2010 : une lente sortie de crise.

 

Comme chaque fin décembre, il est d’usage de faire le bilan de l’année écoulée. Cet exercice a notamment le mérite de rappeler les bons et les moins bons moments des douze derniers mois. Mieux, il permet de prendre du recul, de manière à recharger les batteries pour l’année à venir. Et cela est particulièrement nécessaire aujourd’hui, car, depuis bientôt quatre ans, la planète économico-financière fait l’objet de toutes les craintes. Chaque année a ainsi apporté son lot de crises, de chômage et de peurs en tous genres. Tout a commencé en 2007, alors que tout allait si bien et que la croissance mondiale culminait à 5 %. Malheureusement, l’éclatement de la crise des « subprimes » n’était pas loin et c’est elle qui cassa le ressort de la dynamique économique internationale à partir de l’été.

Nous n’étions cependant qu’au début de nos peines puisque l’année 2008 allait marquer le véritable déclenchement de la plus grave crise financière depuis 1929. Et ce par deux voies principales. La première réside dans la flambée de l’euro/dollar et des cours des matières premières, à commencer par le pétrole. La récession allait ainsi s’installer dès le printemps 2008 dans la zone euro. Et comme si cela ne suffisait pas, la BCE enfonçait le clou en juillet via l’augmentation de son taux refi, histoire de s’assurer que l’économie européenne allait bien s’enfoncer dans le marasme économique. Cette triste décision allait, en effet, se traduire par un euro à 1,60 dollar et un baril à 150 dollars.

Mais, comme un malheur n’arrive jamais seul, la faillite « sauvage » de Lehman Brothers est venue donner le coup de grâce, plongeant le monde dans une crise historique, doublée d’un désarroi et d’une perte de confiance qui ne sont d’ailleurs toujours pas résorbés. Et pour cause : depuis 2008, les Cassandres, pessimistes et autres Bearish n’ont cessé d’annoncer que le pire était inévitable. En 2009, ils avaient ainsi prédit que le PIB mondial chuterait d’au moins 5 %. Pourtant, il ne recula que de 0,7 %. Qu’à cela ne tienne, il y a un an, ces mêmes « adeptes de la fin du monde imminente » balayaient d’un revers de main leur erreur de prévision, en soulignant que si la crise de 1929 avait pu être évitée en 2009, elle ne le serait pas en 2010. Mais, une fois encore, ils avaient tort. Ainsi, la progression du PIB mondial sera d’au moins 4 % cette année. Si elle n’a certes pas renoué avec ses sommets des années 2005-2007 (autour des 5 %), elle réalise une performance supérieure à celle des 30 dernières années, au cours desquelles elle atteignait une moyenne annuelle de 3,5 %.

Toutefois, à la différence des années 1990, cette croissance n’a pas été homogène. Ainsi, après avoir déjà évité la récession en 2009, les principaux pays émergents ont continué de s’imposer comme les nouvelles locomotives de la croissance mondiale. Même l’Europe de l’Est, qui avait pourtant sombré dans la baisse du PIB en 2009 (Pologne exceptée), a retrouvé du poil de la bête. Mais, comme cela s’observe depuis une dizaine d’années, c’est la Chine qui est restée leader du monde dit émergent, ou plutôt émergé. L’Empire du Milieu poursuit donc sa montée en puissance en accumulant les performances : progression de son PIB de 10 % cette année, réserves de change de 2 648 milliards de dollars en septembre (et certainement près de 3 000 milliards en fin d’année), sans oublier le maintien d’un yuan toujours largement sous-évalué en dépit des pressions internationales, qui se veulent de plus en plus pressantes mais demeurent toujours aussi vaines. La devise chinoise se stabilise ainsi autour des 6,70 yuans pour un dollar, alors que la parité des pouvoirs d’achat fait état d’un niveau d’équilibre de 3,50 yuans.

Sans évidemment atteindre ce dynamisme économique, les Etats-Unis constituent néanmoins la deuxième locomotive de la croissance mondiale. Leur PIB devrait effectivement croître de 2,8 % à 3 % en 2010. Ils resteront donc très éloignés des sinistres prévisions de nombreux économistes à travers le monde qui leur prédisaient une récession durable, puis un « W ». Seul bémol : le taux de chômage américain n’a pas baissé significativement comme cette reprise aurait dû le permettre. Cette lenteur au démarrage s’explique notamment par la crainte d’une hausse des impôts, récemment contrecarrée par le revirement de l’Administration Obama. Après une année de va-et-vient, le taux de chômage devrait donc repartir à la baisse dès la fin 2010 et surtout l’an prochain.

A ce stade, cette année est bien celle de la sortie de crise, une sortie, certes lente, mais néanmoins solide. Seulement voilà, le bilan de l’année écoulée ne s’arrête pas là. Car, comme cela s’observe depuis dix ans, la zone euro a continué de décevoir et de rester la lanterne rouge de la croissance mondiale. Si une telle situation n’est donc pas nouvelle, l’originalité réside dans le fait que, pour la première fois depuis 1999, des questions commencent à se poser sérieusement sur la viabilité, voire sur la poursuite de l’Union Economique et Financière. C’est en cela que 2010 constituera aussi l’année du début de la crise existentielle de la zone euro. Tout a évidemment commencé avec la crise grecque, mais s’est ensuite poursuivi avec la crise irlandaise et surtout avec les craintes de contagion vers le Portugal, l’Espagne, la Belgique et bientôt l’Italie, voire la France. Au-delà des plans de sauvetage, qui constituent principalement des colmatages de brèches, la seule issue possible à court terme réside dans la baisse de l’euro. C’est d’ailleurs peut-être la seule bonne nouvelle de 2010 pour l’UEM. L’euro/dollar a certes fait du yoyo, mais demeure tout de même sur une tendance baissière.

Nous retrouvons ici l’une des principales forces du capitalisme, qui l’on observait déjà en 2009 : celui-ci est évidemment loin d’être parfait, dans la mesure où il produit des crises. Cependant, c’est souvent dans ces dernières que se trouvent aussi les solutions. En d’autres termes, les crises sont douloureuses, mais sont toujours des phases d’opportunités. Il suffit simplement d’avoir le courage de les saisir et de les mettre en musique. Or, il faut reconnaître que, dans le cas européen, la partie est loin d’être gagnée…                                                 

Marc Touati