France : derrière le marketing, la récession

 

Miracle ? Erreur de calcul ? Manipulation ? Ou les trois à la fois ? A l’annonce d’une croissance de 0,2 % du PIB français au troisième trimestre, il y a vraiment de quoi se poser des questions ? Cela rappelle étrangement la première version des comptes nationaux français du quatrième trimestre 2011, qui avait été publiée le jour de l’annonce de la candidature de Nicolas Sarkozy à la Présidentielle. A l’époque, l’INSEE avait aussi affiché une étonnante croissance de 0,2 %, mais qui a finalement été révisée quelques mois plus tard à 0 %.

Comme quoi, Monsieur Hollande a beau vouloir nous faire croire qu’il veut casser avec les pratiques de son prédécesseur, le changement est loin d’être réel. D’ailleurs, il faut noter que les chiffres du deuxième trimestre 2012 ont déjà été revus en baisse. On nous annonçait 0 %, c’est finalement – 0,1 %. Ah, méthode Coué quand tu nous tiens…

Nous sommes donc désolés de faire notre métier et de devoir dire que la croissance affichée du troisième trimestre ne reflète pas la réalité économique française. Et pour cause : après avoir déjà reculé de 0,1 % au deuxième trimestre, l’emploi marchand a plongé de 0,3 % au troisième. Conséquence logique de ces destructions d’emplois, le chômage flambe. Il était de 10,8 % en septembre selon les statistiques d’Eurostat. Il y a là un vrai paradoxe. En temps normal, l’emploi et le chômage sont des variables retardées de l’activité. Cela signifie que l’emploi doit baisser après que le PIB ait reculé. Or, depuis la fin 2011, c’est exactement l’inverse qui se produit. En d’autres termes, si son PIB reste en croissance artificielle, la France connaît déjà un emploi et un chômage de récession.

Et, malheureusement, la tendance n’est pas près de s’inverser. Le détail des comptes nationaux du troisième trimestre nous montrent d’ailleurs que l’investissement des entreprises a repris le chemin de la baisse (-0,4 %), annonçant par là même un nouveau recul de l’emploi et de la consommation pour les trimestres à venir. En outre, les indicateurs avancés que constituent les enquêtes de conjoncture de l’INSEE, mais aussi celles de la Banque de France, de la Commission Européenne et celles des directeurs d’achat sont formelles : au printemps 2013, le glissement annuel du PIB français devrait se situer entre – 1,5 % et – 2 %.

Autrement dit, la petite croissance de 0,2 % du troisième trimestre est l’arbre qui cache la forêt d’une récession française qui ne veut pas dire son nom. Seulement voilà, les entreprises et les citoyens français ne sont pas dupes, ils vivent chaque jour la réalité de la faiblesse de l’activité et de la hausse du chômage.

Pis, avec un euro toujours trop fort et la nouvelle augmentation à venir de la pression fiscale française, la récession ne peut que s’aggraver. Cela signifie que le PIB baissera nettement au quatrième trimestre et encore davantage au début 2013. La variation annuelle moyenne du PIB français devrait donc atteindre + 0,1 % en 2012 et au mieux 0 % en 2013. Nous serons donc très loin des objectifs gouvernementaux. Dans ce cadre, l’an prochain, le déficit public atteindra au moins 4 % du PIB, la dette publique franchira la barre symbolique des 100 % du PIB et le taux de chômage (mesuré sérieusement par Eurostat) dépassera les 12 %. Mais, chut !, le Président a dit que tout irait bien, donc taisons-nous…

Marc Touati