France, Zone euro, Etats-Unis : attention danger ! (E&S n°217)

 

Humeur :

La France en danger…

Après son humiliation 2-0 contre la Suède, l’équipe de France de foot semble déjà avoir retrouvé ses vieux démons de la dernière coupe du monde : arrogance, agressivité et médiocrité du jeu. Seulement voilà Il n’y a pas que sur le terrain footballistique que la France inquiète. En effet, en l’espace d’une semaine, l’économie française a reçu plusieurs gifles qui seront certainement lourdes de conséquences : remontrances allemandes, moqueries anglaises, revers mexicains au G20, avertissement américain en matière d’attractivité hexagonale et, pour couronner le tout, confirmation par l’INSEE qu’après avoir connu une récession historique en 2009, l’économie nationale est déjà en train de repartir dans les affres de la récession.

A l’évidence, il aurait été difficile de faire pire. Face à cette avalanche de mauvaises nouvelles, le Président Hollande et le Premier ministre Ayrault n’ont même pas eu le temps de profiter de leur victoire aux législatives qui confèrent désormais au Parti Socialiste les pleins pouvoirs : Présidence, Assemblée, Sénat, Régions, Cantons, Communes… Encore mieux, ou encore pire (en fonction de son bord politique) qu’en 1981…

Malgré ce grand chelem, les dirigeants français font cependant face à un dilemme : faut-il profiter de cette hégémonie pour engager un clash avec l’Allemagne et les autres partenaires de la zone euro ? Ou, au contraire, faut-il utiliser cette « vague rose » pour responsabiliser les partenaires politiques et syndicaux de manière à réduire les dépenses publiques et réformer l’économie française ?

En dépit de fuites organisées qui laisseraient croire qu’une réduction des dépenses publiques pourrait avoir lieu dans les prochains mois, force est de constater que, pour le moment, c’est la première stratégie qui semble être favorisée. Et pour cause : les premières mesures qui seront prises dans quelques jours et commencent déjà à être annoncées ici ou là, iront dans le sens d’une augmentation des dépenses publiques et d’un alourdissement de la pression fiscale.

Dans ce cadre, l’attaque ironique de David Cameron lors du dernier sommet du G20 qui promet de dérouler le « tapis rouge » aux entrepreneurs français fiscalement assommés constitue presque un avertissement amical à l’égard d’un François Hollande qui paraît hermétique à la concurrence internationale.

Car, il faudra bien un jour arrêter de se voiler la face : si les entreprises françaises investissent à l’étranger, si de plus en plus d’ingénieurs et d’entrepreneurs quittent notre douce France pour ne plus revenir, ce n’est pas par manque de patriotisme, mais surtout pour des raisons de survie liées notamment au manque de compétitivité de l’économie hexagonale. A cet égard, les 400 000 Français qui habitent à Londres n’ont pas attendu les conseils de M. Cameron pour faire leur baluchon.

Par ailleurs et à titre de comparaison, il est clair que si les entreprises allemandes sont restées présentes en Allemagne, ce n’est pas parce qu’elles sont plus patriotes que leurs homologues françaises, mais parce que, depuis plus de dix ans, les dirigeants politiques germaniques ont tout fait pour les garder. Baisse de l’impôt sur les sociétés de 35 % à 20 %, réduction des charges sur les entreprises, modernisation du marché du travail, baisse des dépenses publiques… Et ne nous leurrons pas : l’essentiel de ces mesures n’ont pas été prises par Mme. Merkel, mais par M. Schröder et le SPD. Il n’est donc pas nécessaire d’être un grand méchant ultra-libéral pour abaisser le train de vie de l’Etat et améliorer le fonctionnement d’une économie vers une plus grande efficacité. Il suffit simplement de faire preuve de bon sens.

C’est en cela que la semaine difficile que viennent de traverser la diplomatie et les dirigeants politiques français doit être utilisée à bon escient : comment peut-on encore vouloir augmenter la pression fiscale française alors que c’est l’une des plus élevées du monde ? Plus de 45 % de prélèvements obligatoires par rapport au PIB et un taux d’imposition moyen sur les entreprises de 35 %. Il n’y a guère que les pays scandinaves pour nous battre sur ces fronts (et pas seulement en foot). Il est clair que si nous allons plus loin, le peu de croissance qui nous reste va disparaître, ce qui réduira mécaniquement l’assiette fiscale et amoindrira les recettes fiscales à venir. C’est bien connu, mais trop d’impôts tue l’impôt. Il n’y a qu’en France que nous refusons d’admettre cette évidence empiriquement vérifiée.

