A l’heure où l’Europe occidentale commémore le 93ème anniversaire de l’armistice de
Si cette opinion est évidemment bien pratique, elle demeure néanmoins particulièrement simpliste. En effet, si les Etats sont devenus aussi dépendants des marchés financiers, c’est avant tout parce qu’ils n’ont cessé de les utiliser depuis plus de vingt ans pour payer leurs déficits publics récurrents et abyssaux. Le pire est qu’en dépit de ce laxisme budgétaire incontrôlé, la croissance des pays de la zone euro n’a jamais été aussi faible. Depuis quatre ans, celle-ci est même devenue insuffisante ne serait-ce que pour honorer les intérêts de la dette publique. Autrement dit, pour simplement payer ces derniers, les Etats eurolandais doivent encore s’endetter. C’est ce qu’on appelle la bulle de la dette, dans laquelle sont englués tous les pays de la zone euro, à l’exception du Luxembourg, de l’Allemagne et des Pays-Bas. Et encore, compte tenu du fort ralentissement qui se dessine pour la fin 2011 et pour 2012, ces deux derniers pays pourraient également replonger dans cette spirale infernale.
En résumé, il ne faudrait pas inverser le sens des réalités : ce ne sont pas les marchés qui ont demandé aux Etats européens de se lancer dans un gaspillage effréné de dépenses publiques sans croissance économique forte en échange et d’accroître ainsi démesurément la dette publique. Si nous sommes aujourd’hui confrontés à une crise historique dans la plupart des pays eurolandais, la principale responsabilité revient aux dirigeants politiques. Qui plus est, au lieu d’essayer de se rattraper, ces derniers ont continué de ne pas respecter leurs engagements, perdant ainsi le peu de crédibilité qu’il leur restait. Ils se retrouvent dans la situation de « Pierre et le Loup ». A force d’avoir crié au loup, en vain, plus personne ne le croit lorsque le loup arrive vraiment. Ainsi, à force d’avoir annoncé qu’ils allaient réduire les dépenses et les déficits publics sans le faire, les dirigeants politiques eurolandais ne peuvent désormais plus être pris au sérieux.
Voilà pourquoi, en dépit des changements de Premier ministre en Grèce et en Italie, les taux d’intérêt des obligations d’Etat de ces deux pays ont continué d’augmenter. Le taux dix ans hellène a ainsi frôlé les 28 % le 8 novembre et le taux italien les 7,5 % le 9. De même, malgré la présentation d’un plan de rigueur « sans précédent depuis 1945 », les taux d’intérêt à dix ans français se sont dangereusement écartés de leurs homologues allemands, respectivement 3,3 % contre 1,75 % le 10 novembre au matin. De nombreux observateurs économiques et financiers en restent pantois : « mais que veulent les marchés à la fin ? Ils ne sont jamais contents… » se plaignent-ils.
Une fois encore, ce raisonnement reste superficiel. En effet, les investisseurs ne sont pas dupes. Ils savent que ce n’est pas le remplacement d’un dirigeant par un autre qui va suffire à transformer la donne dans le bon sens. Et ce, d’autant que les nouveaux élus ne sont pas forcément des modèles de transparence. Il faut par exemple se rappeler que M. Papadémos, successeur de M. « Nappadeuro » (cf. l’humeur de la semaine dernière), était Président de
De même, le départ de Berlusconi pourrait déboucher sur une énième crise politique dont l’Italie a le secret. Dès lors, il n’existe aucune garantie quant à la mise en place des mesures annoncées pour réduire les déficits. Et ce d’autant que, dans l’incertitude, l’activité économique risque encore de reculer. D’où une augmentation du chômage, des déficits publics et de la dette italienne. Quant aux mesures annoncées par le gouvernement français, elles visent surtout à essayer de « sauver » le triple A jusqu’aux élections présidentielles et continuent de laisser la porte ouverte à une inévitable dégradation ensuite. Pis, l’augmentation des impôts ne sera qu’un fusil à un coup. Après avoir apporté du « cash » dans les caisses de l’Etat à court terme, elle finira par casser le peu de croissance qui reste à
Face à ces dangers, il est donc clair que les marchés financiers resteront extrêmement volatils, enchaînant les phases de forte baisse et celles de remontée technique, tout en restant déprimés. Pour sortir définitivement de ce cercle infernal, il faudra rapidement signer l’armistice. Mais ce dernier ne devra pas être vexatoire et attiser les haines comme celui de 1918, qui porta en lui les germes de
Pour ce faire, il faut que les dirigeants politiques et monétaires de la zone euro mettent tout en œuvre pour restaurer la croissance. Et ce, notamment via une baisse du taux refi à 0,5%, un euro sous les 1,20 dollar et une politique budgétaire fédérale basée sur des investissements efficaces à l’échelle de l’UEM. De la sorte, la sanction des marchés, qui n’est finalement qu’une réponse aux erreurs de politiques budgétaires et monétaires de la zone euro depuis dix ans, sera perçue comme un mal pour un bien. Car, arrêtons de céder à la démagogie : personne, à part peut-être certains hommes politiques et quelques financiers véreux, n’a intérêt à voir la croissance s’effondrer et la zone euro exploser. Alors de grâce, Messieurs les dirigeants politiques et monétaires de la zone euro, donnons tort aux numérologues qui voient dans le 11/11/11 la manifestation d’une catastrophe mondiale et faisons en sorte que cette date soit plutôt le signe d’un nouveau départ vers une zone euro plus forte et plus efficace…
Marc Touati