Zone euro, Grèce, USA : Déjà vu… (E&S n°172)

 

Humeur :

Les nuages sont de retour…

Serions-nous en train de vivre une histoire similaire à celle du film « Un jour sans fin » ? Dans ce dernier, le personnage principal apparaît condamné à revivre éternellement la même journée, qui plus est, une journée plutôt exécrable. Désespéré, il tente même de se suicider, mais se réveille aussitôt pour revivre cette journée infernale. Un jour (toujours le même évidemment), il rencontre un SDF qui, affamé, meurt dans ses bras. Pour éviter que cette triste scène se reproduise, il s’emploie alors à le nourrir, le vêtir, le réchauffer, mais rien n’y fait, celui-ci finit toujours par mourir au même moment. En désespoir de cause, il installe son « nouvel ami » dans un hôpital pour prévenir le trépas. Mais, cette fois-ci encore, ce dernier quitte ce monde. Devant la tristesse et l’irritation du condamné à revivre la même journée, une infirmière lui lance : « c’était inévitable, c’était son heure… »

Toute proportion gardée, c’est également ce sentiment de « déjà vu » et d’éternel recommencement qui semble diriger la vie économico-financière internationale depuis quelques années. A chaque fois, les mêmes erreurs produisent les mêmes catastrophes. Ainsi, en 2007-2008, le fort assouplissement de la politique monétaire américaine juxtaposée à la remontée des taux directeurs de la BCE avait généré une appréciation excessive de l’euro, une baisse du dollar et une flambée des cours des matières premières. Quelques mois plus tard, la récession commençait à s’installer un peu partout dans le monde développé et principalement au sein de la zone euro. Face à cette crise, exacerbée par la faillite sauvage de Lehman Brothers, l’euro/dollar finissait par plonger pour retrouver des niveaux normaux, c’est-à-dire inférieurs à 1,30 dollar.

Pourtant, la même histoire se répéta quelques trimestres plus tard. La Fed abaissa son taux objectif des federal funds dans une fourchette comprise entre 0 % et 0,25 %, tandis que la BCE refusa de réduire son taux refi sous les 1 %. Mécaniquement, l’euro repartit à la hausse vers les 1,50 dollar. La petite reprise qui se dessinait alors dans l’UEM s’essouffla très vite et empêcha certains pays de sortir de la récession. A commencer par la Grèce, qui, pour ne rien arranger, choisit un gouvernement dont le slogan était « les caisses ne sont pas vides, il faut augmenter encore les dépenses publiques ». Face à cette hérésie, l’Allemagne hissa alors le drapeau noir de la discorde et la crise grecque commença. L’euro repartit donc très logiquement à la baisse, pour frôler les 1,20 dollar.

Malheureusement, l’accalmie ne fut que de courte durée. Après avoir refusé d’aider leurs amis grecs, les Eurolandais décidèrent effectivement de leur apporter leur soutien. Les marchés crurent alors que la crise de la dette publique était sinon finie, du moins en voie de résorption. Il n’en était rien. Face à cet apaisement, l’euro repartit à la hausse et ce d’autant que la Fed refusait de resserrer son étreinte monétaire, alors que la BCE commençait à bomber le torse en annonçant qu’elle ne tarderait pas à augmenter ses taux directeurs, ce qu’elle fit en avril 2011. Dans ce contexte, l’euro repartit, encore une fois à la hausse, pour se rapprocher des 1,50 dollar.

Quasiment instantanément et toujours très logiquement, les menaces sur la croissance des pays en difficulté réapparurent et les taux des obligations des Etats grec, irlandais et portugais repartirent à la hausse. La palme de la flambée revenant néanmoins à la Grèce avec des taux d’intérêt à dix ans de 17 % et des taux à deux ans de 26 %. De nouveau, les investisseurs se rendirent à l’évidence qu’un euro trop fort n’était pas supportable et celui-ci reprit le chemin de la baisse, mais, une fois encore, dans la douleur, c’est-à-dire exactement comme l’an passé. Et pour aggraver ce sentiment de déjà vu, l’éruption d’un nouveau volcan islandais est venue, comme au printemps dernier, assombrir le ciel européen…