De même, comment peut-on encore vouloir augmenter les dépenses publiques, alors qu’elles représentent plus de 56 % de notre PIB ? Comment peut-on continuer de faire supporter près de 60 % de notre économie par les 40 % restants qui n’auront bientôt d’autres choix que de périr ou de partir ?

Tous les pays de la planète ont compris ces évidences, sauf la France. S’il est vrai que le syndrome d’Astérix et du village gaulois qui résistent au monde entier est plaisant, il est loin de correspondre à la réalité.

Alors, de grâce Messieurs Hollande et Ayrault, n’écoutez pas les tentations de l’extrême gauche, des Sapin et autre Montebourg qui rêvent d’une taxation confiscatoire. Pourquoi vouloir absolument égaliser par le bas, alors que la France et ses entreprises ont tellement d’atouts ?

En fait, nos entreprises sont mêmes plus fortes que leurs homologues allemandes et anglo-saxonnes. Et pour cause : si en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, tout est fait pour favoriser les entrepreneurs et les aides à réussir. En France, tout est fait pour les freiner et faire culpabiliser les entrepreneurs qui réussissent. Jusqu’à présent, les entreprises françaises ont su faire face à l’adversité, mais ceci ne pourra pas durer éternellement.

C’est le message qu’adressent Mme Merkel et M. Cameron aux dirigeants politiques français : si vous continuez à accroître la pression fiscale et à augmenter la dépense publique, vous allez appauvrir la France et par là même la zone euro. C’est d’ailleurs là que réside la vraie inquiétude de la semaine : l’Union européenne et la zone euro ne sont plus un jeu coopératif mais commencent à devenir un terrain d’affrontement et pas seulement footballistique.

Marc Touati



Quid de l’économie cette semaine :

Récession dans la zone euro, inquiétudes aux Etats-Unis.


 


Dure semaine pour l’activité économique des deux grandes puissances du monde développé que sont les Etats-Unis et la zone euro.

Certes, la faiblesse de la croissance n’est pas une nouveauté dans l’UEM. Pour autant, les enquêtes des directeurs d’achat dans l’industrie et les services de juin ont montré que la récession eurolandaise était non seulement une réalité, mais surtout qu’elle était installée pour longtemps.

Ainsi, dans l’industrie, l’indice PMI composite a encore reculé, à un niveau de 44,8, un plus bas depuis juin 2009. Parallèlement, en dépit d’une petite hausse de 0,1 point, l’indice PMI des services reste particulièrement faible à 46,8. De la sorte, l’indice synthétique « industrie+services » se stabilise à 46, également un plancher depuis juin 2009.

La corrélation de ces enquêtes avec le glissement annuel du PIB indique que ce dernier devrait rester négatif et osciller entre – 1 et – 1,5 % au moins jusqu’au quatrième trimestre 2012.

La récession s’installe dans la zone euro au moins jusqu’à la fin 2012.

Sources : Markit, Eurostat

En d’autres termes, la zone euro n’est pas près de retrouver le chemin de la croissance et a fortiori d’avoir les moyens de créer des emplois et de rembourser la charge annuelle des intérêts de la dette publique.

Dans cette phase durable de déprime, qui a commencé dès le troisième trimestre 2011, il y a cependant une nouveauté : l’Allemagne commence également à battre de l’aile.

A côté des enquêtes des directeurs d’achat, c’est notamment ce que confirme la dernière enquête IFO qui constitue le meilleur indicateur avancé de la croissance allemande.

Ainsi, l’indice global de cette enquête est passé de 106,9 à 105,3. Si ce niveau demeure encore appréciable, la baisse de l’indicateur des perspectives d’activité est bien plus inquiétante. Et pour cause : celui-ci passe de 100,8 à 97,3, soit seulement 0,1 point de mieux qu’en octobre dernier, qui constituait alors un point bas depuis juillet 2009.

