Croissance mondiale, Bourses, Zone Euro : En soldes ! (E&S n°175)

 

Humeur :

2011-2012 : croissances en soldes…

Comme chaque mois de juin, nous venons d’affiner nos prévisions économiques pour l’année en cours et pour celle à venir. Malheureusement, ces dernières sont à l’image des étiquettes des magasins hexagonaux depuis quelques jours : en soldes.

Certes, la croissance mondiale devrait rester appréciable et avoisiner les 4 % tant en 2011 qu’en 2012. Néanmoins, si ce niveau semblait être un plancher il y a encore quelques mois, il apparaît désormais comme un plafond. En fait, selon nos estimations, la progression du PIB international serait d’au mieux 3,9 % cette année et de 3,8 % l’an prochain. De tels résultats continueraient donc de marquer un léger mieux par rapport à leur niveau annuel moyen enregistré entre 1980 et 2010, à savoir 3,3 %. En revanche, ils indiqueraient qu’après un fort rebond à 5 % en 2010, l’heure est dorénavant au ralentissement. Autre problème : à l’instar de ce qui s’observe depuis 2008, l’évolution du PIB mondial demeurera particulièrement disparate, avec des pays émergents toujours en tête et des pays développés définitivement à la traîne.

Même l’Oncle Sam, qui nous avait pourtant habitués à faire des étincelles en phase de reprise, ne dépassera pas les 3 % de croissance, ni cette année, ni l’an prochain. Certes, 2012 étant aussi une année électorale, les dépenses publiques devraient rester élevées. Cependant, comme cela s’observe depuis le début de la Présidence Obama, ce laxisme budgétaire ne générera pas de dynamisme économique significatif. La crise est passée par là, pesant négativement et durablement sur le moral des entreprises et des consommateurs américains. Dans ce cadre, la Réserve fédérale ne pourra pas se permettre de resserrer son étreinte monétaire, maintenant le dollar à des niveaux relativement bas, en dépit d’une légère appréciation. Cela empêchera notamment l’euro de se déprécier franchement, limitant par là même le peu de croissance dans les pays de l’UEM.

Une fois encore, la zone euro restera l’une des grandes perdantes de la marche des affaires internationale. Et ce, d’autant que les crises de la dette publique qui sévissent dans la grande majorité des pays de la zone se prolongeront en 2012. Pour ne rien arranger l’approche des échéances électorales dans de nombreux pays (la France en 2012, l’Italie et l’Allemagne en 2013) incitera ces derniers à camper sur leurs positions, suscitant une phase d’attentisme peu propice à l’investissement et aux embauches.

Parallèlement, les craintes tenaces sur les dettes publiques se traduiront par des taux d’intérêt élevés dans l’ensemble des pays de la zone, y compris en France. Le taux d’intérêt des obligations du Trésor français à dix ans pourrait ainsi avoisiner les 4,5 % d’ici un an. Une telle tension se traduira notamment par une baisse de 5 à 10 % des prix des logements anciens et par une stagnation de l’investissement des entreprises. Le taux de chômage se stabilisera aux alentours des 9 %, limitant les dépenses de consommation déjà bien affaiblies cette année. Dans ces conditions, après avoir flirté avec les 2 % en 2011, la croissance hexagonale se repliera vers les 1,6 % en 2012. Un tel résultat demeure cependant optimiste, dans la mesure où il suppose le maintien du AAA pour la dette publique nationale, ce qui est loin d’être garanti.

A l’échelle de la zone euro, des « performances » similaires seraient obtenues. Certes, l’Allemagne conserverait son leadership, mais elle ralentirait également, réalisant une croissance de 2 % l’an prochain, après 2,8 % en 2011 et 3,5 % en 2010. Quant aux autres pays de la zone, tout dépendra de leur sortie ou non de la crise de la dette publique. Pour autant, même en supposant une issue favorable à cette dernière et en faisant l’hypothèse d’un repli de l’euro sous les 1,30 dollar, la croissance resterait molle dans la plupart des pays du Sud de l’Europe.