Face à ces mouvements répétitifs et à ces mêmes erreurs sans fin, une question s’impose : cela va-t-il s’arrêter un jour ? Les Européens vont-ils enfin comprendre qu’il y a des réalités inévitables ? Parmi, celles-ci, il serait par exemple bon d’accepter que les risques d’hyperinflation sont moins élevés que les risques de déflation. De même, il serait primordial d’admettre qu’un taux de change doit aussi refléter une réalité économique. Pour l’euro, cette dernière indique ainsi que la devise européenne devrait se situer entre 1,15 dollar (selon la parité des pouvoirs d’achat) et 1,20 dollar (selon le taux de change naturel dit Natrex). En outre, il serait également bienvenu d’arrêter de vouloir éviter ce qui est inéluctable. Ainsi, il est illusoire de refuser un rééchelonnement de la dette grecque et de laisser croire qu’une politique de rigueur réussira, seule, à mettre un terme à la crise hellène (cf. notre Humeur du 13 mai 2011). Pour résoudre cette dernière, il faudra avant tout donner un bol d’air à la Grèce, notamment en restaurant une croissance forte, ce qui ne pourra passer que par un euro moins exubérant.

Arrêtons donc de nous voiler la face : il faut accepter la réalité et réagir en conséquence en se remettant en question régulièrement pour espérer des lendemains meilleurs. Car, à l’image du nuage islandais de 2011, qui a été beaucoup moins « nocif » et perturbateur que celui de 2010, le pire n’est jamais certain. Autrement dit, la persistance de la crise grecque et plus globalement de la zone euro n’est pas une fatalité. Cette crise est avant tout due à l’absence de gouvernance fiable au sein de l’UEM. Pour sauver cette dernière, il est donc urgent de remplacer le dogmatisme de la BCE par un souci permanent d’efficacité économique. Celle-ci passe bien sûr par une maîtrise de l’inflation, mais sans sacrifier la croissance. Dans le même temps, l’UEM doit enfin devenir une zone monétaire optimale, avec notamment une harmonisation des conditions fiscales et réglementaires ainsi qu’un budget fédéral eurolandais. A force de le dire, peut-être que cela finira par se réaliser. C’est d’ailleurs comme cela que se termine « un jour sans fin », puisqu’après avoir essuyé une multitude d’échecs, le héros finit par s’améliorer, parvenant à réussir sa journée infernale et, enfin, à passer à la suivante, qui se présente sous de bien meilleurs auspices…

Marc Touati

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Quid de l’économie cette semaine ?

Croissance américaine : une impression de déjà vu.


Les statistiques de la croissance américaine se suivent et se ressemblent… Ainsi, la deuxième estimation des comptes nationaux pour le premier trimestre 2011 outre-Atlantique qui affiche une progression annualisée de 1,8 % du PIB confirme à l’identique le chiffre précèdent.

De même, le glissement annuel du PIB qui se situait à 2,3 % demeure également inchangé et confirme donc sa décélération.

Toutefois la croissance américaine devrait s’intensifier dans les prochains mois. C’est ce que laissent entendre les niveaux des indices ISM tant dans l’industrie manufacturière que dans les services.

En effet l’indice ISM manufacturier malgré une petite perte de vitesse, se situe toujours à un niveau élevé en avril (60,4). Quant à l’indice ISM non-manufacturier, en dépit d’une baisse de 8 % en avril, il affiche toujours un niveau de 52,8 soit au delà de la barrière des 50 marquant la frontière entre expansion et contraction de l’activité. De surcroît, cet indice devrait retrouver une tendance durablement haussière dés le mois de mai.

En d’autres termes la croissance américaine devrait afficher un rebond significatif dés le deuxième trimestre 2011.

La croissance américaine dispose de marges de progressions conséquentes.

Sources : ISM, Bloomberg

Par ailleurs, à l’image de la première estimation des comptes nationaux, la modeste progression du PIB s’explique toujours largement par une baisse significative de 5,1 % des dépenses publiques ponctionnant la croissance de 1,07 %. Cela signifie que la croissance du secteur privé a atteint 2,9 % au premier trimestre.

Ce recul significatif des dépenses publiques constitue un mouvement logique caractérisant la relance Keynésienne, à savoir le retrait progressif des moteurs publics au bénéfice des moteurs privés.

 


L’investissement résiste.

Sources : BEA, Datasream

La deuxième estimation des comptes nationaux confirme d’ailleurs que l’investissement des entreprises et la consommation des ménages américains restent les deux principaux moteurs privés de la croissance américaine.

Ainsi l’investissement en équipements et logiciels des entreprises confirme sa bonne performance pour afficher une progression de 11,6 % après 7,7 % au quatrième trimestre 2010. Parallèlement, l’investissement des ménages qui après une hausse de 3,3 % au quatrième trimestre avait fortement déçu (-4,1 %) lors de la première estimation, a «limité la casse» lors de la deuxième estimation affichant un recul de «seulement» 3,3 %.