Même les Allemands commencent à sérieusement souffrir.

Sources : IFO, Bundesbank

Comme le montre le graphique ci-dessus, cette décrue indique que le glissement annuel du PIB allemand pourrait repasser en territoire négatif dès le troisième trimestre 2012. De quoi calmer les ardeurs des autorités germaniques qui refusent une action plus conséquente de la BCE.

Dans le cadre de cette régression du PIB généralisée à toute la zone euro, il est clair que la BCE n’a plus le choix : elle doit absolument abaisser le taux refi d’au moins 0,25 point dès le mois de juillet. Espérons simplement que M. Draghi saura convaincre ses compères de Francfort.

Mais si la récession eurolandaise était déjà une évidence depuis plusieurs mois (en dépit des déclarations de certains dirigeants politiques et monétaires qui ne cessaient d’annoncer que la crise était finie…), les inquiétudes commencent également à poindre outre-Atlantique.

Les inquiétudes augmentent également outre-Atlantique.

 

 Sources : Markit, BEA

 

En effet, après la baisse de 0,2 % des ventes au détail en juin et celle de 0,1 % de la production industrielle au cours du même mois, le repli de l’indice des directeurs d’achat dans l’industrie manufacturière toujours en juin laisse craindre le pire. Celui-ci est ainsi passé de 54 en mai à 52,9. Si la barre des 50 (qui marque le recul de l’activité) est encore loin, elle se rapproche dangereusement. Et que dire alors de l’indice de la Fed de Philadelphie qui est passé de – 5,8 en mai à – 16,6 en juin ?!

S’il n’y a certes pas de quoi paniquer, toutes ces statistiques montrent néanmoins que la croissance américaine aura du mal à dépasser les 2 % en moyenne sur l’année 2012.

Dès lors, la remontée du chômage en mai pourrait se poursuivre et réduire fortement les chances de réélection de Barack Obama en novembre.

Et si la Fed a prolongé sa stratégie de « Twist », elle refuse pour le moment d’engager un Quantitative Easing 3, c’est-à-dire une troisième phase de « planche à billets ». Tant pis pour Obama, mais tant mieux pour la crédibilité de Ben Bernanke et de la Fed.

Les marchés boursiers en prendront certainement ombrage et resteront très inquiets, donc très volatils, au moins jusqu’à l’élection présidentielle américaine.

Entre la récession eurolandaise et le nouveau ralentissement américain, les marchés boursiers risquent de connaître un été très chaud…

Marc Touati

 



 


 

Les évènements à suivre du 25 au 29 juin :


Le ralentissement américain se confirme.

 


L’actualité économico-statistique sera marquée cette semaine par la confirmation du ralentissement économique américain, par la poursuite de l’augmentation du chômage en France et par la limitation de l’inflation eurolandaise.

 

Mardi 26 juin, 16h (heure de Paris) : les consommateurs américains restent circonspects.

En dépit de la baisse des cours du pétrole qui joue positivement sur l’indice de confiance des ménages calculé par le Conference Board, ce dernier devrait quasiment stagner en juin à un niveau de 65. Le ralentissement économique et la remontée du chômage en mai ne manqueront effectivement pas de peser négativement sur le moral des consommateurs.

 

Mardi 26 juin, 18h30 : nouvelle augmentation du chômage en France.

Comme le mois dernier, les nouveaux dirigeants français vont devoir affronter la poursuite de l’augmentation du chômage. La barre des 3 millions de chômeurs va encore se rapprocher dangereusement. Si le gouvernement Ayrault pourra toujours arguer qu’il s’agit de l’héritage de son prédécesseur, les mesures dernièrement annoncées ne risquent pas d’inverser la tendance, mais au contraire de l’aggraver.

 

Mercredi 27 juin, 14h30 : Les commandes de biens durables baissent encore outre-Atlantique.

Dans le sillage de la baisse des indicateurs des directeurs d’achat et après avoir déjà stagné en avril, les commandes de biens durables devraient encore baisser en mai. Si leur recul devrait rester limité à 0,2 %, ce n’est évidemment pas bon signe pour l’investissement des entreprises et donc pour l’emploi. La fin de mandat de Barack Obama risque d’être difficile…