France, BCE, Etats-Unis : où est le sauveur ? (E&S n°219)

 

Humeur :

Qui sauvera la zone euro : la France ou la BCE ?

Comme nous l’expliquions la semaine dernière dans cette même chronique, le sommet européen n’a permis de sauver l’Union Economique et Monétaire que pour quelques semaines. Dès le mois de septembre prochain, la crise de la dette publique et plus globalement celle de la zone euro vont reprendre de plus belle.

D’ores et déjà, il faut noter qu’en dépit d’une nette baisse, les taux d’intérêt des obligations d’Etat à dix ans demeurent encore beaucoup trop élevés. La raison de cet échec qui ne dit pas son nom est malheureusement simple : au-delà du marketing et des satisfécits de façade, les dirigeants eurolandais n’ont toujours pas résolu le principal dilemme de l’UEM : comment restaurer la croissance tout en réduisant de manière crédible les déficits publics ?

Certes, les Allemands ont apporté un élément de réponse : faire des réformes structurelles. Celles-ci consistent principalement à réduire les dépenses publiques, diminuer la pression fiscale et améliorer le fonctionnement du marché du travail, notamment via une plus grande fluidité de ce dernier et une meilleure adéquation entre l’offre et la demande d’emplois. Le raisonnement sous-jacent de cette stratégie remonte aux années 70 et à la politique d’Helmut Schmitt : les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain.

N’en déplaise à certains, il faut reconnaître que cette recette de bon sens a bien fonctionné : les réformes Schröder, puis Merkel du début des années 2000 ont effectivement redonné de la compétitivité à l’économie et aux entreprises allemandes, ce qui a permis de restaurer la rentabilité de ces dernières à partir de 2005-2006, relançant ensuite l’investissement, la croissance et, bien sûr, l’emploi. En dépit de la crise et de la récession de 2009, il est ainsi éloquent d’observer que le taux de chômage allemand avoisine encore aujourd’hui les 5,5 %, contre plus de 10 % en France.

Cependant, si cette solution a bien apporté les preuves de son efficacité, son délai d’application et de réussite effective est très long. De l’ordre d’une dizaine d’années. Or, compte tenu de la gravité de la crise et des erreurs à répétition des dirigeants eurolandais, le temps imparti pour sauver la zone euro est beaucoup trop court : six mois, un an, peut-être deux. Il faut donc trouver une solution d’urgence pour relancer la croissance. Et ce, d’autant que même l’économie allemande commence, elle aussi, à faiblir et, à ce rythme, finira par sombrer dans la récession avant la fin de l’année 2012.

C’est dans ce cadre qu’à côté des mesures décidées le 29 juin dernier, il faut aller plus loin dans les mesures de soutien à l’activité et notamment dans l’action de la BCE. Mais pour que les Allemands acceptent d’aller dans ce sens, ils veulent des garanties de sérieux des finances publiques et notamment dans l’Hexagone. C’est pourquoi, à peine quelques jours après le sommet européen, le gouvernement français a présenté un programme de réduction des déficits publics.

Il faut reconnaître que le plan médiatique de cette « nouvelle » stratégie a été savamment orchestré : dès la fin juin, révision en baisse des prévisions de croissance de l’INSEE, mais sans catastrophisme ; ensuite, présentation du rapport de la Cour des Comptes, qui demande des efforts conséquents de réduction des déficits ; et, enfin, annonce d’une forte augmentation des impôts censée remettre les pendules à l’heure et restaurer la crédibilité de la France en matière de sérieux budgétaire. A l’évidence, le travail des communicants et des publicitaires a été soigné. Seulement voilà, comme cela s’observe depuis plus de vingt ans, les gouvernements français sont toujours très forts pour le marketing, mais beaucoup moins pour l’application des promesses.

Pis, à force d’avoir été abusés pendant deux décennies, les Français ne croient plus au Père Noël. A la rigueur, même le Premier Ministre semble ne pas y croire non plus. Il faut dire que les mesures annoncées sont loin d’être la panacée. Et pour cause : plutôt que de réduire drastiquement les dépenses de fonctionnement (qui, rappelons-le, ont augmenté de 100 milliards d’euros au cours des dix dernières années), le gouvernement nous annonce un gel des dépenses.

