2012 : La fin des temps ou la fin détend ?

 

Nous y sommes presque. Comme annoncé soi-disant depuis des siècles par les Incas et en tout cas depuis quelques années par de plus en plus d’illuminés, le monde tel que nous le connaissons viendrait d’entrer dans son dernier mois. L’apocalypse est donc pour demain, ou plus précisément pour le 21.12.12.

Pourtant, bien loin de la fin des temps, les derniers jours de l’année 2012 ne se présentent pas si mal, du moins d’un point de vue économique et boursier. En effet, après avoir frôlé la faillite, la Grèce semble de nouveau sortie d’affaires. De la sorte, après s’être approchée dangereusement de l’explosion, la zone euro apparaît une nouvelle fois tirée d’affaires. De même, réélu de justesse, Barack Obama semble sur le point d’obtenir un accord avec le Congrès pour éviter le « fiscal cliff » (précipice fiscal).

Compte tenu de toutes ces bonnes nouvelles, les marchés boursiers en ont profité pour retrouver l’espoir et reprendre quelques couleurs, se dirigeant tranquillement vers ce qui pourrait être appelé un rally de fin d’année. Il faut dire qu’après la crise de 2008-2009, puis celle de 2011, les bourses mondiales disposaient d’un potentiel de rebond appréciable. En particulier sur le Vieux Continent et encore plus sur le Cac 40 qui, à l’exception des indices du Sud de l’Europe, reste le moins performant des grands indices boursiers internationaux.

Les évolutions observées depuis le plafond de mars 2009 sont d’ailleurs sans appels : + 99 % pour le Dow Jones, + 103 % pour le Dax, + 67 % pour le Footsie et + 42 % pour le Cac 40. Les variations depuis les plafonds de 2000 sont encore plus désespérantes pour la bourse hexagonale : +16 % pour New York, +0,1 % pour Francfort, -13 % pour Londres et – 48 % pour Paris. De quoi recadrer ceux qui pensent qu’un investissement boursier sur le long terme est toujours gagnant…

De par ces évolutions bien peu reluisantes sur longue période, on peut d’ailleurs aisément comprendre pourquoi les investisseurs sont de plus en plus réticents à revenir sur les marchés boursiers. Cependant, l’excès de liquidités des acteurs financiers ainsi que la faiblesse des rendements obligataires sont autant de facteurs qui soutiendront les bourses internationales, d’autant que ces dernières serviront des dividendes bien supérieurs aux piètres rentabilités des obligations. Dans ce cadre, en lieu et place de la fin des temps, l’année 2012 pourrait finalement être caractérisée par une fin (qui) détend. Après cinq ans de crise, il faut reconnaître que la planète économico-financière en aurait bien besoin.

Seulement voilà, en dépit de ces apparences salutaires, les dangers restent entiers et les nuages toujours épais. Tout d’abord, en dépit des satisfécits et des sourires de façade, la Grèce et la zone euro sont toujours loin d’être sorties de la crise. Et pour cause : la récession est toujours forte et les dernières enquêtes des directeurs d’achat montrent qu’elle s’est même intensifiée au cours du quatrième trimestre 2012.

Pis, si l’apocalypse est évitée fin 2012, la baisse de l’activité eurolandaise devrait se prolonger au moins jusqu’au printemps 2013, avec nouvelles hausses du chômage et risques sociaux à la clé. Et ce d’autant que le maintien d’un euro à plus de 1,30 dollar étouffe dans l’œuf les chances de reprise et ruine les espoirs de sortie de crise en Grèce et dans l’ensemble des pays en difficulté. A commencer par l’Espagne qui a d’ores et déjà prévenu qu’elle ne pourrait pas respecter ses engagements de baisse des déficits, et ce tant en 2012 qu’en 2013.

Parallèlement, les Américains sont également loin d’avoir retrouvé leur dynamisme d’antan. Certes, l’Administration Obama et les Républicains du Congrès seront contraints de s’entendre pour éviter le plongeon des Etats-Unis dans un précipice fatal : 400 milliards de dollars d’augmentation d’impôts et 200 milliards de dollars de baisse des dépenses si un accord n’est pas trouvé pour rehausser le plafond autorisé de la dette publique d’ici février 2013. Pour autant, la baisse des indices des directeurs d’achat dans l’industrie en novembre confirme que la croissance américaine reste fragile. Ce qui ne manquera pas de calmer les ardeurs des investisseurs pour revenir massivement sur les marchés boursiers.

Enfin, si les pays émergents restent tirés par la vigueur et la résistance impressionnante de la Chine, certains d’entre eux commencent à souffrir sérieusement. Il s’agit principalement de l’Argentine, du Mexique, de la plupart des pays d’Europe de l’Est (à l’exception de la Pologne qui continue de bénéficier d’une demande intérieure soutenue) et de quelques pays africains qui souffrent d’une instabilité géopolitique récurrente.

Bref, si, selon toute vraisemblance, la fin du monde devrait être évitée en 2012, l’économie mondiale demeurerait en danger au moins jusqu’à l’automne 2013. Dans ce contexte, les marchés boursiers devraient rester abonnés aux montagnes russes. Nous maintenons donc nos objectifs de cours boursiers pour les prochains mois et pour la majeure partie de l’année 2013 : 14 000 pour le Dow Jones, 2 500 pour l’Eurostoxx 50 et 3 500 pour le Cac 40. Dès que ces niveaux seront atteints, il ne faudra pas trop tarder à prendre ses bénéfices, de manière à réinvestir sur ces mêmes placements une fois que la baisse corrective (vers les 12 000 pour le Dow Jones, les 2 000 pour l’Eurostoxx et les 3 000 pour le Cac) aura eu lieu.

En fait, il ne sera pas possible de revenir durablement et en toute tranquillité sur les marchés boursiers tant que la récession eurolandaise ne sera pas terminée et que la crise de la dette publique ne sera pas entrée dans une phase d’apaisement, c’est-à-dire dans le meilleur des cas à l’automne de l’an prochain. Nous pourrons donc réutiliser le slogan « la fin détend » mais pour 2013…

Marc Touati