Marchés boursiers, Croissance mondiale : Fragiles… (E&S n°210)

 

Humeur :

En avril, les marchés restent fragiles…

A l’instar du célèbre dicton « en avril, ne te découvre pas d’un fil », les marchés font aussi généralement rimer « avril » avec « fragile ». En effet, en l’absence de publications de résultats de grandes entreprises et dans le sillage de la trêve pascale, les investisseurs demeurent généralement prudents, au moins jusqu’au 15 avril.

Cette année, cette circonspection sera encore plus forte, dans la mesure où les facteurs d’incertitudes se multiplient. Tout d’abord, après la remontée technique du premier trimestre, notamment liée aux efforts pour apaiser la crise de la zone euro, les marchés sont à la recherche d’un nouveau souffle. Conscients que les solutions proposées relèvent avant tout du maquillage et sont loin de pouvoir mettre un terme à la crise de la dette publique dans l’UEM, les investisseurs ont logiquement pris leurs bénéfices.

Et ce, en dépit des bons chiffres de conjoncture publiés aux Etats-Unis ou encore en Chine. Les dernières enquêtes des directeurs d’achat tant dans l’industrie que dans les services ont confirmé que la croissance allait rester soutenue dans ces deux locomotives structurelles de la croissance mondiale. Du côté chinois, il faut noter qu’après le ralentissement piloté par le gouvernement, l’activité devrait de nouveau accélérer dans les prochains mois, de manière à consolider la croissance du PIB autour des 9 % pour cette année.

Quant à l’Oncle Sam, l’augmentation récente des ventes au détail, de la production industrielle ou encore des carnets de commande valide notre scénario d’une croissance d’au moins 2,5 % au premier trimestre (en rythme annualisé) ainsi que sur l’ensemble de l’année 2012. Enfin, l’amélioration, certes progressive, du marché du travail des Etats-Unis montre que ces derniers sont bien sortis de la crise. Au total, ces évolutions devraient aller de pair avec une croissance mondiale de 3,5 % cette année, ce qui préservera mécaniquement les marchés boursiers d’une forte baisse.

En revanche, ces derniers vont rester fragilisés par la situation européenne. Certes, le refus de Mario Draghi de céder aux exigences allemandes pour arrêter la politique accommodante de la BCE met du baume au cœur. Il nous rappelle également cruellement combien la politique de Jean-Claude Trichet a été catastrophique.

Pour autant, la BCE tarde à abaisser de nouveau son taux refi, maintenant l’euro/dollar à un niveau trop élevé et freinant par là même le redémarrage de l’économie. Autrement dit, la crise est loin d’être terminée. D’ailleurs, bien loin des performances américaines et en dépit d’une légère amélioration dans les services, les enquêtes des directeurs d’achat montrent que la récession est toujours présente dans « de trop » nombreux pays de la zone euro.

Conséquence logique de cette faiblesse désormais chronique, le chômage eurolandais continue de croître et a même atteint 10,8 % en février, un plus haut depuis avril 1997. Que dire alors du chômage des jeunes qui flambe un peu partout et indique par là même que les risques de dérapages sociaux demeurent très élevés… Et ce, d’autant que les politiques de rigueur ne vont pas arranger les choses. L’échec de l’adjudication du Trésor espagnol mercredi dernier montre d’ailleurs que la rigueur n’est pas un gage de réussite.

Dans ce cadre, il est fort probable que les marchés boursiers vont rester très nerveux en avril et au-delà, alternant les phases de forte hausse et de forte baisse. Pour couronner le tout, les élections françaises vont également apporter leur lot d’incertitudes et de volatilité.

D’ores et déjà, la médiocrité du débat présidentiel et le manque de considération pour les enjeux économiques qui attendent la France dès le mois de mai prochain commencent à faire craindre le pire. A tel point que The Economist y a consacré sa une il y a une semaine. Le peu de réactions suscitées dans l’Hexagone à ce sujet confirme d’ailleurs que les politiques, les médias et de nombreux Français préfèrent ne s’attarder que sur la « couleur de la cravate » des candidats et sur leurs efforts marketing. Quelle tristesse !

Le réveil risque donc d’être très douloureux. Voilà pourquoi, quelle que soit  l’issue des élections présidentielles, les investisseurs devraient faire payer très cher à la France son manque de sérieux économique. Bien sûr, les politiciens bien-pensants pourront toujours souligner que ce dictat des marchés financiers est insupportable et qu’il doit être cassé.

Le seul problème est qu’avec près de 70 % de sa dette publique détenue par des investisseurs non-résidents, la France ne peut plus se permettre de négliger ces derniers. Dans les quelques jours qui suivront le 6 mai, la note de notre dette publique sera donc certainement dégradée de plusieurs crans, ce qui entraînera une nette augmentation des taux d’intérêt à dix ans, qui atteindront au moins 4,5 % (contre environ 3 % aujourd’hui). Le peu de croissance qui nous reste finira alors en peau de chagrin et il sera trop tard pour se souvenir que le laxisme budgétaire français est dévastateur.