Conscient évidemment que cette vraie fausse rigueur sera hautement insuffisante, il cherche néanmoins à rassurer en annonçant une nette augmentation des impôts. Et ce, notamment à l’encontre des « méchants riches » et des « vilaines entreprises ». On grappille ainsi deux milliards par-ci, deux milliards par-là, espérant récupérer au total 7 milliards d’euros cette année et près du double l’an prochain. Selon le gouvernement, le poids des prélèvements obligatoires devrait ainsi atteindre 46,2 % du PIB l’an prochain, c’est-à-dire au moins 47 % dans les faits. De quoi encore réduire la compétitivité de l’économie et des entreprises françaises et aggraver la récession qui se dessine.

Quelle erreur de diagnostic ! Quel gâchis ! En effet, il ne faut pas oublier que ces raisonnements ne valent que « toutes choses égales par ailleurs ». Aussi, il suffit que la croissance recule encore pour que tout ce « beau château de sable » s’écroule. Ne l’oublions pas : un point de croissance en moins c’est environ 8 milliards de recettes fiscales qui s’envolent et presque autant de dépenses en plus. Autrement dit, si la crise revient en septembre, adieu veaux, vaches, cochons… Une fois de plus, les déficits risquent donc d’être bien plus forts que prévu. Dans ces conditions, il est clair que la bienveillance des Allemands se transformera rapidement en remontrances et certainement pire.

Pour éviter d’en arriver, il faut donc espérer que la croissance effective ne sera pas plus faible que celle anticipée par M. Ayrault. A cet égard, la baisse du taux refi de la BCE va évidemment dans le bon sens. Elle est néanmoins trop tardive et surtout insuffisante, lorsque l’on voit que l’euro reste trop fort et les taux d’intérêt des obligations d’Etat trop élevés. Si la zone euro est sauvée, ce ne sera donc certainement pas grâce à la politique française, qui sera encore couronnée d’échec, mais à celle de la BCE qui, souhaitons-le, aura bientôt la permission de l’Allemagne d’aller plus loin et notamment d’acheter de la dette publique en direct.

Marc Touati



Quid de l’économie cette semaine :

Obama a-t-il déjà perdu les élections ?


 


Après une reprise appréciable dès le second semestre 2009 et une forte résistance à la crise européenne, les Etats-Unis commencent, eux aussi, à souffrir. Fort ralentissement de l’activité dans l’industrie et les services, faibles créations d’emplois et chômage toujours élevé, plus les mois passent, plus la probabilité de réélection d’Obama se réduit.

En effet, pour la première fois depuis juillet 2009, l’indice ISM des directeurs d’achat dans l’industrie manufacturière est passé sous la barre des 50, qui représente la frontière entre la progression et le recul de l’activité.

Avec un niveau de 49,7 en juin (soit une chute de 3,8 points en un mois et de 5,2 points en deux mois), cet indice n’est certes pas catastrophique, mais il pose néanmoins de vraies questions sur l’avenir de l’économie américaine. Et pour cause : habituellement, la baisse des cours du baril joue positivement sur cette enquête, ce qui n’a pas été le cas en juin.

Cela signifie donc que, sans le repli des cours pétroliers et des matières premières au sens large, la sanction aurait été encore plus forte.

Pis, habitué à mieux résister que son homologue industriel depuis le début de la crise, l’indice ISM non-manufacturier commence, lui aussi, à dévisser sérieusement.

Ainsi, en reculant de 1,6 point en juin, il se situe à un niveau de 52,1, un plus bas depuis janvier 2010. Parallèlement, l’indice relatif à l’activité dans les services perd 3,9 points et tombe à un plus bas depuis novembre 2009.

S’il n’y a pas encore péril en la demeure, il faut reconnaître que ces indicateurs avancés de l’économie américaine deviennent de plus en plus inquiétants.

Leur corrélation avec le glissement annuel du PIB indique même que ce dernier pourrait retomber vers 1 % d’ici la fin de l’année 2012.

Vers 1 % de croissance d’ici la fin 2012.

Sources : BEA, ISM

 

Conséquence logique de ce ralentissement économique, les créations d’emplois restent faibles et le taux de chômage élevé. En juin, les premières n’ont été que de 80 000 et le second s’est stabilisé à 8,2 %.

Sur l’ensemble du deuxième trimestre 2012, la job machine américaine n’a créé que 225 000 emplois, contre 678 000 lors du trimestre précédent.

Le glissement annuel de l’emploi salarié non-agricole est d’ailleurs reparti à la baisse depuis le printemps dernier, se stabilisant à 1,35 % depuis trois mois.

L’emploi ralentit sérieusement et le chômage stagne à 8,2 %.

