Les chefs d’entreprise français auraient-ils abusé de prozac ou encore d’EPO en mars ? Telle est la question que l’on est en droit de se poser au regard des dernières enquêtes de l’INSEE menées auprès de ces derniers. En effet, en dépit de la flambée des cours du pétrole et des matières premières, de l’appréciation excessive de l’euro, des dérapages géopolitiques à travers le monde, sans oublier la catastrophe japonaise, les dirigeants d’entreprise déclarent que tout est « au mieux dans le meilleur des mondes ». Et ce dans tous les secteurs d’activité à l’exception notable du commerce de détail et du bâtiment.
Dans l’industrie manufacturière, l’indice du climat des affaires fait même un bond de trois points à 109, un plus haut depuis mars 2008. Mieux, les sous-indicateurs de cette enquête sont quasiment tous euphoriques. A commencer par l’indice des perspectives personnelles de production (le mieux corrélé avec la production industrielle et plus globalement avec le PIB français), qui flambe de huit points, pour atteindre 25, un sommet presque historique, touché pour la dernière fois en octobre 2000 et seulement dépassé d’un point en mai 1976 ! Parallèlement, les carnets de commandes tant étrangers que globaux se sont fortement améliorés, atteignant des points hauts depuis respectivement juillet et avril 2008.
En outre, même si elle est un peu moins flamboyante, l’enquête de l’INSEE dans les services fait également état d’une nette embellie, l’indice du climat des affaires augmentant d’un point en mars, à 106, se rapprochant de ses précédents points hauts de 2007 et du début 2008.
Face à cette euphorie inattendue, il faut admettre notre étonnement et aussi notre circonspection. Car, si les chiffres de l’INSEE sont exacts, ces données signifient que la croissance française pourrait atteindre les 2,5 % à 3 % au cours des prochains trimestres !
Pour autant, nous préférons rester prudents. En effet, un point ne fait pas une tendance et cette embellie surprise doit être confirmée en avril avant de pouvoir en tirer des conséquences concrètes.
En fait, selon nous, cet optimisme débridé tient principalement d’un effet de rattrapage de la faiblesse des années passées. De plus et surtout, il ne tient aucunement compte des évolutions dangereuses qui se sont succédées au cours des dernières semaines, à commencer par la flambée des matières premières, du pétrole, de l’euro et les soubresauts géopolitiques internationaux. C’est pourquoi, il nous paraît fort probable que ces mêmes indices qui décrivent en mars une croissance exceptionnelle connaîtront dès avril une forte correction baissière.
C’est d’ailleurs comme cela que doit être appréciée la conjoncture française du début 2011 : un mouvement de carpe diem. Autrement dit, il faut profiter de l’accalmie actuelle car cette dernière risque d’être suivie par des lendemains beaucoup plus difficiles. Dans ce cadre, nous maintenons notre prévision d’une croissance française de 1,8 % cette année et de 1,5 % l’an prochain.
Marc Touati