Bourses, Chine, Etats-Unis : hard ou soft landing ? (E&S n°220)

 

Humeur :

Les marchés resteront déboussolés jusqu’en 2013…

Comme nous n’avons cessé de le répéter depuis 2008 et encore plus depuis un an, l’évolution des marchés boursiers reste extrêmement spéculative et n’est dictée que par le « jeu » des montagnes russes. Cette volatilité démentielle a encore été accentuée au cours des derniers mois. Et ce, en particulier pour le Cac 40 : + 27,4 % du 24 novembre 2011 au 16 mars 2012, – 16,5 % du 16 mars au 23 mai, + 8,9 % du 23 mai au 3 juillet et enfin – 4,2 % la semaine suivante.

Au cours de cette folle période, certaines séances ont également défié l’entendement : – 3,6 % le 6 mars, – 3,1 % le 10 avril, + 2,4 % le 6 juin ou encore + 4,8 % le 29 juin. Ne jouons pas les « vierges effarouchées », ces évolutions en dents de scie ne sont pas nouvelles. Cependant, elles confirment que les marchés boursiers restent complétement déboussolés et n’obéissent à aucune règle fiable. Et pour cause : les investisseurs et les entreprises ne disposent d’aucune visibilité et demeurent à la merci de décisions politiques prises par des personnes qui ne sont pas à la hauteur de la situation et/ou qui obéissent principalement à des dogmes idéologiques.

Bien entendu, la tâche n’est pas facile. Comment effectivement réussir à concilier les problématiques de 17 pays de la zone euro et de 27 de l’Union Européenne ? Et ce, sans froisser nos partenaires américains, russes et chinois. Pour autant, il ne faut pas non plus être dupe : depuis quatre ans de crise, les mêmes mesures sont favorisées, avec évidemment les mêmes conséquences : on ne fait que colmater les brèches, sans aborder le problème de fond, en l’occurrence l’absence de croissance durablement forte et d’harmonisation des conditions fiscales et réglementaires.

« The European Dream », qui devait faire de la zone euro la terre de croissance la plus forte et la plus innovante au monde, disposant de la devise la plus crédible, est donc bien en train de devenir « the European Nightmare ». Ce triste cauchemar est malheureusement simple : censé, à l’origine, constituer un jeu coopératif, l’UEM est devenue un terrain d’affrontement où l’hétérogénéité est croissante. Ces divergences se développent dans presque tous les domaines : fiscalité des ménages et des entreprises, poids des dépenses publiques, fluidité ou rigidités des marchés du travail.

Compte tenu de ces différences et d’un monde forcément ouvert, les entreprises, les investisseurs et même les populations font rapidement leur choix : les pays à fortes rigidités, à fiscalité débordante et à dépenses publiques inefficaces sont délaissés au profit de ceux qui arrivent à fluidifier leur marché du travail, à réduire la pression fiscale et à optimiser le fonctionnement des Administrations publiques.

Dans ce cadre de plus en plus disparate et fortement concurrentiel, l’Union européenne et la zone euro en particulier font de plus en plus peur. Avec une question aussi simple que terrifiante : la monnaie unique sera-t-elle encore là dans trois ans ? Si la réponse est positive, alors les marchés n’ont pas de raison de broyer du noir outre-mesure. Mieux, les grands indices boursiers n’ont aucune raison d’être aussi bas. Avec une croissance mondiale d’environ 3 %, une inflation largement sous-contrôle et des taux à long terme relativement faibles des deux côtés de l’Atlantique (à l’exception bien sûr des pays d’Europe du Sud), le niveau normal du Dow Jones et du Cac 40 devraient être respectivement 14 500 et 3 500. Cela nous donne une idée de la marge de progression qui existe si la situation européenne se normalise.

En revanche, si la zone euro commence vraiment à battre de l’aile et que certains de ses membres la quittent, préfigurant son explosion, les marchés boursiers ont toutes les raisons de s’effondrer. Dans ce contexte, le niveau « normal » du Dow Jones serait inférieur à 9 000 et celui du Cac 40 oscillerait autour des 1 800. Bref, tous aux abris !

Le drame est qu’aujourd’hui, il n’est pas possible d’affirmer avec un minimum de sérieux ce qui se produira dans les trois années à venir. C’est donc à cause du caractère particulièrement binaire de la situation européenne actuelle que les marchés passent du vert fluo au rouge incandescent en quelques heures sans aucun discernement.