Sources : BLS

Quant au taux de chômage, il faut savoir qu’avec un niveau de 8,2 %, Barack Obama n’a quasiment aucune chance d’être réélu (du moins au regard de l’histoire politico-économique américaine qui n’a jamais vu un Président américain réélu en période de chômage élevé).

Pour ce faire, il faudrait que ce taux avoisine les 7 %. Autant dire qu’à quatre mois des prochaines élections, les « carottes sont presque cuites » pour l’actuel Président.

Ses partisans ont beau mettre en avant qu’il ne s’agit que d’un petit contretemps et que les Américains n’éliront jamais à leur tête un Mormon, M. Romney est en train de devenir favori.

La question sera alors de savoir s’il saura redonner confiance aux Américains pour retrouver leur dynamisme légendaire ou alors s’il se contentera de colmater les brèches.

En attendant, après Brown, Papandréou, Zapatero, Berlusconi et Sarkozy, Obama risque donc, à son tour, de faire les frais de la crise.

Ce ne sera peut-être qu’un juste retour des choses, puisque son élection a également été fortement liée à la faillite de Lehman Brothers et à la crise financière qui en a suivi.

 

Marc Touati

 



 


 

Les évènements à suivre du 9 au 13 juillet :


Déflation productive en France et aux Etats-Unis.

 


Cette semaine économico-statistique sera relativement calme. En effet, elle ne sera marquée que par la balance commerciale américaine (mercredi 11), les prix à la production également aux Etats-Unis (vendredi 13) et la production industrielle française (mardi 10). Les statistiques d’inflation et d’activité chinoise seront également à surveiller, notamment la croissance du deuxième trimestre (le vendredi 13).

 

Mardi 10 juillet, 8h45 (heure de Paris) : la production industrielle française s’effondre.

Après avoir augmenté de 1,5 % en avril, en correction de la baisse des mois précédents, la production industrielle hexagonale devrait reprendre le chemin de la baisse en mai. Si son repli mensuel devrait limiter les dégâts, avec un niveau de – 0,5 %, son glissement annuel passerait de + 0,9 % en avril à – 1,3 % en mai.

Et encore, il faudra saluer la baisse des cours du pétrole et des matières premières au sens large, sans laquelle la chute de la production industrielle aurait pu être encore plus forte. La récession et la déflation nous pendent de plus en plus au nez…

 

Mercredi 11 juillet, 14h30 : repli logique du déficit commercial américain.

La baisse des cours des matières premières et du baril de pétrole en particulier jouera mécaniquement à la baisse sur le déficit extérieur américain. Celui-ci passerait ainsi de 50,1 milliards de dollars en avril à 48,5 milliards en mai.

Un élément pernicieux devrait également favoriser ce résultat, en l’occurrence le ralentissement de la consommation et de l’investissement qui ne manquera pas de réduire les importations.

 

Jeudi 12 juillet, 8h45 : l’inflation recule encore dans l’Hexagone.

Dans le sillage du repli des prix énergétiques, les prix à la consommation devraient stagner en juin, après avoir déjà baissé de 0,1 % en mai. Leur glissement annuel poursuivrait ainsi son repli, à 1,9 % en juin, contre 2 % le mois précédent et encore 2,5 % en novembre-décembre 2011. De quoi rappeler que l’inflation n’est plus un problème (elle ne l’a d’ailleurs plus été depuis 20 ans), mais que c’est en revanche la déflation qui menace.

 

Vendredi 13 juillet, 4h00 : la Chine ralentit mais contrôle…

Après avoir atteint 12 % début 2010, puis s’être stabilisé autour des 10 % jusqu’à la mi-2011, le glissement annuel du PIB chinois s’est engagé dans une phase de ralentissement un peu plus marqué. Au premier trimestre 2012, il n’était plus que de 8,1 %. Au second trimestre, ce mouvement devrait se poursuivre, puisque le glissement annuel du PIB devrait se situer autour des 7,9 %. Certains crieront certainement à la catastrophe, mais n’oublions pas que cette décélération a été voulue et pilotée par le gouvernement chinois. Voulant éviter la surchauffe, ce dernier a effectivement engagé une nette appréciation du yuan, qui, après avoir stagné autour des 6,90 pour un dollar de 2008 à 2010, s’est apprécié jusqu’à 6,30 début 2012. Aussi, à présent que Pékin a obtenu ce qu’il souhaité (c’est-à-dire un ralentissement contrôlé), il a commencé à faire machine arrière, le yuan se dépréciant légèrement. Cela permettra donc de soutenir l’activité au cours des prochains trimestres.