Zone euro, immobilier, emploi US : Comment va-t-on s’en sortir ? (E&S n°194)

 

Humeur :

L’Europe sans la zone euro : le « trou noir ».

Que ce soit lors de débats, de conférences ou d’échanges via internet, la même question revient sans cesse : «que ce passerait-t-il si la zone euro disparaissait ? » Face à cette interrogation extrême mais légitime, certains économistes, politiciens ou observateurs de la « chose économique » n’hésitent pas à botter en touche en soulignant que cette éventualité n’a aucun sens. La fin de la zone euro ? Le retour au franc ? « Impossible » disent-ils avec l’aplomb des technocrates qui dissertent sur l’avenir économique sans n’avoir jamais été sur le terrain. Ces donneurs de leçons ont clairement tort. Oui, il faut être honnête : même si nous ne le souhaitons pas, l’explosion de la zone euro et le retour au franc sont possibles. Compte tenu de la crise que traverse actuellement l’Union Economique et Monétaire (UEM), la probabilité de ce triste scénario s’accroît même de jour en jour. S’obstiner à vouloir faire croire le contraire est contre-productif. Cela ne ferait qu’aviver les tensions sociales au sein des différents pays. A l’évidence, si nous voulons sauver la zone euro, cette stratégie du dénigrement doit être abandonnée. En fait, il serait beaucoup plus opportun d’accepter ce cas de figure extrême et de réfléchir aux conséquences qu’il pourrait entraîner. C’est ce que nous nous proposons de faire ci-après.

Tout d’abord, il faut bien comprendre que la décision de sortir de la zone euro sera forcément du ressort des dirigeants politiques nationaux. En effet, il n’existe aucun mécanisme européen pour exclure des pays de l’UEM. L’abandon de l’euro sera donc forcément un choix souverain, si par exemple les dirigeants d’un pays estiment que les sacrifices requis pour rester dans l’UEM sont trop nombreux et impossibles à supporter. Dès lors, le pays en question pourra mettre en place la stratégie «d’opting out », comme l’ont fait les Anglais ou les Suédois avant la création de l’UEM.

Une fois cette décision prise, ils devront alors choisir un taux de conversion entre l’euro et leur nouvelle devise, qui sera certainement celle qui prévalait avant la monnaie unique. Cette transition prendra évidemment du temps. D’abord pour adapter les systèmes de comptabilité bancaire et ensuite pour émettre les nouveaux billets. Rappelons-nous que la mise aux normes des systèmes informatiques des banques lors du passage à l’euro en 1999 a pris environ deux ans. Quant aux pièces et billets, ils ne sont arrivés dans les mains des citoyens que trois ans plus tard. Inutile de dire que le chemin inverse constituera un vrai capharnaüm, avec toutes les confusions, les erreurs et les valses des étiquettes que cela engendrera.

Mais ceci n’est presque rien comparativement à ce qui va suivre. Car, si un pays sort de la zone euro, il ne bénéficiera plus de la «protection» de cette dernière, notamment en matière d’évolution des taux d’intérêt des obligations d’Etat. Par exemple, si la Grèce sort de l’UEM aujourd’hui, elle ne pourra plus bénéficier des taux bonifiés à 4,5 % que lui assure la zone, mais elle devra payer les véritables taux de marché, soit 30 % pour le taux à dix ans et 110 % pour le taux à deux ans. Mais cette déconfiture assurée n’est pas l’apanage de la Grèce. Ainsi, si la France sort de l’UEM, les taux d’intérêt auxquels elle emprunte vont flamber, pour atteindre au moins 10 % pour le taux à dix ans. Au-delà de l’aggravation du déficit et de la dette que cela va engendrer, cette tension dramatique suscitera un écroulement de l’investissement et de la consommation, donc une aggravation de la récession qui commence déjà, puis une nouvelle augmentation du déficit, donc une hausse des taux d’intérêt et le cercle pernicieux continuera.