Enfin, pour ne rien arranger, le capharnaüm européen commence à faite tâche d’huile dans l’ensemble de la planète. Certes, depuis une dizaine d’années, la contribution de la zone euro à la croissance mondiale n’est que de 0,14 point par an. A titre de comparaison, celle des Etats-Unis est d’environ 0,5 point, celle de la Chine de 1,2 point et celle de l’Inde de 0,4. Bref, ce n’est pas le manque de croissance eurolandaise qui va faire mal à l’économie mondiale. Elle s’en passe très bien depuis plus de dix ans. En revanche, les craintes sur l’éclatement de la zone euro, et son corollaire, les dangers de non-remboursement de certaines dettes publiques commencent à imposer à l’ensemble des pays et des entreprises de la planète de prendre leurs précautions. D’où une réduction des investissements et des embauches un peu partout, avec effet récessif auto-entretenu à la clé.

Ces nouvelles menaces sur la croissance américaine, chinoise ou indienne ne sont évidemment pas de bon augure pour permettre aux marchés boursiers de retrouver le chemin de la hausse. Seul réconfort : la faiblesse des cours des matières premières et des prix énergétiques réduit mécaniquement les risques de récession. En outre, la Fed continuera de veiller au grain et n’hésitera plus à engager un Quantitative Easing n°3. La croissance mondiale devrait donc se stabiliser autour des 3 % au moins jusqu’en 2013. La grande perdante restera évidemment la zone euro qui continuera de faire peur aux investisseurs.

Les facteurs explicatifs des évolutions boursières resteront donc les mêmes jusqu’en 2013 : dette publiques trop élevées, récession eurolandaise, dirigeants européens qui ne sont pas à la hauteur, ralentissement mesuré aux Etats-Unis et dans le monde émergent, avec en toile de fond, une relative sagesse des cours des matières premières.

Dans ce cadre, les grands indices boursiers seront condamnés à la forte volatilité. Le Cac 40 oscillera sans cesse entre 2800 et 3500 au rythme des déclarations et des décisions européennes et des statistiques confirmant ou amoindrissant la récession qui est en train de s’installer en Europe. Good luck !

Marc Touati



Quid de l’économie cette semaine :

Chine : Pas de panique, ce n’est qu’un soft landing.


 


Sans surprise, la croissance chinoise a encore reculé au deuxième trimestre 2012. Avec un niveau de 7,6 %, elle atteint même un plus bas depuis le premier trimestre 2009. Avec la baisse de l’indice PMI des directeurs d’achat à 50,2 en juin, il pourrait être tentant de conclure à l’écroulement imminent de la croissance chinoise d’ici la fin 2012.

La croissance chinoise au plus bas depuis le premier trimestre 2009.

Source : Institut Statistique Chinois

En fait, ces inquiétudes sont excessives. Tout d’abord, il ne faut pas oublier qu’avec un niveau de 7,9 % en moyenne sur le deux premiers trimestres de l’année, la croissance chinoise reste très appréciable et même supérieure à l’objectif annuel du gouvernement, fixé à 7,5 %. Autrement dit, nous sommes toujours loin de la bérézina annoncée, ou plutôt espérée, par certains.

D’ailleurs, les statistiques de production industrielle et de ventes au détail confirment que le mouvement de décélération s’est stabilisé. Avec un glissement annuel de respectivement 9,5 % et 13,7 %, ces deux agrégats majeurs de l’économie chinoise montrent que l’investissement et la consommation demeurent particulièrement solides.

La production industrielle et les ventes au détail cessent de décélérer.

Source : Institut Statistique Chinois

Parallèlement, la balance commerciale chinoise se porte beaucoup mieux. Ainsi, après un déficit record de 31,5 milliards de dollars en février 2012, puis un redémarrage progressif, avec notamment un mois de mai à seulement 18,7 milliards de dollars, l’excédent commercial de l’Empire du Milieu a atteint 31,7 milliards de dollars en juin. Un plus haut depuis janvier 2009. Sur douze mois, l’excédent commercial remonte à près de 182 milliards de dollars.

