Immobilier en France, Chine, 2021 : que de chamboulements ! (E&S n°156)

 

Humeur :

2021, l’Odyssée de l’économie.

Où serons-nous en 2021 ? Vaste question. Et pour cause : s’il est déjà difficile de prévoir la situation économico-financière internationale à un an, établir des anticipations à dix ans relève de la gageure. Tel est pourtant l’exercice périlleux auquel on nous demande régulièrement de nous livrer. Seul réconfort : compte tenu du caractère particulièrement éloigné de l’horizon prévisionnel, il est peu probable que l’on nous tiendra rigueur de nos erreurs potentielles. A ce sujet, il est clair que si, à court terme, le consensus a très souvent tort, son risque d’erreur augmente avec le temps.

Ainsi, au gré d’un rapide retour sur les prévisions émises en janvier 2001 pour les dix années à venir, il est clair que la grand majorité d’entre elles se sont avérées vaines. A l’époque, en dépit du début du dégonflement de la bulle Internet, la croissance américaine restait soutenue et paraissait peu encline à s’affaisser. Et ce d’autant que le taux de chômage des Etats-Unis se stabilisait autour des 4 %, alimentant la dynamique de la consommation et de l’immobilier. En Europe, la zone euro avait tout juste deux ans et semblait encore capable de concurrencer, voire de surpasser rapidement la zone dollar. D’autant plus que les dirigeants européens venaient de signer la stratégie de Lisbonne pour s’engager à faire de l’Union européenne la terre de croissance et d’innovation la plus performante de la planète à l’horizon 2010… Quant aux pays émergents, en dépit de la vigueur de la Chine, ils paraissaient au bord de la faillite, avec notamment les crises asiatiques des années 1997-98, la crise russe et celles du Brésil et de l’Argentine.

Autant de sentiments et de prévisions qui ont été balayés par la réalité. Cette dernière a même parfois tourné au cauchemar. D’abord pour des raisons géopolitiques. Ainsi, alors que la décennie 1991-2001 avait été marquée par un certain apaisement des tensions internationales, la suivante a complètement inversé la donne : attentats du 11 septembre 2001, guerre en Afghanistan, en Irak, en Serbie, en Tchétchénie, guerres civiles dans de nombreux pays africains et sud-américains… Le domaine sanitaire n’a également pas été épargné : crise de la vache folle, pandémie de SRAS, puis de grippe aviaire. Que dire alors des catastrophes naturelles : tremblements de terres, tsunamis, ouragans, inondations, marées noires. A l’évidence, il aurait été difficile de faire pire. Pourtant, comme si toutes ces horreurs ne suffisaient pas, de nombreuses catastrophes économiques et financières ont également jalonné la dernière décennie : affaire Enron, explosion de la bulle Internet, flambée spéculative des cours du pétrole et des matières premières, crise des subprimes, faillite de Lehman Brothers, crises islandaise, grecque, irlandaise et plus globalement de la zone euro…

Bref, le monde de 2011 est loin de ressembler à celui que l’on pouvait imaginer dix ans plus tôt. Pour autant, il y a néanmoins une bonne nouvelle dans cette suite de catastrophes en tous genres : nous sommes toujours là. En d’autres termes, en dépit des embuches et de l’adversité, l’économie mondiale résiste et continue de produire des success stories. Certes, elles ne sont pas pléthores. Cependant, elles montrent que les crises et les péripéties peuvent aussi constituer des opportunités pour ceux qui ne se laissent pas abattre par le pessimisme qu’elles génèrent. Dans ce cadre, même s’il est impossible de savoir avec exactitude quelles seront les catastrophes qui jalonneront la prochaine décennie, il est d’ores et déjà certain qu’elles engendreront également des opportunités déterminantes pour ceux qui ne baisseront pas les bras face aux dangers mais au contraire, oser investir.

Bien entendu, pour les pessimistes et les adeptes du catastrophisme, les risques géopolitiques ne manquent pas : Iran, Proche-Orient, Amérique Latine, Europe de l’Est, Corée du Nord, Chine et peut-être dès aujourd’hui le Maghreb. En revanche, pour les autres, et même si ces risques sont réels, les dix prochaines années seront surtout riches de défis à relever : Développer la révolution des nouvelles technologiques de l’énergie, innover pour contrecarrer les probables pénuries d’eau et de matières premières alimentaires, limiter la spéculation sur les marchés financiers et, pourquoi pas, réduire la pauvreté et les inégalités. Dans ce cadre, il est alors possible de rêver pour 2021 à une planète plus propre avec une croissance soutenue sans pétrole, à un monde pacifié tant d’un point de vue nucléaire qu’en matière de terrorisme, à un système monétaire et financier international plus transparent et plus équilibré, sans oublier des dépenses publiques mieux maîtrisées et retrouvant une certaine efficacité.