Pour tenter de stopper l’hémorragie, le gouvernement n’aura alors d’autre choix que de rétablir le contrôle des changes et d’augmenter drastiquement les droits de douanes. Autrement dit, les Français ne pourront sortir leurs deniers de l’Hexagone sans autorisation de la Banque de France. « Peu importe » diront certains, puisque cela permettra de taxer les patrimoines au maximum sans possibilité d’échappatoire. De plus, la Banque de France pourra également activer la planche à billets et monétiser la dette publique. Le problème de ce scénario, qui pourrait paraître idyllique à certains, est que la crédibilité de la France en sortira particulièrement amoindrie sur la scène internationale. De plus, en créant de la monnaie ex-nihilo, c’est-à-dire sans création de richesse correspondante, l’inflation flambera vers les 8 %, ce qui grèvera encore le peu de pouvoir d’achat des Français et aggravera la récession. Quant à la taxation excessive des patrimoines et des entreprises, elle se traduira par un nouvel écroulement de l’investissement et de la consommation, donc par une exacerbation de la récession, avec toutes les conséquences sociales dramatiques que cela engendrera. Déjà « à fleur de peau », les populations défavorisées deviendront incontrôlables, ce qui finira par provoquer des émeutes, voire une guerre civile.

Enfin, pour couronner le tout, l’explosion de la zone euro imposera à la plupart de ses anciens membres de chercher des moyens de financement de leurs déficits en dehors des marchés financiers. Certains n’hésiteront alors certainement pas à se tourner vers les seuls pays qui disposent aujourd’hui de liquidités conséquentes, en l’occurrence ceux du monde émergent, et en particulier la Chine. Toujours à l’affut des bonnes opportunités, cette dernière ne manquera pas de saisir la balle au bond, en investissant massivement en Europe. Après avoir pris le contrôle économique de l’Asie et d’une grande partie de l’Afrique, les Chinois s’imposeront donc également sur le Vieux Continent. Face à une telle menace, les Etats-Unis ne resteront évidemment pas les bras croisés, avec tous les risques de conflits que cela suppose.

En conclusion, si la sortie de la zone euro est tout à fait possible, il faut savoir qu’elle se traduira forcément par une récession aggravée et durable, par une crise sociale sans précédent, mais aussi des guerres civiles, voire un conflit militaire. Bref, l’Europe et le monde s’engageront dans un « trou noir ». Evidemment, certains n’hésiteront pas à souligner que ces risques sont excessifs et que l’exemple de l’Argentine montre bien que l’on peut sortir d’une zone monétaire et ne pas rembourser une grande partie de sa dette publique sans souffrir démesurément. A ceux-là, il faut rappeler que l’Argentine a connu une crise dramatique et a mis dix ans avant de retrouver son PIB d’avant-crise. Pis, aujourd’hui encore, elle continue d’être fragile et ne pourra plus rattraper le dynamisme du voisin brésilien. Enfin, n’oublions pas que l’Argentine n’est pas la France et que les Français n’ont jamais connu de grave crise depuis l’après-guerre. Dès lors, la réaction de ces derniers à une chute du PIB forte et durable et à un marasme social pourrait être catastrophique. Or, l’Histoire nous a montré que lorsqu’une révolution commence dans l’Hexagone, elle peut durer longtemps et très mal se terminer. Nous sommes prévenus.

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Le taux de chômage américain passe nettement sous les 9 %.


Sans faire d’étincelles, les créations d’emplois se poursuivent tranquillement outre-Atlantique.

Ainsi au mois de novembre, la job machine américaine a créé 120 000 emplois après 100 000 en octobre (contre 80 000 initialement). A noter également la révision du mois de septembre passant à 210 000 emplois nouveaux contre 158 000 initialement. Depuis le début de l’année 1 448 000 emplois ont donc été crées.

Comme l’annonçait la bonne performance de enquête ADP du mois de novembre (+206 000), le secteur privé qui constitue le principal moteur de l’emploi outre-Atlantique a une fois de plus tenu son rang. En effet, après avoir généré 117 000 postes en octobre ce dernier, a créé 140 000 nouveaux emplois en novembre. Parallèlement le secteur des services a généré 146 000 emplois dont 33 000 pour les seuls services aux entreprises.

