Comme nous n’avons cessé de le répéter depuis 2008 et encore plus depuis un an, l’évolution des marchés boursiers reste extrêmement spéculative et n’est dictée que par le « jeu » des montagnes russes. Cette volatilité démentielle a encore été accentuée au cours des derniers mois. Et ce, en particulier pour le Cac 40 : + 27,4 % du 24 novembre 2011 au 16 mars 2012, – 16,5 % du 16 mars au 23 mai, + 8,9 % du 23 mai au 3 juillet et enfin – 4,2 % la semaine suivante.
Au cours de cette folle période, certaines séances ont également défié l’entendement : – 3,6 % le 6 mars, – 3,1 % le 10 avril, + 2,4 % le 6 juin ou encore + 4,8 % le 29 juin. Ne jouons pas les « vierges effarouchées », ces évolutions en dents de scie ne sont pas nouvelles. Cependant, elles confirment que les marchés boursiers restent complétement déboussolés et n’obéissent à aucune règle fiable. Et pour cause : les investisseurs et les entreprises ne disposent d’aucune visibilité et demeurent à la merci de décisions politiques prises par des personnes qui ne sont pas à la hauteur de la situation et/ou qui obéissent principalement à des dogmes idéologiques.
Bien entendu, la tâche n’est pas facile. Comment effectivement réussir à concilier les problématiques de 17 pays de la zone euro et de 27 de l’Union Européenne ? Et ce, sans froisser nos partenaires américains, russes et chinois. Pour autant, il ne faut pas non plus être dupes : depuis quatre ans de crise, les mêmes mesures sont favorisées, avec évidemment les mêmes conséquences : on ne fait que colmater les brèches, sans aborder le problème de fond, en l’occurrence l’absence de croissance durablement forte et d’harmonisation des conditions fiscales et réglementaires.
« The European Dream », qui devait faire de la zone euro la terre de croissance la plus forte et la plus innovante au monde, disposant de la devise la plus crédible, est donc bien en train de devenir « the European Nightmare ». Ce triste cauchemar est malheureusement simple : censé, à l’origine, constituer un jeu coopératif, l’UEM est devenue un terrain d’affrontement où l’hétérogénéité est croissante. Ces divergences se développent dans presque tous les domaines : fiscalité des ménages et des entreprises, poids des dépenses publiques, fluidité ou rigidités des marchés du travail.
Compte tenu de ces différences et d’un monde forcément ouvert, les entreprises, les investisseurs et même les populations font rapidement leur choix : les pays à fortes rigidités, à fiscalité débordante et à dépenses publiques inefficaces sont délaissés au profit de ceux qui arrivent à fluidifier leur marché du travail, à réduire la pression fiscale et à optimiser le fonctionnement des Administrations publiques.
Dans ce cadre de plus en plus disparate et fortement concurrentiel, l’Union européenne et la zone euro en particulier font de plus en plus peur. Avec une question aussi simple que terrifiante : la monnaie unique sera-t-elle encore là dans trois ans ? Si la réponse est positive, alors les marchés n’ont pas de raison de broyer du noir outre-mesure. Mieux, les grands indices boursiers n’ont aucune raison d’être aussi bas. Avec une croissance mondiale d’environ 3 %, une inflation largement sous-contrôle et des taux à long terme relativement faibles des deux côtés de l’Atlantique (à l’exception bien sûr des pays d’Europe du Sud), le niveau normal du Dow Jones et du Cac 40 devraient être respectivement 14 500 et 3 500. Cela nous donne une idée de la marge de progression qui existe si la situation européenne se normalise.
En revanche, si la zone euro commence vraiment à battre de l’aile et que certains de ses membres la quittent, préfigurant son explosion, les marchés boursiers ont toutes les raisons de s’effondrer. Dans ce contexte, le niveau « normal » du Dow Jones serait inférieur à 9 000 et celui du Cac 40 oscillerait autour des 1 800. Bref, tous aux abris !
Le drame est qu’aujourd’hui, il n’est pas possible d’affirmer avec un minimum de sérieux ce qui se produira dans les trois années à venir. C’est donc à cause du caractère particulièrement binaire de la situation européenne actuelle que les marchés passent du vert fluo au rouge incandescent en quelques heures sans aucun discernement.
Enfin, pour ne rien arranger, le capharnaüm européen commence à faite tâche d’huile dans l’ensemble de la planète. Certes, depuis une dizaine d’années, la contribution de la zone euro à la croissance mondiale n’est que de 0,14 point par an. A titre de comparaison, celle des Etats-Unis est d’environ 0,5 point, celle de la Chine de 1,2 point et celle de l’Inde de 0,4. Bref, ce n’est pas le manque de croissance eurolandaise qui va faire mal à l’économie mondiale. Elle s’en passe très bien depuis plus de dix ans. En revanche, les craintes sur l’éclatement de la zone euro, et son corollaire, les dangers de non-remboursement de certaines dettes publiques commencent à imposer à l’ensemble des pays et des entreprises de la planète de prendre leurs précautions. D’où une réduction des investissements et des embauches un peu partout, avec effet récessif auto-entretenu à la clé.
Ces nouvelles menaces sur la croissance américaine, chinoise ou indienne ne sont évidemment pas de bon augure pour permettre aux marchés boursiers de retrouver le chemin de la hausse. Seul réconfort : la faiblesse des cours des matières premières et des prix énergétiques réduit mécaniquement les risques de récession. En outre, la Fed continuera de veiller au grain et n’hésitera plus à engager un Quantitative Easing n°3. La croissance mondiale devrait donc se stabiliser autour des 3 % au moins jusqu’en 2013. La grande perdante restera évidemment la zone euro qui continuera de faire peur aux investisseurs.
Les facteurs explicatifs des évolutions boursières resteront donc les mêmes jusqu’en 2013 : dette publiques trop élevées, récession eurolandaise, dirigeants européens qui ne sont pas à la hauteur, ralentissement mesuré aux Etats-Unis et dans le monde émergent, avec en toile de fond, une relative sagesse des cours des matières premières.
Dans ce cadre, les grands indices boursiers seront condamnés à la forte volatilité. Le Cac 40 oscillera sans cesse entre 2800 et 3500 au rythme des déclarations et des décisions européennes et des statistiques confirmant ou amoindrissant la récession qui est en train de s’installer en Europe. Good luck !
Marc Touati