Zone euro, bourses, Obama : le calme avant la tempête ? (E&S n°218)

 

Humeur :

La zone euro sauvée… jusqu’en septembre prochain.

Ouf ! Après trois mois de stress et de craintes existentielles, la zone euro semble enfin sauvée. C’est du moins ce qui ressort du dernier sommet européen. En effet, alors que l’intransigeance de l’Allemagne et l’ancrage apparent de la France dans le laxisme budgétaire laissaient imaginer le pire, c’est finalement la raison qui l’a emporté. Cet apaisement est d’autant plus louable que la forte augmentation des taux d’intérêt en Espagne et en Italie à la veille de cet énième « sommet de la dernière chance » avait avivé les tensions des pays du Sud à l’encontre de la zone euro et de l’Allemagne.

Compte tenu de ces enjeux, un échec de ce sommet était donc devenu inimaginable. C’est en cela que sa réussite est presque passée inaperçue. En fait, à l’instar d’une soirée électorale française, tout le monde se déclare gagnant. Les Français se prévalent de la décision d’un plan de soutien à l’activité de 120 milliards d’euros ; l’Espagne et l’Italie se satisfont du plan de sauvetage des banques via la BCE ; quant à l’Allemagne, elle soutient que tous ces « cadeaux » n’ont été consentis qu’en échange d’un engagement renforcé sur le front de la rigueur budgétaire.

Bref, comme dirait le Candide de Voltaire, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. D’ailleurs, pour confirmer cette « béatitude », les bourses mondiales ont salué avec ferveur cet accord en progressant nettement, que ce soit en Europe, en Asie et aux Etats-Unis. De même, après avoir dangereusement flambé, les taux d’intérêt des obligations des Etats eurolandais se sont nettement détendus.

Et, ne faisons pas la fine bouche, les décisions prises vendredi dernier tombent à pic pour sauver la zone euro et pour lui permettre de passer un été relativement tranquille. Et après ? C’est justement là le problème. Car, au-delà des cadeaux annoncés, il n’y a pas grande chose de nouveau sous le soleil de l’UEM. Et pour cause : cela fait des années, pour ne pas dire plus d’une décennie, que les dirigeants eurolandais s’engagent à réduire leurs déficits publics, avec pour seul résultat, une augmentation structurelle de ces derniers. A l’exception notable de l’Allemagne, du Luxembourg et de la Finlande, il n’y a ainsi aucun pays eurolandais qui a réussi à tenir ses engagements en la matière. Certes, certains pays ont fait des sacrifices, notamment les Pays-Bas, le Portugal et l’Italie. Cependant, l’aggravation de la récession a réduit ces efforts à néant. Si bien que la dette publique a atteint des niveaux prohibitifs un peu partout.

Et sans vouloir ajouter à la morosité ambiante après le parcours lamentable des Bleus à l’Euro 2012, le pays qui a le moins respecté ses engagements de réduction des dépenses publiques c’est la France. Avec 56 % de son PIB, ces dernières sont ainsi numéro un de la zone euro. Il sera toujours possible de se consoler en soulignant qu’il y a au moins un domaine dans lequel l’Hexagone arrive premier. Cocorico ! Que dire alors de notre déficit public annuel à 4 % du PIB en moyenne depuis dix ans et de notre dette publique qui dépassera cette année les 90 % du PIB ?!

Mais peu importe, nous diront MM. Hollande et Ayrault, la réduction des déficits c’est maintenant ! Comment ? Grâce à une augmentation massive des impôts ! Nous aimerions bien les croire, mais comme nous l’avons déjà expliqué dans ces mêmes colonnes il y a une dizaine de jours, cette aggravation de la pression fiscale ne fera que casser le peu de croissance qui nous reste, ce qui finira par aggraver les déficits publics, donc la dette… et le jeu de massacre continuera.

C’est en cela que le sommet des 28 et 29 juin n’a absolument rien résolu. En effet, que ce soit pour la France, l’Espagne, la Grèce ou tous les autres pays de la zone euro, le retour de la récession étouffe dans l’œuf les promesses de ce sommet. Pis, la remontée de l’euro/dollar qui a suivi ce dernier aggravera l’atonie économique et augmentera les déficits. Il faut d’ailleurs noter que la baisse des taux d’intérêt à long terme a été limitée. Ce qui montre bien que la circonspection reste de mise.