Dans la perspective de cette échéance, les marchés boursiers mondiaux, en particulier dans la zone euro et en France, vont donc rester très fragiles et très volatils. Pour ceux qui ont su investir sur ces derniers fin 2011 ou début 2012, il est donc temps de prendre ses bénéfices, en attendant de voir plus clair sur les intentions françaises et sur la réaction des Allemands et des investisseurs internationaux. Pour les autres, ce n’est donc certainement pas le moment de revenir en bourse, ni d’ailleurs d’acheter des obligations d’Etat. Tout au plus, il est possible de diversifier son portefeuille, en se réfugiant sur des obligations d’entreprises solides et sur des maturités courtes (de deux à cinq ans grand maximum).

Vivement le 6 mai pour que l’on sorte enfin de la politique politicienne, du marketing et de la manipulation. Il sera alors grand temps d’affronter les difficiles réalités de notre douce France et de notre vieille Europe.

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Croissance mondiale : que d’hétérogénéités !


Les statistiques des directeurs d’achat pour le mois de mars, publiées cette semaine, nous confirment que les écarts de croissance se creusent entre la zone euro, les Etats-Unis et la Chine.

Dans la zone euro tout d’abord, les indices PMI des directeurs d’achat nous indiquent que la récession devrait se prolonger. A commencer par la publication finale de l’indice PMI manufacturier qui avec un niveau de 47,7 signale la faiblesse de l’activité. Rappelons que la barre des 50 détermine la frontière entre la contraction et l’expansion de l’activité.

Dans les services ensuite, si l’indice PMI connaît une petite révision haussière en mars pour passer de 48,7 à 49,2 il confirme néanmoins lui aussi la récession. Enfin l’indice PMI composite également légèrement révisé à la hausse, reste faible en mars à 49,1 contre 48,7 lors de la première estimation.

Ces indicateurs avancés de la croissance eurolandaise nous indiquent qu’après un repli de 0,3 % au quatrième trimestre 2011, le PIB pourrait se contracter de 0,1 % au premier trimestre. Ces deux trimestres consécutifs de baisse du PIB signifient donc que la zone euro entrera officiellement en récession.

Les indices PMI eurolandais indiquent que la récession devrait se prolonger.

Sources : Markit , Bloomberg

Le détail par pays nous montre que la France est particulièrement touchée. Ainsi, fait rarissime, l’indice PMI manufacturier perd un point lors de la publication finale de mars passant de 47,6 à 46,7. Il s’agit de son plus faible niveau depuis le mois de juin 2009, soit en pleine récession eurolandaise. Par ailleurs, l’indice PMI dans les services reste faible avec un niveau de 50,1 en mars.

S’ils affichent une bonne résistance, nos voisins allemands souffrent quand même.

Ainsi, l’indice PMI manufacturier reste largement sous la barre des 50 en mars avec un niveau de 48,4. Quant aux services ils se redressent timidement pour revenir à 52,1.

En d’autres termes, si l’Allemagne évitera la récession, elle ne fera pas d’étincelles puisque le PIB devrait progresser d’un petit 0,2 % au premier trimestre.

Si l’on passe de l’autre côté de l’Atlantique, le contraste est saisissant. Ainsi, l’indice ISM des directeurs d’achat dans le secteur manufacturier retrouve le chemin de la hausse en mars puisqu’il gagne un point à 53,4. L’indice production bondit de 55,3 à 58,3 et l’indice emploi réalise une belle performance à 56,1 en mars après 53,2 en février.

Parallèlement, l’indice ISM dans les services passe de 57,3 en février à 56 en mars, soit légèrement inférieur aux attentes (56,8). Toutefois, il faut noter que l’indice emploi progresse de 55,7 à 56,7 confirmant la reprise de l’emploi dans les services outre-Atlantique.

Le niveau de l’indice ISM dans les services anticipe la poursuite de la progression de l’activité dans un secteur qui représente à lui seul 75 % de l’économie américaine.

Au regard de l’évolution des indices ISM tant dans l’industrie  manufacturière que dans les services, la reprise s’intensifie outre-Atlantique. Ainsi, le PIB américain pourrait progresser de 0,6 % au premier trimestre.

Les indices ISM confirment que la croissance américaine restera soutenue.

Sources : ISM , Bloomberg

Enfin, la Chine poursuit sa route sur le chemin de la croissance forte à l’image des belles performances des indices PMI.

Dans le secteur manufacturier tout d’abord, l’indice PMI a atteint en mars en niveau de 53,1, soit un plus haut depuis tout juste un an. Dans les services ensuite, l’indice PMI indique un niveau de 58 en mars, un plus haut depuis mai 2011.


La forte croissance chinoise va perdurer.

Sources : CFLP , Bloomberg.


En conclusion, la croissance mondiale sera une fois de plus très hétérogène cette année. La Chine conserve bien entendu sa position de «leader», les Etats-Unis continuent d’afficher une belle résistance et la zone euro s’enfonce dans la récession. Ainsi, nous anticipons cette année une croissance autour des 9 % en Chine; de 2,4 % aux Etats-Unis et un petit 0,7 % dans la zone euro.

 

Jérôme Boué



 

La météo économique de la semaine écoulée :

 

 

 


 

 

Nos prévisions macro-économiques et financières pour 2012.

 

Pour visualiser les tableaux et graphiques, merci de consulter le fichier pdf.