PIB : la France forte ? (E&S n°203)

  

Humeur :

Croissance : la France forte ?

A la lecture des comptes nationaux français du quatrième trimestre 2011, une question s’impose : les statisticiens de l’INSEE sont-ils devenus des magiciens ? En effet, l’augmentation du PIB de 0,2 % affichée par l’Institut statistique hexagonal ne correspond absolument pas à la réalité économique française telle qu’elle avait été décrite jusqu’alors par le même INSEE.

Tout d’abord, ce chiffre tranche avec la baisse de 0,8 % de la production industrielle au cours de ce même quatrième trimestre 2012. Même si l’industrie ne représente plus que 17 % du PIB français, son rôle moteur reste indéniable et donne généralement le « la » pour l’ensemble de l’économie. Encore plus troublant : en dépit du recul de la production industrielle, l’investissement des entreprises en produits manufacturés selon les comptes nationaux flambe de 2,4 % au quatrième trimestre.

Ensuite, alors que la consommation des ménages a stagné au dernier trimestre 2011 selon les chiffres mensuels de l’INSEE, elle affiche une augmentation de 0,2 % selon les comptes nationaux.

De plus, que ce soit dans l’industrie ou dans les services, les enquêtes, toujours du même Institut, indiquaient que le PIB devait nettement chuter au quatrième trimestre. Etonnamment, il n’en a donc rien été. Une fois n’est pas coutume dans notre « humeur » et de manière à mieux visualiser pourquoi la croissance du PIB apparaît anormale, nous publions ci-dessous un graphique qui montre le décalage impressionnant entre l’indicateur avancé de l’INSEE dans l’industrie (qui, généralement, indique plutôt bien l’évolution future de la croissance) et le glissement annuel du PIB français. A l’évidence, il n’y a pas photo…

Enfin et surtout, la « croissance » du PIB dépareille avec la stagnation puis la baisse de 0,2 % de l’emploi respectivement au troisième et au quatrième trimestre. Or, si les statistiques de la croissance sont peu fiables, celles de l’emploi sont bien plus fidèles à la réalité telle qu’elle est vécue par les Français.

En résumé, si de tels écarts peuvent exister, avouons qu’ils apparaissent particulièrement déconcertants aujourd’hui.

Et ce, d’autant que dans tous les autres pays de la zone euro qui ont publié leurs comptes nationaux du quatrième trimestre, le PIB a soit stagné, soit reculé plus ou moins fortement : – 0 % pour la Finlande et Chypre, -0,1 % en Autriche, – 0,2 % en Allemagne et en Belgique, – 0,3 % en Espagne, – 0,7 % en Italie et aux Pays-Bas, – 1,3 % au Portugal. Face à ce triste constat, seule la France a donc « miraculeusement » tiré son épingle du jeu et permis au PIB de la zone euro de ne reculer « que » de 0,3 %. Quel prestige !

Bien sûr, dans la mesure où les comptes nationaux restent de la comptabilité, il faut bien trouver une justification comptable à la progression du PIB. C’est en cela que l’une des grandes explications de cette « performance » réside dans la baisse de 1,2 % des importations. Or, dans la mesure où celles-ci contribuent négativement à la croissance du PIB, leur chute amène une contribution positive de 0,4 point.

Parallèlement, les exportations ayant flambé de 1,2 % au quatrième trimestre, la contribution totale du commerce extérieur à la croissance française atteint 0,7 point. Cela signifie que, hors commerce extérieur, le PIB français a reculé de 0,5 % au quatrième trimestre 2011.

Dans ce cadre, nous sommes contraints de relativiser avec force les chiffres de la croissance française pour le quatrième trimestre. Non seulement parce qu’ils nous paraissent trop décalés par rapport à la réalité économique intérieure, mais aussi parce que, de ce fait, ils risquent de subir d’importantes révisions dans les prochains mois et certainement après le mois de juin…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Japon : la crise sans fin ?


La publication des comptes nationaux Japonais pour le quatrième trimestre 2011 nous confirme que l’Empire du Soleil levant n’a pas fini de souffrir.

Après un début d’année catastrophique marqué par une chute de 1,8 % du PIB au premier trimestre et de 0,4 % au deuxième trimestre, le Japon avait renoué avec la croissance au T3 (+1,7 %). Malheureusement ce rebond ne fût que de courte durée puisque le PIB a reculé de 0,6% au quatrième trimestre 2011 portant son glissement annuel à -1 %.

Le détail statistique nous signale que l’investissement des ménages qui avait progressé de 4,5 % au T3 a reculé de 0,8 % au quatrième trimestre. Par ailleurs, la demande intérieure ralentit avec une petite hausse de 0,1 % contre +0,9 % au troisième trimestre. De même, la consommation des ménages n’a augmenté que de 0,3% au T4 après +1 % au T3.

Enfin, l’investissement des entreprises qui avait stagné au troisième trimestre affiche une hausse de 1,9 %.

Au total, après une croissance de 4 % en 2010, le PIB japonais a reculé de 0,9 % en 2011.

