Le changement, c’est maintenant, mais en pire…

 

« La force tranquille » en 1981, « Génération Mitterrand » et « La France Unie » en 1988, « La France pour tous » en 1995, « La France en grand, la France ensemble » en 2002, « Ensemble tout devient possible » mais aussi « la rupture » en 2007 et enfin « le changement, c’est maintenant » en 2012. A la lecture des slogans de campagne des Présidents français depuis plus de trente ans, une remarque s’impose : que de promesses non-tenues, que de faux-semblants, bref, que d’arnaques !

Bien entendu, nous sommes bien conscients que, pour être élus, les candidats à la fonction suprême doivent aussi faire rêver et que, pour y parvenir, ils se livrent à un concours de marketing et de talents publicitaires. A ce titre, on pourrait d’ailleurs se réjouir d’avoir évité de justesse « La Porsche tranquille » de DSK…

Blague à part et sans vouloir jouer les démagogues, si la méthode Coué et le marketing ont des vertus apaisantes, ils ne peuvent pas constituer l’axe principal d’une stratégie présidentielle et gouvernementale. Autrement dit, les Français veulent bien rêver, mais tôt ou tard, il leur faut des résultats et du concret.

Mais, pour nos dirigeants, la tentation de l’enfumage et du maquillage de la réalité est trop forte. Faute de place, nous ne remonterons pas aux mandats de François Mitterrand et de Jacques Chirac. Rappelons simplement qu’au cours de ces 26 années, la France a connu des changements bien peu enviables : sa croissance structurelle est passée de plus de 3 % à moins de 1,5 %, le chômage de masse est devenu la norme, les tensions et les inégalités sociales se sont accrues, enfin, la dette publique est passée de 20 % à près de 70 % du PIB. En d’autres termes, non seulement ces deux Présidents n’ont pas tenu leurs promesses campagnes, mais surtout la France a été dans le sens inverse de ce qu’ils annonçaient.

Les deux derniers Chefs de l’Etat n’ont pas dérogé à la règle. Même si l’élection de François Hollande est récente et nous impose de lui laisser encore le bénéfice du doute, il est assez troublant d’observer les ressemblances et les erreurs communes qui unissent celui-ci et son prédécesseur. Tout d’abord, alors que les deux promettaient un changement radical dès leur élection, force est de constater qu’il n’en a rien été. Ainsi, en lieu et place de la rupture, Nicolas Sarkozy s’est contenté du « bouclier fiscal » et de quelques mesurettes. Il y a bien eu la réforme de la retraite, mais celle-ci tablant sur un taux de chômage de 7 %, elle va vite devenir caduque. Et que l’on arrête de faire croire que la « rupture » a été empêchée par la crise, car cette dernière n’a vraiment commencé qu’en 2008, soit un an après l’élection présidentielle. Or, il est clair que, compte tenu de la faible culture économique des Français et de leur hermétisme à la réforme, toute véritable rupture doit être menée dans les six à neuf mois qui suivent l’élection. Au-delà, il est déjà trop tard…

En dépit de cette réalité avérée, François Hollande a fait la même erreur. Bien loin des promesses de restauration de la croissance et de refonte de la zone euro, il s’est « contenté » de soutenir que la crise était finie et de courber l’échine face à la détermination d’Angela Merkel. Encore heureux que Mario Draghi dirige la BCE et a empêché le pire, alors que Sarkozy a dû composer avec le dogmatisme destructeur de Jean-Claude Trichet.

Autre similitude troublante et qui prouve la crainte d’engager un véritable changement, les deux derniers Présidents français ont commandé des rapports sur la stratégie à mettre en œuvre pour relancer la croissance. Et ce, à des personnalités de bord relativement opposé à la majorité, de manière à montrer le souhait présidentiel de rassemblement. Ainsi, pour justifier son action, Nicolas Sarkozy a commandé le rapport Attali, sorte de gage d’ouverture à gauche. Symétriquement, avec le rapport demandé à Louis Gallois, ex-PDG d’EADS, François Hollande et Jean-Marc Ayrault semblent vouloir démontrer l’ouverture du nouveau gouvernement en direction des entreprises. Bien entendu, dans la mesure où ils n’obéissent qu’à une démarche de politique politicienne, ces rapports finiront comme tous les énièmes rapports commandés par les différents Présidents, premiers ministres, ministres, etc… depuis trente ans, c’est-à-dire dans un placard, voire dans une poubelle.

Notons néanmoins une nouveauté : si Nicolas Sarkozy a laissé croire à Jacques Attali que son rapport aller servir à quelque chose, François Hollande a d’ores et déjà prévenu qu’il n’y aurait pas de « choc de compétitivité » et que le rapport Gallois figurerait en bonne place dans les oubliettes de la République.

En dépit des apparences, Monsieur Hollande commence donc déjà à dépasser Monsieur Sarkozy. Mais pas forcément dans le bon sens. En effet, si ce dernier n’a pas réussi à baisser la dépense publique (sa part dans le PIB est même passée de 52,6 % en 2007 à 56,2 % début 2012, quatre points de plus que sous Mitterrand…), il a quand même évité d’augmenter fortement la pression fiscale. Bien différemment, François Hollande a déjà prévenu les Français : la dépense publique ne baissera pas, ce qui signifie en langage codé qu’elle augmentera nettement. Mais surtout, les impôts et taxes vont flamber. Le gouvernement n’hésite d’ailleurs pas à annoncer que le poids des prélèvements obligatoires dans le PIB passera de 44,5 % actuellement à plus de 46,3 % l’an prochain. Riches, moins riches et pauvres, tout le monde va donc devoir cracher au bassinet… Conséquences logiques de ce non-sens économique, l’activité va encore reculer, le chômage augmenter, donc l’assiette fiscale baisser, les recettes publiques diminuer, ce qui ne manquera évidemment pas d’aggraver les déficits et la dette.

Une fois encore, les dirigeants français vont donc amener le pays dans le sens inverse de ce qu’ils avaient annoncé. Pour essayer de déminer le terrain, le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici est dernièrement monté au créneau pour annoncer que la croissance du PIB français serait « très légèrement » positive au troisième trimestre. Un vrai miracle ! Mais les Français ne sont pas dupes : si le PIB ne baisse toujours pas officiellement et que la récession apparaît donc évitée, l’évolution récente du chômage correspond bien à une situation de récession. Un drame qui ne fera d’ailleurs qu’empirer avec l’augmentation de la pression fiscale.

Si c’est cela le changement, alors, s’il vous plaît, Monsieur Hollande, ne changez rien…

Marc Touati