Par ailleurs, si elle affiche une moindre progression (2,2 % contre 2,7 %), la consommation des ménages confirme néanmoins que l’on pourra toujours compter sur elle dans les prochains mois.

La consommation affiche toujours de belles couleurs.

Sources : BEA, Datastream

Tous les moteurs de la croissance sont bien en marche outre-Atlantique et la baisse du cours du pétrole et des matières premières devrait soutenir l’économie américaine dans les prochains mois. Nous confirmons donc notre prévision d’une croissance autour de 3% cette année.

Jérôme Boué


La météo économique de la semaine écoulée :

 

 



Les évènements à suivre du 30 mai au 3 juin :


Etats-Unis : la job machine est sur des bons rails.


L’actualité économico-statistique sera dense cette semaine aux États-Unis. Nous suivrons l’indice de confiance des consommateurs du Conference Board (mardi) puis les indices ISM, tout d’abord dans le secteur manufacturier (mercredi) puis dans les services (vendredi). Enfin, nous prendrons connaissance vendredi du rapport sur l’emploi pour le mois de mai.

De ce côté de l’Atlantique, nous connaîtrons mardi les dépenses des consommateurs en France ainsi que la première estimation de l’inflation eurolandaise pour le mois de mai.

Mardi 31 mai, 8h45 (heure de Paris) : les dépenses des consommateurs régressent encore en avril.

Après avoir rebondit de 0,9 % en février, les dépenses des consommateurs français, affectées par la faiblesse de la consommation automobile, ont retrouvé le chemin de la baisse en mars pour afficher un recul de 0,7 %. En effet, après avoir été soutenus artificiellement pendant deux ans par la prime à la casse, les achats d’ automobiles subissent de plein fouet l’arrêt de cette mesure incitative. Dans ce cadre, la consommation des ménages français devrait afficher un recul de 1,5 % en avril portant son glissement annuel à +2,4 %. Plus globalement la consommation restera moribonde sur l’ensemble de l’année ne progressant que de 1,3 % en moyenne.

 

Mardi 31 mai, 11h : petite baisse de l’inflation eurolandaise en mai.

Tirée par la hausse des matières premières, l’inflation eurolandaise qui a dépassé la barre des 2 % fixée par la BCE depuis décembre 2010, a atteint +2.8 % en avril soit un plus haut depuis octobre 2008. Pour le mois de mai, alors que le prix des matières s’est replié, l’inflation dans la zone euro devrait légèrement reculer pour se situer à un niveau de + 2,7 %.

 

Mardi 31 mai, 16h : l’indice de confiance des consommateurs du Conference Board confirme sa bonne tenue en mai.

Après avoir rebondit en avril notamment tiré par la reprise de l’emploi outre-Atlantique l’indice de confiance des consommateurs du Conference Board devrait confirmer sa bonne tenue en mai. En effet, alors que le prix des matières premières et notamment du baril ont reculé, cet indice pourrait atteindre un niveau de 68 en mai.

 
Mercredi 1er juin, 16h : l’indice ISM manufacturier régresse encore en mai.

Après avoir progressé pour un septième mois consécutif pour atteindre 61,4 en février, soit un plus haut depuis mai 2004, l’indice ISM manufacturier s’est logiquement replié tant en mars qu’en avril. Alors que l’industrie américaine subit les effets collatéraux du séisme japonais notamment dans le secteur automobile, cet indice devrait se replier à nouveau en mai à un niveau de 58.

 

Vendredi 3 juin, 14h30 : les créations d’emplois restent fortes en mai .

La job machine américaine est bien sur des rails. Effectivement, après une petite déception en janvier, les créations d’emplois mensuelles outre-Atlantique dépassent les 220 000 depuis février et ont atteint 244 000 en avril. Alors que le cercle vertueux investissement-emploi-consommation est bien en place les créations d’emplois devraient atteindre les 200 000 en mai et le taux de chômage pourrait repasser sous les 9 % à 8,9 %.

 

Vendredi 3 juin, 16h : l’indice ISM non manufacturier retrouve quelques couleurs en mai.

L’indice ISM non-manufacturier qui avait atteint un niveau de 59,7 en février a retrouvé le chemin de la baisse depuis pour chuter de 4,5 points en avril à 52,8 notamment pénalisé par la faiblesse du secteur de la construction. Pour le mois de mai nous anticipons une correction haussière de cet indice qui pourrait revenir au niveau de 53,5.

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