Néanmoins, s’il est injustifié de sombrer dans le défaitisme, il serait tout autant erroné de se réfugier dans l’angélisme. Nous ne vivons pas dans le monde des « Bisounours » et, même si nous refusons de spéculer sur les désordres géopolitiques, il est malheureusement clair que le monde devra encore affronter pas mal de difficultés économico-financières d’ici 2021. La première est d’ailleurs déjà présente, puisqu’il s’agit de la crise de la dette publique et plus globalement celle de la zone euro. Si nos dirigeants politiques et monétaires ne parviennent pas à réaliser une UEM fiscalement et réglementairement harmonisée, avec un budget fédéral et qui deviendrait ainsi une terre de croissance durablement forte, il faudra se préparer à un éclatement de la zone euro dans les dix prochaines années. A plus long terme, l’hégémonie du dollar risque aussi d’être remise en cause par la montée en puissance du yuan. Or, si ce dernier remplace le billet vert sur la scène internationale, les Etats-Unis tomberont de leur piédestal et le monde s’engagera dans une crise économique encore plus grave que celle de 2008-2009.

Enfin, si ces deux sombres scénarios peuvent encore être évités, il sera beaucoup plus difficile de freiner la montée en puissance du monde dit émergent. Dans ce cadre, après avoir déjà été profondément modifiée au cours des dix dernières années, la répartition du PIB mondial subira une véritable révolution d’ici 2021. Ainsi, de 2 % en 1980, à 14 % aujourd’hui, la part du PIB chinois (en parité de pouvoir d’achat) avoisinera les 19 %, soit deux points de plus que les Etats-Unis qui perdront donc leur première place. Le poids de l’Inde avoisinera les 10 %, c’est-à-dire un niveau équivalent à celui de la zone euro. Quant à la France, elle ne représentera plus que 1,9 % du PIB mondial, contre 2,8 % en 2010. Il ne faut pas en avoir peur, mais simplement le savoir (et l’accepter !) pour faire les bons choix stratégiques…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

La Chine superstar.


La publication des comptes nationaux en Chine pour le quatrième trimestre 2010 confirme à ceux qui en doutaient encore que l’Empire du Milieu poursuit son chemin sur la voie de la croissance forte et durable.

En effet après deux premiers trimestres au delà des 10 % de croissance (11,9 % au T1 et 10,3 % au T2), le glissement annuel du PIB chinois qui était passé à 9,6 % au T3, a affiché comme nous l’avions annoncé dans nos colonnes, une progression de 9,8 % au T4 (contre 9,4 % prévu par le consensus). La croissance du PIB en 2010 a donc atteint 10,3 % contre 9,2 % en 2009, de quoi faire rêver l’ensemble des pays dits développés.

Parallèlement, les statistiques publiées cette semaine indiquent une bonne tenue de la production industrielle chinoise qui bénéficie toujours de la mise en place d’infrastructures conséquentes suite au plan de relance. Ainsi après avoir respectivement affiché en octobre et en novembre une croissance de 13,1 % et de 13,3 %, le glissement annuel de la production industrielle chinoise a poursuivi sa progression pour atteindre un niveau de 13,5% en décembre.

Par ailleurs, l’excédent commercial chinois a subi une forte chute passant de 22,89 milliards de dollars en novembre à 13,10 milliards en décembre, prêtant ainsi le flanc à ceux qui pointent du doigt la soit-disant trop forte dépendance de l’Empire du Milieu vis à vis de ses exportations. Il est vrai que ces dernières qui avaient atteint 34,9 milliards de dollars en novembre, ont chuté de près de moitié en décembre à 17,9 milliards.

Cependant, il faut savoir que le premier moteur de la croissance chinoise n’est plus l’export mais la demande intérieure. Ainsi, le glissement annuel des ventes au détail a atteint 19,1 % en décembre soit son niveau le plus élevé depuis février 2010, confirmant la prédominance de la composante domestique dans le PIB chinois.

