2010 : une lente sortie de crise (E&S n°153)

 

Humeur :

2010 : une lente sortie de crise.

Comme chaque fin décembre, il est d’usage de faire le bilan de l’année écoulée. Cet exercice a notamment le mérite de rappeler les bons et les moins bons moments des douze derniers mois. Mieux, il permet de prendre du recul, de manière à recharger les batteries pour l’année à venir. Et cela est particulièrement nécessaire aujourd’hui, car, depuis bientôt quatre ans, la planète économico-financière fait l’objet de toutes les craintes. Chaque année a ainsi apporté son lot de crises, de chômage et de peurs en tous genres. Tout a commencé en 2007, alors que tout allait si bien et que la croissance mondiale culminait à 5 %. Malheureusement, l’éclatement de la crise des «subprimes» n’était pas loin et c’est elle qui cassa le ressort de la dynamique économique internationale à partir de l’été.

Nous n’étions cependant qu’au début de nos peines puisque l’année 2008 allait marquer le véritable déclenchement de la plus grave crise financière depuis 1929. Et ce par deux voies principales. La première réside dans la flambée de l’euro/dollar et des cours des matières premières, à commencer par le pétrole. La récession allait ainsi s’installer dès le printemps 2008 dans la zone euro. Et comme si cela ne suffisait pas, la BCE enfonçait le clou en juillet via l’augmentation de son taux refi, histoire de s’assurer que l’économie européenne allait bien s’enfoncer dans le marasme économique. Cette triste décision allait, en effet, se traduire par un euro à 1,60 dollar et un baril à 150 dollars.

Mais, comme un malheur n’arrive jamais seul, la faillite « sauvage » de Lehman Brothers est venue donner le coup de grâce, plongeant le monde dans une crise historique, doublée d’un désarroi et d’une perte de confiance qui ne sont d’ailleurs toujours pas résorbés. Et pour cause : depuis 2008, les Cassandres, pessimistes et autres Bearish n’ont cessé d’annoncer que le pire était inévitable. En 2009, ils avaient ainsi prédit que le PIB mondial chuterait d’au moins 5 %. Pourtant, il ne recula que de 0,7 %. Qu’à cela ne tienne, il y a un an, ces mêmes « adeptes de la fin du monde imminente » balayaient d’un revers de main leur erreur de prévision, en soulignant que si la crise de 1929 avait pu être évitée en 2009, elle ne le serait pas en 2010. Mais, une fois encore, ils avaient tort. Ainsi, la progression du PIB mondial sera d’au moins 4% cette année. Si elle n’a certes pas renoué avec ses sommets des années 2005-2007 (autour des 5 %), elle  réalise une performance supérieure à celle des 30 dernières années, au cours desquelles elle atteignait une moyenne annuelle de 3,5 %.

Toutefois, à la différence des années 1990, cette croissance n’a pas été homogène. Ainsi, après avoir déjà évité la récession en 2009, les principaux pays émergents ont continué de s’imposer comme les nouvelles locomotives de la croissance mondiale. Même l’Europe de l’Est, qui avait pourtant sombré dans la baisse du PIB en 2009 (Pologne exceptée), a retrouvé du poil de la bête. Mais, comme cela s’observe depuis une dizaine d’années, c’est la Chine qui est restée leader du monde dit émergent, ou plutôt émergé. L’Empire du Milieu poursuit donc sa montée en puissance en accumulant les performances : progression de son PIB de 10 % cette année, réserves de change de 2 648 milliards de dollars en septembre (et certainement près de 3 000 milliards en fin d’année), sans oublier le maintien d’un yuan toujours largement sous-évalué en dépit des pressions internationales, qui se veulent de plus en plus pressantes mais demeurent toujours aussi vaines. La devise chinoise se stabilise ainsi autour des 6,70 yuans pour un dollar, alors que la parité des pouvoirs d’achat fait état d’un niveau d’équilibre de 3,50 yuans.

Sans évidemment atteindre ce dynamisme économique, les Etats-Unis constituent néanmoins la deuxième locomotive de la croissance mondiale. Leur PIB devrait effectivement croître de 2,8 % à 3 % en 2010. Ils resteront donc très éloignés des sinistres prévisions de nombreux économistes à travers le monde qui leur prédisaient une récession durable, puis un « W ». Seul bémol : le taux de chômage américain n’a pas baissé significativement comme cette reprise aurait du le permettre. Cette lenteur au démarrage s’explique notamment par la crainte d’une hausse des impôts, récemment contrecarrée par le revirement de l’Administration Obama. Après une année de va-et-vient, le taux de chômage devrait donc repartir à la baisse dès la fin 2010 et surtout l’an prochain.

A ce stade, cette année est bien celle de la sortie de crise, une sortie, certes lente, mais néanmoins solide. Seulement voilà, le bilan de l’année écoulée ne s’arrête pas là. Car, comme cela s’observe depuis dix ans, la zone euro a continué de décevoir et de rester la lanterne rouge de la croissance mondiale. Si une telle situation n’est donc pas nouvelle, l’originalité réside dans le fait que, pour la première fois depuis 1999, des questions commencent à se poser sérieusement sur la viabilité, voire sur la poursuite de l’Union Economique et Financière. C’est en cela que 2010 constituera aussi l’année du début de la crise existentielle de la zone euro. Tout a évidemment commencé avec la crise grecque, mais s’est ensuite poursuivi avec la crise irlandaise et surtout avec les craintes de contagion vers le Portugal, l’Espagne, la Belgique et bientôt l’Italie, voire la France. Au-delà des plans de sauvetage, qui constituent principalement des colmatages de brèches, la seule issue possible à court terme réside dans la baisse de l’euro. C’est d’ailleurs peut-être la seule bonne nouvelle de 2010 pour l’UEM. L’euro/dollar a certes fait du yoyo, mais demeure tout de même sur une tendance baissière.