Nous ne cessons de le répéter depuis des années : tant que la BCE ne sera pas dotée d’un rôle plus actif en matière de croissance et qu’elle n’achètera pas de la dette publique en direct, la zone euro restera menacée.

Dans ce cadre, le seul véritable avantage du dernier sommet européen est de gagner du temps. L’ennui est que plus les sommets de sauvetage se multiplient, plus le temps gagné est court. Ainsi, jusqu’à la crise grecque, ces derniers permettaient de gagner un à deux ans. Avec la tempête hellène, ce délai a été réduit à six mois. Désormais, il n’est plus que d’environ trois mois.

Ce qui est assez incroyable c’est qu’en dépit de ces déceptions successives, les déclarations des dirigeants eurolandais sont quasiment toujours les mêmes : « victoire ! », « la zone euro est définitivement sauvée ! », « la crise de la dette publique est résolue », ou encore mieux, « la crise est finie !». Il faut reconnaître que lorsque les temps sont durs, comme c’est le cas depuis quatre ans (déjà !), ces affirmations font du bien. Elles donnent envie de retrousser ses manches, de retrouver l’optimisme et de réviser à la hausse ses prévisions. Mais l’expérience nous a aussi appris à ne pas être dupes, surtout lorsque ces phrases sont prononcées par des « arracheurs de dents »…

Autrement dit, et nous sommes vraiment désolés de devoir le dire encore une fois, mais, dès septembre prochain, avec l’aggravation de la récession dans la zone euro, l’augmentation officielle des déficits publics et l’exacerbation des tensions franco-allemandes, la crise reviendra. En fait, elle n’a jamais vraiment disparu, ce sont simplement les dirigeants eurolandais qui ont donné l’illusion temporaire que tout était résolu.

Alors, face à tant de faux semblants, que faut-il faire ? D’abord, profiter de l’instant présent. L’été devrait être favorable, c’est déjà ça de gagner. Quant à la suite, il faut continuer à développer des stratégies anti-crise en se souvenant que celui qui baisse les bras est sûr de perdre. En d’autres termes, innovons, investissons sur des niches et/ou à l’international. De la sorte, nous aurons au moins une chance de gagner. Bon courage à tous !

Marc Touati



Quid des marchés cette semaine :

Bourses : le premier été calme depuis 2007 ?


 


Comme nous venons de l’expliquer dans notre « Humeur », le sommet européen reste avant tout une victoire médiatique et marketing. Il n’est effectivement pas suffisant pour restaurer une croissance durablement forte dans la zone euro, qui restera donc incapable de réduire significativement ses déficits publics et continuera par là même d’être engoncée dans la crise de la dette.

Pour autant, ce sommet a donné un répit aux marchés le temps de l’été.

Ceci tombe plutôt à pic, car depuis 2007, tous les étés ont été meurtriers sur les marchés boursiers. Comme dirait Georges Perec, « Je me souviens » : Eté 2007, éclatement de la crise des « subprimes » ; un an plus tard, flambée du pétrole à 150 dollar, puis faillite de Lehman Brothers ; été 2009, craintes d’un « double dip » (une rechute) ; été 2010, deuxième crise grecque ; été 2011, généralisation de la crise grecque et début des inquiétudes sur la viabilité de la zone euro.

Depuis 2007, les marchés boursiers n’ont connu que des « étés meurtriers ».

Source : ACDEFI

Bref, tous ceux qui ont acheté des actions au début de chacun des cinq derniers étés ont « pris le bouillon ». La question est donc de savoir si cette suite infernale va enfin s’arrêter en 2012.

A priori, tous les ingrédients sont aujourd’hui présents pour stopper, du moins temporairement, cette malédiction estivale. Et ce, pour au moins trois raisons. Primo, les Européens ont enfin pris quelques mesures concrètes pour stopper la défiance à l’égard de l’UEM, notamment vis-à-vis des pays du Sud.

Secundo, le prix du baril de pétrole et l’ensemble des cours des matières premières ont baissé et semblent stabilisés à un niveau appréciable.

Tertio, les taux d’intérêt à long terme restent bas tant aux Etats-Unis qu’en Allemagne et commencent à repartir à la baisse dans les pays du Sud de l’Europe.

Bref, qu’est-ce qu’on attend pour être heureux sur les marchés boursiers ?

Rien, si ce n’est que, pour autant, il faut rester prudent. En effet, à côté de ces facteurs positifs, trois autres évolutions plaident plutôt pour une fragilisation des marchés. Premièrement, l’économie américaine commence à ralentir sérieusement.

