Grèce, Zone euro : mourir guéri… (E&S n°204)

 

Humeur :

Non, la crise n’est pas finie !

Le Président Sarkozy a été formel : « la crise est derrière nous et la France va rapidement retrouver le chemin de la croissance forte », nous a-t-il dit en substance. Evidemment, nous aimerions le croire et retrouver enfin une bonne dose d’optimisme… Il faut dire que pour étayer la prévision présidentielle, la semaine a été plutôt riche en bonnes nouvelles. Dès lundi, 25 des 27 pays de l’Union Européenne (c’est-à-dire hors Royaume-Uni et République Tchèque) ont décidé d’adopter un nouveau pacte de stabilité destiné à empêcher tout nouveau dérapage des déficits publics. Mieux encore, dès le lendemain, la commande par l’Inde de 126 Rafales pour un montant de 12 milliards de dollars a redonné du baume au cœur à Dassault et, certainement, à une grande partie de l’industrie française. Enfin, pour couronner le tout, des indicateurs des directeurs d’achat relativement favorables des deux côtés de l’Atlantique ont permis aux marchés boursiers de reprendre de belles couleurs. Bref, s’il ne faisait pas si froid dehors, on pourrait presque dire que c’est déjà l’été.

En d’autres termes, nous pourrions être tentés de remballer tous les scénarios de crise et de revoir en forte hausse nos prévisions de croissance pour l’ensemble de la planète et surtout pour la zone euro. Celle-ci sortirait alors rapidement de l’impasse de la dette publique et retrouverait par là même les faveurs des investisseurs. Dès lors, l’euro pourra enfin concurrencer le dollar en tant que monnaie de réserve et de transactions internationales, la France retrouvera rapidement son triple A et la Grèce redeviendra l’un des principaux champions de la croissance eurolandaise…

Eh oh ! Réveillons-nous ! Une hirondelle ne fait pas le printemps et encore moins l’été. Ce n’est pas parce que le Cac 40 a progressé de 3,1 % en trois jours, que la chute de 25 % des six mois précédents doit être effacée. De même, ce n’est pas parce que les Européens ont affiché une union de façade que la crise de la dette publique est terminée. Et c’est encore moins parce que Dassault a annoncé la vente de 126 Rafales que l’industrie française est redevenue compétitive et capable de damer le pion à tous ses concurrents.

Malheureusement, si l’on doit toujours conserver une certaine dose d’optimisme, comme nous essayons de le faire régulièrement en dépit des crises et des catastrophes économico-financières, il est également de notre devoir de rester réalistes.

Or, à côté des trois bonnes nouvelles évoquées plus haut, les inquiétudes et les mauvaises statistiques sont pléthores. Ainsi, pendant que Dassault sabrait le champagne, nous apprenions que la consommation française avait baissé de 0,7 % en décembre, affichant un glissement annuel de – 3,1 %, un plus bas depuis septembre 1997. Dans la mesure où la consommation représente 56 % du PIB français, il est clair que la France est bien retombée en récession à partir du quatrième trimestre 2011 et devrait y rester au moins jusqu’à la fin du printemps. Validant cette évidence et bien loin de l’optimisme présidentiel, le Premier Ministre François Fillon a d’ailleurs annoncé que le gouvernement révisait à la baisse son objectif de croissance, à seulement 0,5 % en moyenne pour 2012, c’est-à-dire notre prévision depuis six mois. De plus, il est probable que l’attentisme préélectoral et la forte augmentation des impôts prévue après les Présidentielles (quelle que soit leur issue) aggraveront encore la situation. Dans ce contexte, annoncer que la crise est finie paraît plutôt déplacé.

De même, pendant que les Européens se congratulaient d’avoir signé un accord qui ne sera peut-être jamais appliqué, le taux de chômage de la zone euro atteignait 10,4 %, un sommet depuis juin 1998. Pis, à l’exception notable de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Luxembourg, les taux de chômage atteignent des niveaux dramatiques dans la quasi-totalité des pays de l’UEM : 22,9 % en Espagne, 19,2 % en Grèce, 13,6 % au Portugal et 9,9 % en France. Que dire alors des taux de chômage des moins de 25 ans qui culminent à respectivement 48,7 %, 47,2 %, 30,8 % et 23,8 %…

Dans ce cadre, les mesures de rigueur annoncées par la Grèce, le Portugal, l’Espagne ou encore l’Italie risquent d’être de plus en plus mal perçues et d’aviver les tensions sociales. Les difficultés rencontrées avec la Grèce pour valider un accord définitif avec ses créanciers confirment d’ailleurs que la crise de la dette publique est loin d’être terminée. En effet, le problème n’est pas tant la dette passée, mais surtout la dette à venir. Or, avec une récession et une flambée du chômage, les déficits publics ne pourront pas baisser, maintenant la dette des Etats sur des sommets.

La hausse des taux d’intérêt à dix ans des obligations de l’Etat portugais, à plus de 17 % le 30 janvier indique également que l’effet de contagion de la crise grecque est toujours d’actualité. Il est donc inévitable que, même si le focus des marchés délaisse temporairement la Grèce, il se repositionnera très vite sur le Portugal.

« Pourquoi un tel acharnement ? » pourrait-on s’insurger. Tout simplement parce que les accords européens n’ont absolument pas résolu le problème de fond de la zone euro, à savoir l’absence de croissance forte et de véritable politique fédérale au sein de l’UEM. Fort heureusement, la BCE a changé de Président et a commencé à devenir un peu moins dogmatique.