Le PIB japonais repasse dans le rouge …

Source : Bloomberg

Certes les chiffres finaux de la production industrielle publiés cette semaine confirment un rebond au mois de décembre avec une hausse de 3,8 % après une baisse de 2,7 % en novembre. Cependant, un point ne fait pas une tendance puisque non seulement le glissement annuel de la production industrielle nippone reste très faible (-4,3 %), mais sur l’ensemble du quatrième trimestre cette dernière a reculé de 0,5%.

Parallèlement, le glissement annuel des prix qui est retombé en territoire négatif depuis octobre a affiché un niveau de -0,2 % en décembre.

Depuis près de 15 ans, le Japon doit ainsi faire face à un des pires maux de l’économie : la déflation, soit un glissement annuel des prix négatif du à la faiblesse de la demande intérieure. Face à cette dernière, les suppressions d’emplois font office de variable d’ajustement, réduisant le pouvoir d’achat puis la demande intérieure créant un cercle vicieux…

De plus le vieillissement de la population japonaise ampute la consommation des ménages, sans compter qu’avec des taux d’intérêts durablement proches de zéro ces derniers ne sont pas incités à consommer et épargnent, c’est ce que l’on appelle l’effet d’éviction.

Le Japon n’arrive pas à sortir de la déflation.

Sources :MIAC , Bloomberg.

N’ayant plus de marge de manœuvre en termes de politique monétaire, avec une dette publique d’environ 230% du PIB et une demande intérieure atone, le Japon ne dispose plus que de l’arme du change pour sortir de l’ornière dans laquelle il se trouve. En effet, un yen plus compétitif permettrait de relancer les exportations et donnerait un peu d’oxygène à une économie asphyxiée.

Malheureusement, installée durablement sous les 80 yens pour un dollar depuis le 12 juillet 2011, la devise nippone reste beaucoup trop forte pour prétendre constituer un relais de croissance.

Le yen joue toujours contre son camp.

Source : Bloomberg

Si le bout du tunnel est encore loin, l’année 2012 devrait néanmoins voir l’économie nippone renouer timidement avec la croissance. En effet, disposant d’un acquis de croissance de 0,3 % fin 2011, le PIB devrait progresser d’environ 1,5 % cette année.

Jérôme Boué


.La météo économique de la semaine écoulée :

 


 

 


Les Marchés:

La baisse de l’euro est impérative.


A l’exception du miracle français (cf. l’humeur), la zone euro a, sans surprise, subi une nouvelle baisse de son PIB au cours du quatrième trimestre 2011, en l’occurrence – 0,3 %.

PIB du quatrième trimestre : en baisse quasiment partout.

Source : Eurostat

Certains pays de l’UEM ont même d’ores et déjà confirmé leur entrée en récession, qui, rappelons-le, se définit techniquement par deux trimestres consécutifs de baisse du PIB.

Ainsi en est-il de l’Italie (avec un recul de respectivement 0,2 % et 0,7 % au troisième, puis au quatrième trimestre), de la Belgique (- 0,1 % et – 0,2 %), mais aussi des Pays-Bas (- 0,4 % et – 0,7 %). Après avoir figuré parmi les rares pays de la zone euro à générer une croissance suffisamment forte pour compenser le paiement des intérêts de la dette, nos partenaires bataves ont donc rejoint le triste peloton des mauvais élèves, embourbés dans la bulle de la dette.

Italie, Belgique, Pays-Bas : la récession est déjà de retour.

Sources : Bloomberg, Eurostat


Une lecture stricte des critères d’entrée en récession pourrait pour l’instant préserver l’Espagne. En effet, le PIB a stagné au troisième trimestre 2011, avant de baisser de 0,3 % au quatrième. Pour autant, à la lecture des chiffres du chômage (23 % au niveau national et presque 49 % pour les moins de 25 ans), il paraît clair que la crise sociale est bien présente au-delà des Pyrénées.

La crise sociale est aussi en Espagne.

Source : Bloomberg

Évidemment, il y a encore bien pire, puisque le Portugal a enregistré son cinquième trimestre consécutif de recul du PIB. Ce dernier est d’ailleurs été le plus faible de la série, avec une chute de 1,3 %. Au cours de cette triste période, le PIB lusitanien a chuté de 3 %. Depuis le début de la crise (c’est-à-dire depuis le premier trimestre 2008), ce plongeon atteint 5 %. Autrement dit, si le focus est constamment posé sur la Grèce, le Portugal est également au bord du gouffre.

Le Portugal ne tiendra plus très longtemps.

Source : Bloomberg

En ce qui concerne nos amis hellènes, nous ne pouvons toujours pas commenter les comptes nationaux, puisqu’ils ne sont pas publiés. La seule information dont nous disposons réside dans le glissement annuel du PIB, qui, après un petit répit à – 5 % au troisième trimestre 2011, est reparti à la baisse à – 7 %. Si le plancher de – 8% atteint au premier trimestre 2011 n’est pas retrouvé, on s’en approche dangereusement. En fait, la Grèce est en récession depuis le troisième trimestre 2008.

Dans ces conditions, il est complètement absurde d’exiger que les Grecs s’engagent dans une nouvelle phase de rigueur. Il ne sert à rien de mourir guéri…

La Grèce en récession depuis 2008…