Deuxièmement, la récession s’installe dangereusement dans la zone euro.

Troisièmement, les tensions politiques au sein de l’UEM sont toujours très fortes.

De plus, sur ces dangers viennent se greffer deux autres interrogations géopolitiques : la question iranienne et l’instabilité dans les pays arabes qui est toujours particulièrement forte. Autrement dit, nous ne sommes pas à l’abri d’un revirement de situation, qui aurait notamment des conséquences négatives sur le front de l’or noir, puis de la croissance mondiale.

Dans ce cadre, et même si les marchés boursiers connaîtront certainement un rallye de début d’été, la volatilité restera très forte.

Autrement dit, sauf à aimer les montagnes russes et les émotions fortes, l’investissement boursier demeure très dangereux. C’est d’ailleurs ce que nous avons cessé de répéter au début de chaque été depuis 2007.

Dans ce va-et-vient permanent, certaines dates sont déjà prévisibles : le 27 juillet avec la publication des comptes nationaux américains du deuxième trimestre et le 14 août avec celle des PIB de la zone euro de la même période.

N’oublions évidemment pas la période des cyclones dans le golfe du Mexique à partir de la fin août et la rentrée sociale qui s’annonce déjà difficile dans la quasi-totalité des pays européens et notamment en France.

Pour cet été, il y a donc deux mots d’ordre : Carpe Diem… Pour la suite : restons couverts…

 

Marc Touati

 



 


 

Les évènements à suivre du 2 au 6 juillet :


Le chômage américain menace déjà la réélection d’Obama.

 


L’actualité économico-statistique de cette semaine sera notamment marquée par la confirmation de la récession en Europe (le mercredi 4), par la réunion de la BCE (le 5) et, enfin, par les chiffres de l’emploi américain (comme chaque premier vendredi de mois).

 

Mercredi 4 juillet, 11h (heure de Paris) : les indices des directeurs d’achat confirment le retour de la récession dans la zone euro.

Comme cela avait déjà été annoncé lors de sa première estimation, l’indice composite des directeurs d’achat (industrie + service) devrait .rester largement sous la barre des 50, à 46 précisément. Le recul de l’activité est donc non seulement acté, mais il est surtout en train de s’accélérer. A côté de la nouvelle augmentation du taux de chômage eurolandais à un niveau historique (11,1 % en mai), cette évolution montre que la zone euro est bien en train de s’enfoncer dans un malaise social lourd de conséquences.

Mais comme les dirigeants politiques ne cessent de s’auto-congratuler et sont persuadés qu’ils ont définitivement sauvé l’UEM, tout va bien…

 

 

Jeudi 5 juillet, 13h : Nouveau statu quo pour la Banque d’Angleterre.

 

Ayant déjà utilisé toutes ses cartouches depuis 2009 et ayant néanmoins eu l’intelligence de ne pas remonter son étreinte monétaire en 2011, la Bank of England ne peut que continuer de maintenir le statu quo monétaire. Ce n’est certes pas si mal, avec un taux de base de 0,5 %. Pourtant, la faiblesse durable de l’activité économique montre que le Royaume-Uni s’est durablement installé dans une « trappe à liquidités ». Les Britanniques vont donc encore devoir patienter avant de retrouver le chemin de la croissance forte.

 

 

 Jeudi 5 juillet, 13h45 : La BCE agit enfin !

 

Quatre ans (presque jour pour jour) après avoir augmenté le taux refi en pleine récession, un an après en avoir fait de même en pleine crise grecque, la BCE devrait enfin faire rimer juillet avec efficacité. En effet, compte tenu de la faiblesse de l’inflation, du retour de la récession et de la flambée du chômage, Mario Draghi et ses acolytes n’ont plus le choix. Ils doivent abaisser le taux refi d’au moins 25 points de base.

C’est d’ailleurs ce que le Président de la BCE a laissé entendre lors de la réunion de politique monétaire de juin dernier.

Une baisse surprise de 50 points de base serait particulièrement bienvenue et permettrait de déprécier l’euro, qui a malheureusement repris de la vigueur face au dollar après les accords du 29 juin. Or, tant que l’euro ne sera pas sous les 1,20 dollar, l’UEM ne pourra pas retrouver le chemin d’une croissance soutenue et par là même sortir de la crise.