Nous retrouvons ici l’une des principales forces du capitalisme, qui l’on observait déjà en 2009 : celui-ci est évidemment loin d’être parfait, dans la mesure où il produit des crises. Cependant, c’est souvent dans ces dernières que se trouvent aussi les solutions. En d’autres termes, les crises sont douloureuses, mais sont toujours des phases d’opportunités. Il suffit simplement d’avoir le courage de les saisir et de les mettre en musique. Or, il faut reconnaître que, dans le cas européen, la partie est loin d’être gagnée…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?


Vers une croissance américaine proche des 3 % en 2010.


Les statistiques publiées cette semaine nous confirment que la reprise est bien en marche outre-Atlantique.

A commencer par les ventes au détail qui après avoir progressé de 1,7 % en octobre ont confirmé leur bonne tenue pour afficher une hausse de 0,8 % en novembre. Ces dernières ont été essentiellement tirées par les ventes d’essence (+4 %), et de vêtements (+2,7 %). Mieux, les ventes au détail hors transport ont progressé de 1,2 % contre 0,6 % attendu par le consensus.

Bien que les ventes au détail soient exprimées en valeur, la faiblesse de l’inflation nous confirme qu’une vraie dynamique s’instaure outre-Atlantique sur le front de la consommation. En d’autres termes, il faudra compter sur la très bonne tenue de la consommation des ménages américains qui va constituer un soutien de poids au PIB qui pourrait atteindre 3,5 % en rythme annualisé au quatrième trimestre.

 

La consommation des ménages américains au beau fixe.

Sources : Dept of Commerce-Bureau of Census, BEA, Datastream :

 

Sans surprise, les chiffres du mois de novembre nous confirment que l’inflation américaine demeure très faible. En effet après avoir augmenté de 0,2 % en octobre, les prix à la consommation ont affiché une petite hausse de 0,1% portant leur glissement annuel à 1,1 % contre 1,2 % en octobre. Après avoir atteint 2,7 % en décembre 2009, soit un plus haut depuis octobre 2008, l’inflation américaine oscille autour des 1,1% depuis juin 2010.

 

Parallèlement, après avoir atteint un plus bas historique en octobre à 0,6 %, l’inflation sous jacente (hors énergie et produits alimentaires) a affiché un niveau de 0,8 % en novembre, confirmant que le risque de déflation est toujours présent outre-Atlantique. En moyenne annuelle, l’inflation restera largement sous contrôle et devrait atteindre 1,6 % cette année et 1,7 % en 2011.

 

 

La déflation rode toujours outre-Atlantique

 

Sources : Bureau of Labor Statistics, Datastream

 

Par ailleurs, après être tombée en territoire négatif pour la première fois depuis juin 2009 en octobre à -0,2 %, la production industrielle américaine a progressé de 0,4 % en novembre, portant son glissement annuel à 5,4 %. L’industrie américaine a essentiellement bénéficié d’une hausse de 1,9 % dans le secteur public dont une augmentation de 6 % de la production de gaz. Le secteur «défense et aérospatiale» a également contribué à la bonne performance du mois de novembre en progressant de 1,5 %. Dans ce cadre, le taux d’utilisation des capacités de production a atteint 75,2 % en novembre soit un plus haut depuis la chute de Lehman Brothers en octobre 2008.

 

Le taux d’utilisation des capacités de production au plus haut depuis octobre 2008.

Sources : Federal Reserve, BEA, Datastream

Enfin si le secteur de la construction se redresse progressivement, il n’en reste pas moins fragile. Ainsi les mises en chantier ont légèrement augmenté en novembre pour atteindre 555 000 affichant une hausse de 16 % depuis leur plus bas d’avril 2009 à 477 000. En revanche les permis de construire, un indicateur avancé des mises en chantier, ont retrouvé le chemin de la baisse pour tomber à 530 000 soit à peine plus haut que leur plus bas en mars 2009 à 522 000.

 

Le secteur de la construction reste fragile

Sources : Department of Commerce, BEA, Datastream

 

 


En conclusion la reprise se poursuit outre-Atlantique tant au niveau de la production industrielle que de la consommation des ménages et le PIB américain devrait afficher une croissance d’environ 3 % cette année.

 

 

Jérôme Boué

 

 

 

 

 

 



La météo économique de la semaine écoulée :



 


Les évènements à suivre du 20 au 24 décembre :


Etats-Unis : la reprise se poursuit.


L’actualité économico-statistique sera essentiellement américaine cette semaine. Nous suivrons la publication finale des comptes nationaux pour le troisième trimestre en rythme annualisé (mercredi) ainsi que les commandes de biens durables (jeudi), pour finir par les revenus et les dépenses des ménages (jeudi également).

 

 

Mercredi 22 décembre, 14h30 (heure de Paris) : petite révision haussière du PIB américain au troisième trimestre.

 

Tiré par la bonne tenue de la consommation des ménages, le PIB américain devrait connaître une petite révision haussière et afficher une croissance de 2,8 % en rythme annualisé au troisième trimestre. En dépit d’une job machine toujours grippée, l’économie américaine monte progressivement en puissance et devrait afficher une croissance de 3,5 % au quatrième trimestre.