D’abord un peu d’histoire. Cette formule bien connue (« l’Allemagne paiera ») a été prononcée par Clemenceau en juillet 1919. Le traité de Versailles avait en effet fixé le montant « des réparations » (pour dommages de guerre (1)) que l’Allemagne devrait payer à la France : un total de 132 milliards de marks à verser en 62 ans ! A la suite de la première crise de l’inflation en Allemagne, fin 1921, celle-ci suspend ses paiements après seulement deux ans de versements. Une bonne partie de cette somme devait servir à rembourser les Etats-Unis des prêts qu’ils avaient octroyés à la France pour soutenir l’effort de guerre. Du coup, celle-ci suspendit aussi ses remboursements aux Américains. Les réparations allemandes reprennent en 1924, une fois la situation financière rétablie outre-Rhin : une vingtaine de milliards seront versés entre 1924 et 1932. Quant à la somme totale elle sera progressivement réduite, à la suite des plans Dawes et Young (2). Après 1932 rien ne sera plus versé.
Un deuxième épisode de cette formule « l’Allemagne paiera » se situe en 1990. Cette fois-ci, il ne s’agit plus des conséquences d’une guerre, mais de l’effet d’une réunification souhaitée ; en d’autres termes, « la RFA paiera pour la RDA ». Au total, plus de 1 000 milliards d’euros (en net (3)) seront transférés de l’Allemagne de l’Ouest vers de l’Allemagne de l’Est entre 1990 et 2000, pour remettre celle-ci à flot et la rapprocher de son homologue occidental. En plus, à travers un rapport de change très favorable à l’Est (1 Deutschmark= 1 Ostmark), la réunification a permis de sauvegarder le niveau de vie des ex-citoyens de
Nous sommes à la veille du troisième épisode, avec la crise grecque. Celle-ci intervient seulement dix ans après le dernier effort effectué par les Allemands (en faveur de leurs compatriotes). On peut comprendre que les citoyens-contribuables de ce pays soient « agacés ». Selon un récent sondage réalisé par un grand journal allemand, 60% des Allemands soient hostiles à un effort financier en faveur de
On voit donc que le comportement de l’Allemagne face à la crise grecque va être capital, lors des prochaines années. N’oublions pas cependant que les Allemands ne seront pas les seuls à payer: la France est également en première ligne (150 milliards d’euros à verser au FESF !), mais nous sommes beaucoup moins « confortables » que nos voisins Rhénans, compte tenu de notre propre endettement. Quant à nos banques…
Bernard MAROIS
Professeur Emérite HEC PARIS
Président d’Honneur Club Finance HEC
(1) Le principe ainsi appliqué s’inspirait du précédent de 1871 : la France ayant perdu la guerre de 1870 qu’elle avait déclarée, Bismarck obligea celle-ci à verser une « indemnité de guerre » de 5 milliards de francs-or.
(2) Les transferts au titre de réparations furent soumis à l’agrément d’un « agent général », l’Américain Parker Gilbert, dans le cadre d ‘un règlement général des dettes issues de la première guerre mondiale.
(3) Dans ce chiffre, net, a été pris en compte, les revenus supplémentaires (TVA des entreprises, impôts des particuliers, effets de synergie économique) auxquels ont contribué les Allemands de l’Est.
(4) On évalue actuellement la décote à 50% -60% (hypothèse réaliste). Certains pensent même que le « haircut » peut finir par atteindre 90%.
(5) C’est beaucoup plus que 40%, si on ne retient que les pays en état de payer (grosso modo, les Etats bénéficiant encore du « triple-A »).
(6) La croissance allemande s’est fortement ralentie en 2011(1,2% au lieu de 3,5% en 2010). Au quatrième trimestre 2011, elle tend vers 0.