 

La demande intérieure est le premier moteur de la croissance chinoise

Sources : National Bureau of Statistics of China, Bloomberg


Mieux, alors que face au très fort dynamisme de la consommation, certains ont brandi la menace d’une hyperinflation, force est de constater que ce n’est aujourd’hui pas le cas. En effet après avoir atteint 5,1 % en novembre soit un plus haut depuis juillet 2008, le glissement annuel des prix à la consommation a affiché un niveau de 4,6 % en décembre. Nous sommes donc très loin des 8,7 % atteint en février 2008…

Cependant alors que le prix des denrées alimentaires (la principale source de l’inflation) subit de fortes pressions, les risques de surchauffe sont bel et bien réels. C’est pourquoi la Banque Centrale Chinoise a relevé pour la quatrième fois en deux mois le coefficient des réserves obligatoires des Banques du pays de 50 points de base. De fait, Pékin espère réguler les excès de liquidité en circulation et contrecarrer la menace inflationniste.

 

L’inflation chinoise reste encore sous contrôle…

Sources : China Economic Information network, Bloomberg

Alors que la sous évaluation chronique de la devise chinoise est actuellement au centre des discussions entre Pekin et Washington, la Chine devrait lâcher du lest en appréciant modestement et très graduellement le renminbi cette année. Geste hautement symbolique lorsque l’on sait que le niveau de parité des pouvoirs d’achat indique un yuan d’équilibre de 3,5 yuan pour un dollar, il est clair que l’Empire du Milieu disposera toujours d’une devise de combat soutenant ses exportations.

Une demande domestique très dynamique, un excédent commercial conséquent ainsi que des réserves de change qui viennent de battre un nouveau record à 2847 milliards de dollars traduisent à eux seuls la solidité de l’économie chinoise.

Alors que la croissance chinoise devrait être proche des 10 % cette année le pays restera le principal moteur de l’économie mondiale. A l’image des États-Unis, la Chine qui parvient à générer une croissance forte sans excès inflationniste pourrait bien dépasser le maître dans quelques années…

 

Jérôme Boué



La météo économique de la semaine écoulée :

 


Les Marchés:

Immobilier en France : c’est l’heure de payer !


En lançant l’idée d’une taxation de la plus-value sur la résidence principale, la Ministre de l’Economie Christine Lagarde a peut-être définitivement sonné le glas de la flambée des prix immobiliers dans l’Hexagone. Certes, il ne s’agit que d’une « piste de réflexion » et cette nouvelle taxe (encore une !) ne porterait que sur les biens supérieurs à 1,2 million d’euros. Il n’empêche. Alors que la rumeur planait depuis déjà quelques mois, suscitant souvent un haussement d’épaule de la part des professionnels de l’immobilier, le pavé a bien été lancé.

Et ce n’est pas tout. En effet, une nouvelle rumeur s’installe depuis quelques semaines. Selon celle-ci, l’exonération d’impôts sur la plus-value pour les résidences secondaires au-delà de quinze ans de détention pourrait également sauter.

Il n’en fallait pas plus pour susciter un mouvement de panique dans l’ensemble du secteur de l’immobilier. Si bien que ce dernier a à peine salué le lancement du nouveau prêt à taux zéro, appelé PTZ plus.

Cette double évolution, en l’occurrence celle du gouvernement et celle des professionnels de l’immobilier, est finalement très logique. Et pour cause : à un peu plus d’un an des élections présidentielles, les dirigeants du pays cherchent à sortir du piège du bouclier fiscal et du bourbier de l’ISF, sans pour autant baisser les dépenses publiques. Dès lors, il faut bien trouver des sources de revenus quelque part. La flambée des prix des logements et les plus-values mirobolantes ainsi réalisées tombent donc à pic pour apaiser la soif de recettes fiscales de l’Administration publique.

Comment réduire les déficits publics sans réduire les dépenses ? En augmentant les impôts pardi !

Sources : INSEE, Datastream

Dès lors, l’ire des agents immobiliers devient tout aussi logique. En effet, ces derniers ne cessent de rabâcher depuis cinq ans qu’il n’y a pas de bulle et que les prix des logements anciens vont encore flamber de 5 à 10 % chaque année au moins jusqu’en 2015. Après une baisse significative des prix en 2008-2009, la baisse des taux d’intérêt qui a suivi la crise financière, puis la crainte des investisseurs pour les placements boursiers au profit de la pierre, leur a donné en partie raison. Du moins, ces deux évolutions ont permis de stopper le dégonflement des prix et de relancer ces derniers  sur de nouveaux sommets historiques.

Immobilier français : la bulle s’est reformée.

Sources : INSEE, Datastream

Seulement voilà, même en France, les arbres ne montent pas au ciel. Ainsi, la remontée des prix l’an passé a masqué une réalité économique bien plus profonde, à savoir un décalage historique et par là même dangereux entre les prix des logements et les revenus des ménages.

Un décalage Prix des logements/Revenus des ménages trop dangereux.

Sources : CGEDD d’après INSEE