L’amélioration de juin s’explique par une augmentation de 11,3 % des exportations, tandis que les importations n’ont progressé que de 6,3 %. Ce dernier résultat est cependant à prendre avec des pincettes car il est principalement dû au ralentissement de la demande intérieure chinoise et au repli des cours des matières premières.

En revanche, il faut noter que la bonne tenue du commerce extérieur chinois s’est poursuivie en dépit de l’appréciation du yuan et du ralentissement de la croissance en Europe et aux Etats-Unis. De quoi confirmer que la dynamique exportatrice chinoise est durable et résiste aux tempêtes.

L’excédent commercial se reprend.

Source : Institut Statistique Chinois

La baisse des cours des matières premières et l’appréciation du yuan sont aussi à l’origine du recul de l’inflation, qui est également particulièrement faible. En juin, elle est tombée à 2,2 %, un plus bas depuis janvier 2010. Lorsque l’on sait que l’objectif du gouvernement est une inflation de 4 %, on comprend combien la politique restrictive chinoise a été trop loin.

Et ce d’autant que, hors alimentaire, l’inflation s’est stabilisée à 1,4 % en juin. La déflation n’est certes pas encore là, mais il faut vite reprendre les choses en main. La bonne nouvelle réside néanmoins dans le fait que, grâce à cette inflation limitée, le pouvoir d’achat des Chinois s’améliore, soutenant par là même leurs dépenses de consommation et d’investissement logement.


Une inflation chinoise plus que sous contrôle…

Source : Institut Statistique Chinois

Au total et comme cela a déjà commencé depuis quelques semaines, il est clair que Pékin va désormais assouplir sa politique monétaire et favoriser un yuan un peu moins cher.

Après s’être approché dangereusement des 6,25 yuans pour un dollar, la devise chinoise revient ainsi tranquillement vers les 6,40. Avec un niveau de la parité des pouvoirs d’achat de 3,50 yuans pour un dollar, les exportations chinoises restent donc toujours ultra-compétitives, même si une petite dépréciation supplémentaire du yuan ne fera pas de mal.

Comme cela s’était observé en 2008 au début de la crise, la Chine va donc stabiliser durablement sa devise (voire la laisser se déprécier quelque peu), histoire de ne prendre aucun risque pour sa croissance. Après « America First », « China First » va donc tranquillement s’imposer…

A présent que la croissance a suffisamment ralenti, le yuan va arrêter de s’apprécier.

Source : Institut Statistique Chinois

De toute façon, avec 3 240 milliards de dollars de réserves de changes en juin (après un sommet de 3 300 milliards en mars), la Chine a de quoi voir venir. De la sorte, comme en 2009, elle restera protégée de la récession et demeurera la locomotive de la croissance mondiale.

Marc Touati

 



 


 

Les évènements à suivre du 16 au 20 juillet :


Etats-Unis : le ralentissement se poursuit.

 


Cette semaine économico-statistique sera principalement marquée par de nombreuses statistiques d’activité américaines. A commencer par les ventes au détail (lundi 16), les prix à la consommation (mardi 17), la production industrielle (également mardi 17) et les mises en chantier de logements (mercredi 18). Dans tous les cas, la décélération, déjà observable depuis quelque mois, devrait être confirmée.

 

Lundi 16 juillet, 14h30 (heure de Paris) : les ventes au détail restent molles outre-Atlantique.

Après avoir déjà baissé de 0,2 % en mai, les ventes au détail ne devraient progresser que de 0,1 % en juin. Hors automobile, la hausse devrait atteindre 0,2 %, corrigeant seulement en partie la baisse de 0,4 % enregistrée en mai.

En fait, seule la baisse des prix énergétiques devrait jouer favorablement. En revanche, la faiblesse des créations d’emplois et des salaires devraient limiter le rebond des ventes au détail.

 

Mardi 17 juillet, 11h : encore une baisse de l’indice ZEW en juillet.

Après la forte baisse des mois précédents et notamment celle de juin, l’indice ZEW reflétant le moral des investisseurs outre-Rhin devrait encore reculer en juillet. Il passerait ainsi de – 16,9 à – 20. Si les plus bas des dernières crises financières resteront encore relativement loin, les financiers allemands demeurent inquiétés par le manque de visibilité qui existe au sein de la zone euro et aussi par un début de contagion à l’économie allemande.

 

Mardi 17 juillet, 14h30 : l’inflation américaine recule encore en juin.