Ainsi, après une baisse de 1,3 % en 2008 et de 5,2 % en 2009, puis un léger rebondi de 1,2 % en 2010, le PIB italien ne progresserait que de 1,4 % en 2011 et de 1,5 % en 2012. Des résultats analogues s’observeraient en Espagne, maintenant le taux de chômage espagnol autour des 20 %. Le voisin portugais ne serait pas en reste, puisqu’après avoir baissé de 2,5 % en 2009 et augmenté de 1,4 % en 2010, son PIB enregistrerait une variation proche de zéro cette année et d’au mieux 1,4 % en 2012. Quant à la Grèce, elle subira en 2011 sa troisième année consécutive de décroissance (environ – 3 %, après -2,3 % en 2009 et – 4,4 % en 2010), avant de redémarrer progressivement en 2012 (+ 1,8 %).

En d’autres termes, comme cela s’observe depuis deux ans, l’économie eurolandaise sera fortement hétérogène en 2011, pour finalement retrouver un peu plus de convergence en 2012, mais vers le bas. Dans ce cadre, à l’instar des évolutions internationales de la dernière décennie, l’UEM restera la lanterne rouge de la croissance mondiale tant en 2011 qu’en 2012.

Pendant ce temps, le monde dit « émergent » continuera de dominer la planète économique en affichant des performances certes ralenties, mais toujours très appréciables. Comme d’habitude, la Chine donnera le « la » et engagera une décélération volontaire, afin d’éviter la surchauffe. En effet, grâce à un yuan régulièrement apprécié (+ 10 % en 2011 et autant en 2012) et à une augmentation tendancielle des taux d’intérêt directeurs de la Banque Centrale, la croissance chinoise devrait se stabiliser autour des 9 % en 2011 et 2012. Ce « soft landing » permettra notamment de contenir l’inflation chinoise (par ailleurs freinée par l’appréciation du yuan) et de réduire la demande de matières premières, limitant par là même les cours de ces dernières. Ces deux évolutions se traduiront par un apaisement des tensions inflationnistes à travers le monde, pérennisant ainsi une progression du PIB international entre 3,5 % et 4 % sans dérapage inflationniste.

Les soldes auront donc bien lieu sur le front de la croissance mondiale, mais pas de manière uniforme. C’est bien là le problème : bien souvent les soldes portent sur des produits de faible et moyenne qualité, tandis que les biens haut de gamme et/ou fortement appréciés sont généralement peu concernés…

Marc Touati

 

Quid de l’économie cette semaine ?

Zone euro : le ralentissement a déjà commencé.


Le climat des affaires a beau se stabiliser des deux côtés du Rhin (stagnation de l’indice IFO et de l’indicateur synthétique INSEE en juin), le détail de toutes les enquêtes est formel : le ralentissement a déjà commencé dans l’ensemble de la zone euro, y compris en France et en Allemagne,

Certes, nos voisins allemands continuent de faire de la résistance. Pour autant, les perspectives d’activité de l’enquête IFO continuent leur mouvement de baisse. En d’autres termes, même en Allemagne, la croissance a déjà mangé son pain blanc.

Les perspectives d’activité annoncent un net ralentissement de la croissance allemande.

Sources : IFO, Datastream

Dans l’Hexagone, une situation analogue s’observe. Certes, après une chute de trois points en mai, l’indicateur synthétique de l’enquête INSEE dans l’industrie en a repris trois en juin.

Pour autant, il ne fait ainsi que retrouver son niveau d’avril dernier, qui avait déjà accusé une baisse d’un point par rapport à son plafond de mars.

De même, le détail de cette enquête montre que si les carnets de commande retrouvent quelques couleurs en juin, notamment grâce à la demande en provenance de l’étranger, les perspectives générales de production continuent de reculer.

Ces dernières atteignent un niveau de 13, soit un plus bas depuis janvier 2011. Parallèlement, si les perspectives personnelles de production ont rebondi de cinq points en juin, elles affichent un repli de treize points par rapport à leur niveau de mars dernier.


Climat des affaires en France : l’attentisme prévaut.

Sources : INSEE, Datastream

Autrement dit, si les industriels français refusent de broyer du noir et de sombrer dans le pessimisme, ils restent toujours très inquiets et demeurent par là même très loin de l’euphorie. Dès lors, après un effet de rattrapage logique compte tenu de l’atonie passée, l’activité industrielle devrait nettement ralentir dans les prochains mois.