Cependant, si le travail de Mario Draghi doit être salué, il reste encore beaucoup à faire pour sortir la zone euro de la crise dans laquelle elle s’est enfermée. Il faudra notamment permettre à la BCE de refinancer directement les Etats en difficulté. En effet, si, à court terme, celle-ci a permis aux banques de se financer à faible coût et d’acheter par là même plus facilement des bons du Trésor, il est à craindre qu’à la moindre secousse, les banques reviendront sur leur position et délaisseront de nouveau les obligations d’Etat. Il faut donc absolument anticiper ce mouvement, et soutenir davantage la croissance, notamment en abaissant encore le taux refi, en favorisant un euro plus faible et en développant une politique d’investissement public à l’échelle de la zone euro financée par des Eurobonds. Tant que les dirigeants eurolandais ne s’engageront pas sur cette voie, la crise de la dette publique et, plus globalement, celle de la zone euro ne pourront être résorbées.

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?


Emploi US : de mieux en mieux !


Si nous étions optimistes sur les chiffres de l’emploi du mois de janvier avec 150 000 créations attendues outre-Atlantique, les statistiques ont largement dépassé nos prévisions.

En effet, après avoir généré 200 000 emplois nouveaux en décembre, la job machine américaine en a créé 243 000 en janvier.

Comme toujours, on constate une très bonne contribution du secteur privé, à l’origine de 257 000 emplois nouveaux sur le seul mois de janvier. Sur un an, les créations d’emplois dans ce secteur ont progressé de 2,16 % en janvier après +2,01 % en décembre.

Le secteur des services confirme sa bonne tenue avec 176 000 emplois nouveaux dont 70 000 pour les seuls services aux entreprises. Le secteur manufacturier n’est pas en reste puisqu’il a généré près de quatre fois plus d’emplois qu’attendu avec 50 000 nouveaux postes, soit un plus haut depuis un an. Nous sommes bien loin de la crise industrielle qui frappe la zone euro …

Enfin le secteur de la construction reste créateur net d’emplois pour un troisième mois consécutif (+21 000).

Le secteur privé soutient toujours l’emploi.

Sources : Bureau of Labor Statistics, Bloomberg

 

Au registre des bonnes nouvelles, le taux de chômage qui recule depuis le mois septembre 2011 atteignant 8,5 % en décembre, un plus bas depuis février 2009, continue de baisser pour afficher un niveau de 8,3 % en janvier. Certes le taux de chômage américain reste élevé en valeur absolue, cependant il est nettement inférieur à celui de la zone euro (10,4 %) qui entre en récession.

 

A noter également l’évolution positive des salaires qui progressent encore (+0,2 % tant pour le salaire horaire moyen que pour le salaire hebdomadaire moyen) portant leur glissement annuel à des niveaux respectifs de +1,9 % et +2,5 %. La bonne tenue des salaires constitue un soutien important pour la consommation des ménages qui représente 75 % du PIB outre-Atlantique contre 50 % en Allemagne et 56 % en France.


Le taux de chômage recule encore…

Sources : Bureau of Labor Statistics, Datatsream

Parallèlement, le glissement annuel de l’emploi reste largement au-delà des 1 % et continue de progresser. En effet, ce dernier passe de 1,46 % en décembre à 1,50 % en janvier. Cette tendance haussière devrait se confirmer dans les mois à venir comme le montre l’indice emploi de la dernière enquête ISM dans le secteur non-manufacturier pour le mois de janvier, qui a atteint 57,4 après 49,8 en décembre

Alors que la FED a annoncé lors de son dernier communiqué qu’elle maintiendrait ses taux directeurs inchangés jusqu’en 2014, l’évolution actuelle de l’emploi pourrait amener cette dernière à changer son fusil d’épaule.

La Fed pourrait changer son fusil d’épaule.

Sources : Bureau of Labor Statistics, Fed, Datatsream

Enfin, le nombre hebdomadaire moyen d’heures travaillées est resté stable en janvier à 34,5 et il a atteint dans le secteur manufacturier 41,9 soit un plus haut depuis janvier 1998.

L’emploi sera une variable déterminante de l’élection présidentielle américaine. Effectivement, si le taux de chômage tombe aux alentours des 7% avant novembre 2012, le président Obama maximisera significativement ses chances d’être réélu. Si la tache paraissait impossible il y a encore quelques mois, elle est aujourd’hui envisageable.                                              Jérôme Boué


.La météo économique de la semaine écoulée :

 


 

 


 


 

Les évènements à suivre du 6 au 10 février :


BCE : baisse des taux attendue dans les prochains mois.


 

L’actualité économico-statistique sera particulièrement calme cette semaine outre-Atlantique où nous connaitrons les chiffres de la balance commerciale pour le mois de décembre (vendredi).

 

De ce côté de l’Atlantique, nous suivrons les réunions de politique monétaire de la BoE et de la BCE (jeudi) ainsi que la production industrielle en France (vendredi).

 

Jeudi 9 février, 13h (heure de Paris) : statu quo attendu pour le taux de base de la BoE en février.

Alors que la reprise n’est toujours pas au rendez-vous outre-Manche à l’image du PIB qui a chuté de 0,2 % au quatrième trimestre, la Banque d’Angleterre qui ne souhaite prendre aucun risque laissera son taux de base inchangé à 0.50 % en février. Ce statu quo pourrait se prolonger jusqu’au début 2013.

 

Jeudi 9 février, 13h45: la BCE laisse son taux refi inchangé en février.

Après avoir procédé à deux baisses de son taux refi depuis le départ de Jean Claude Trichet, la BCE devrait laisser son principal taux directeur inchangé à 1 % en février. Cependant, alors que la zone euro plonge en récession, que la crise de la dette est loin d’être terminée et que l’inflation recule, Mario Draghi a laissé entendre à Davos qu’il se préparait à une nouvelle baisse de taux directeurs.