Une mention particulière est à décerner au commerce de détail à l’origine de 50 000 emplois nouveaux soit davantage que durant les trois derniers mois réunis (39 000). Petite déception en revanche pour le secteur manufacturier qui n’a créé que 2000 postes contre 9000 attendus par le consensus.

Enfin et ce n’est pas une surprise le secteur public et celui de la construction ont respectivement détruit 20 000 et 12 000 emplois en novembre.

Même si il elle n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière la job machine américaine monte donc progressivement en puissance.

 

Le secteur des services soutient toujours l’emploi.

Sources : Bureau of Labor Statistics, Datasream.

 

La bonne nouvelle de ce rapport sur l’emploi est incontestablement la baisse du taux de chômage qui passe nettement sous les 9 % (8,6 %), et ce pour la première fois depuis mars 2011.

 

Si cette baisse reste une surprise alors que les créations d’emplois sont encore modestes, elle n’en est pas moins logique. En effet les créations d’emplois relèvent d’une enquête auprès des entreprises alors que le taux de chômage est estimé auprès des demandeurs d’emplois.

Le taux de chômage recule nettement.

Sources : BLS , Datastream.

Par ailleurs, le glissement annuel de l’emploi reste au-dessus des 1 % avec un niveau de 1,23 % YoY en novembre après 1,21 % en octobre.

L’emploi se redresse progressivement mais la route reste longue.

Sources : BLS , Datastream.

D’autre part, les salaires marquent le pas (-0,1 % tant pour le salaire horaire moyen que pour le salaire hebdomadaire moyen), portant leurs glissements annuels respectifs à + 1,8 % et + 2,1 %. Enfin, le nombre hebdomadaire d’heures travaillées reste stable à 34,3.

Pour conclure, le cercle vertueux investissement-emploi-consommation est bien en place mais manque encore de vigueur. Si le taux de chômage est sur une bonne tendance il doit impérativement passer sous les 8 % pour permettre à Obama d’être réélu. Cela semble difficile mais pas impossible…

Jérôme Boué


.La météo économique de la semaine écoulée :

 


 

 


Les Marchés:

L’immobilier : valeur refuge ou valeur déluge ?


Mais jusqu’où grimperont les cours de l’immobilier dans l’Hexagone ? Après une baisse sensible en 2008-2009, les prix des logements anciens ont enregistré neuf trimestres consécutifs de hausse, battant constamment de nouveaux records historiques. Au troisième trimestre 2011 et en dépit d’un ralentissement notable, ils ont encore progressé de 1,1 %, affichant un glissement annuel de 6,7 %.

Cette tendance toujours haussière ne doit cependant pas masquer la baisse des transactions. En effet, les prix continuent d’augmenter mais sur un nombre de transactions de plus en plus faible.

En outre et surtout, cette hausse des prix immobiliers tranche avec la faiblesse de la croissance, l’atonie du pouvoir d’achat des ménages et l’augmentation du chômage.

Ainsi, l’indice rapportant les prix des logements anciens au revenu disponible des ménages ne cesse de flamber pour atteindre des niveaux stratosphériques.

L’écart entre les prix des logements et les revenus des ménages défie l’entendement.

Source : CGEDD

Alors que son niveau moyen se situe autour de 1 depuis 1965, ce rapport atteint désormais 1,86 à l’échelle nationale et 2,5 à Paris. Lors du sommet de la bulle de 1991, ce ratio était de 1,1 en France et de 1,5 à Paris. C’est dire l’ampleur de la bulle actuelle.

Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, cet écart devient particulièrement dangereux et échappe complétement à la rationalité économique. Face à un tel excès, il faut d’ailleurs remplacer la science économique par la science naturelle qui nous dit tout simplement que les arbres ne montent pas au ciel.

Et même si l’arbre de l’immobilier français ressemble clairement à un sequoia, il faudra bien, tôt ou tard, redescendre sur terre. Les exemples américains et anglais nous montrent d’ailleurs que la chute peut s’avérer très abrupte.


Les arbres ne montent pas au ciel, les ménages américains peuvent en témoigner…