En outre, il faut noter que dans les services et le bâtiment, le climat des affaires a stagné en juin, marquant même une baisse de deux points dans les services par rapport à avril. Quant au commerce de détail, après un léger rebond en avril et une stabilisation en mai, l’indice synthétique d’activité a reperdu un point en juin.

Pour marquer le début des soldes, on aurait évidemment souhaité mieux. Cette phase de promotion, traditionnellement propice à la « fièvre acheteuse », risque donc de s’avérer décevante, comme cela fut d’ailleurs le cas lors des soldes d’hiver.

Plus globalement, ces évolutions confirment que la croissance française devrait bien avoisiner les 2 % cette année, mais qu’elle ne réussira pas à aller durablement au-delà. Pis, compte tenu de la fin des effets de rattrapage observés en 2010 et au début 2011, la croissance française pourrait bien reculer vers les 1,6 % en 2012.

Et ce d’autant que l’attentisme pré-électoral et une très probable augmentation des taux d’intérêt à long terme l’an prochain devrait encore freiner une activité déjà molle.

Enfin, à l’échelle de la zone euro, les indicateurs des directeurs d’achats sont également implacables : après avoir légèrement dépassé les 2 % au premier trimestre, le glissement annuel du PIB eurolandais s’apprête à fortement fléchir.


Croissance eurolandaise : retour sous les 1,5 % d’ici l’automne prochain.

Sources : Eurostat, Bloomberg, Datastream


 

Avec un niveau de 52, l’indice PMI du secteur manufacturier atteint même un plus bas depuis décembre 2009 et se rapproche dangereusement de la barre des 50, qui marque la frontière entre la progression et le recul de l’activité. Quant à l’indice PMI des services, si son recul est moindre (en l’occurrence – 1,8 point), son niveau actuel de 54,2 annonce également une croissance amoindrie vers 1,5 % pour les prochains trimestres.

 

Marc Touati

 

 


La météo économique de la semaine écoulée :

 

 



Les Marchés:

L’été des bourses : chaud et froid.


A l’image de la semaine qui vient de s’écouler, l’évolution des bourses devrait être particulièrement volatile au cours de l’été 2011.

En effet, après une belle remontée du printemps 2009 au début 2011 (exception faite du Cac 40 qui a été l’un des indices les moins performants du monde dit développé), les marchés boursiers sont en train de replonger dans la fragilité.

Après une belle remontée en 2009-2010, les marchés boursiers se cherchent…

Sources : Bloomberg, Calculs Assya Compagnie Financière

Certes, compte tenu d’une croissance mondiale d’environ 4 % en 2011 et 2012, le « Bear Market » ne paraît pas susceptible de s’installer durablement. Cependant, les crises de la dette publique actuelles et à venir, ainsi que les risques de ralentissement de la croissance internationale devraient instaurer une phase d’extrême volatilité au moins jusqu’à l’automne 2012 et les élections présidentielles américaines.

Le Cac 40 reste à la traîne.

Source : Bloomberg

Dès cet été, ce marché dit de trading, c’est-à-dire d’investissement à très court terme, alternant les fortes hausses et les fortes baisses, devrait s’imposer.

Voici, selon nous, les temps forts qui marqueront l’évolution des bourses internationales jusqu’en septembre 2011 :

          Fin juin-début juillet : les atermoiements autour de la crise grecque accroîtront fortement la volatilité des marchés boursiers. Un accord étant très probable, la tendance haussière devrait finalement l’emporter, du moins tant que « la rue » ne dérapera pas et que le gouvernement grec arrivera à maintenir une relative paix sociale. Les craintes réapparaîtront néanmoins dès l’automne, dans la mesure où la rigueur annoncée aggravera encore la situation sociale.

          D’ici là, les bourses devront également composer avec la nouvelle augmentation du taux refi qui, sauf surprise de dernière minute, devrait avoir lieu le 7 juillet. L’euro restera donc trop fort, pénalisant encore la croissance eurolandaise et réactivant les crises des dettes publiques dans l’ensemble des pays du Sud.