des prestations sociales, principalement maladie et vieillesse. Celles-ci constituent 46% de la dépense publique contre 32% en 1960. La charge d’intérêts sur la dette participe également à cette évolution en raison de l’accroissement de l’endettement public français.

 

Cette situation confère à la France le titre de championne d’Europe de la dépense publique sur les cinq dernières années, devant le Danemark (53,7%), la Suède (52,7%), la Finlande (51,3%) et la Belgique (51%). L’Union Européenne et la zone Euro présentent pour leur part un ratio moyen dépenses publiques sur PIB légèrement supérieur à 49%. Le niveau relativement élevé de la dépense publique française donne ainsi à l’hexagone un avantage vis-à-vis des autres pays d’Europe ; la diminution des dépenses publiques constitue en effet une réelle variable d’ajustement lui permettant de respecter son budget et à terme de réduire son niveau d’endettement. Alors pourquoi miser plus sur un choc fiscal plutôt que sur une baisse des dépenses publiques ? La croissance d’un pays n’est-elle pas le fruit de la consommation des ménages, de l’investissement des entreprises et d’un rétablissement de la balance commerciale à travers le défi de la compétitivité ?

 

La récession, c’est maintenant.

En admettant que la diminution des dépenses publiques de 10 milliards d’euros soit effectivement réalisée (ce qui paraît compromis au regard de l’annonce de Vincent Peillon, actuel ministre de l’éducation nationale, de recruter environ 40 000 professeurs en 2013), la direction choisie par le gouvernement pourrait s’avérer inefficace. Dans un article datant de 2009 intitulé Large changes in fiscal policy : taxes vs spending, les économistes Alberto Alesina et Silvia Ardagna ont en effet montré qu’historiquement les ajustements budgétaires axés sur une augmentation de l’impôt s’accompagnaient de longues récessions ; à l’inverse, quand l’ajustement porte sur la diminution des dépenses publiques, les périodes de récessions sont limitées. La récession ? La France devrait justement y entrer officiellement le 14 février prochain avec la publication par l’INSEE des chiffres de la croissance du quatrième trimestre 2012. Récession et probable hausse de la dette publique, un refrain qui s’accompagne le plus souvent d’une dégradation de la notation souveraine, peut-être même de plusieurs crans… or, avec des taux d’intérêt sur l’OAT française anormalement bas (autour de 2%) le pays se dirigerait vraisemblablement vers un krach obligataire avant la fin de l’année.

 

Achevé de rédiger le 17 janvier 2013,

Anthony Benhamou, anthonbenhamou@gmail.com

 

 

Le document PDF contient plusieurs graphiques permettant d’illustrer les données présentées dans l’article.