Cac 40, Allemagne, France, zone euro : 2011 une année déterminante (E&S n°152)

 

Humeur :

Et si l’Allemagne sortait de la zone euro ?

 

A force d’imaginer que la Grèce, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, voire la France pourraient sortir de la zone euro, on a fini par oublier que le pays le plus enclin à claquer la porte de cette dernière pourrait bien être l’Allemagne. Les récentes déclarations des dirigeants allemands ont d’ailleurs de quoi inquiéter. Ainsi, que ce soit les Ministres de l’économie, des Finances ou encore Angela Merkel en personne, tous ne cessent de souligner que la zone euro est bien en crise existentielle, tout en s’interrogeant sur la place de l’Allemagne dans l’Union Economique et Monétaire (UEM).

Pis, ces questions et ces inquiétudes ne sont pas le simple fait des dirigeants politiques, mais elles s’imposent de plus en plus au sein de la population. Un dernier sondage indique même que 57 % des Allemands pensent qu’ils auraient dû conserver le mark. Tout un programme !

Certes, les Allemands oublient un peu trop vite que la zone euro a aussi été une chance pour eux. En effet, elle leur a permis de figer leur monnaie vis-à-vis de celle de leurs principaux partenaires européens, évitant par là même de pâtir d’un taux de change trop élevé. En d’autres termes, il est clair que si l’euro n’existait pas, le deutsche mark se serait fortement apprécié face aux autres devises européennes, pénalisant les exportations et favorisant les importations. A l’inverse, l’Allemagne a aujourd’hui la chance de disposer d’un marché colossal et presque captif, avec un taux de change élevé.

Si cet argument est imparable et montre que l’Allemagne n’aurait pas forcément intérêt à sortir de la zone euro, il doit néanmoins être relativisé. En effet, ce qui permet aux entreprises allemandes d’exporter réside principalement dans la qualité et la technicité de leurs produits. Ainsi, avec un deutsche mark fort, elles auraient tout de même pu continuer à exporter fortement. En outre, n’oublions pas qu’à l’inverse de la majorité de ses partenaires européens, l’Allemagne a su diversifier la destination de ses exportations et miser très vite sur les pays émergents en forte croissance. C’est d’ailleurs la principale raison pour laquelle, les exportations allemandes restent dynamiques en dépit d’un euro trop fort.

Mais, au-delà de ces bons choix stratégiques (tant d’un point de vue sectoriel que géographique), les entreprises d’outre-Rhin bénéficient également d’une forte modernisation de leur économie. Celle-ci s’est notamment traduite par une réduction de l’impôt sur les sociétés (de 35 à 20 %), par un marché du travail plus flexible, par un amoindrissement du coût de la main-d’œuvre et, plus globalement, par une réduction des dépenses publiques. Après avoir avoisiné les 50 % du PIB il y a moins de dix ans, ces dernières n’en représentent plus que 46 % aujourd’hui, contre par exemple 56 % pour la France.

Et c’est sur ce point précis que les Allemands ont de quoi taper du poing sur la table. En effet, après avoir, eux aussi mais avant tout le monde, sombré dans une crise dramatique en 2001-2003, ils ont réussi à prendre le taureau par les cornes et à rompre avec l’atonie économique. Cela a pris dix ans, mais désormais, ils ont retrouvé le leadership de la croissance de la zone euro. Ayant relégué leurs complexes aux oubliettes, les Allemands souhaitent désormais reprendre également leur leadership politique et imposer leur vision du monde à l’ensemble de la zone euro.

Confirmant ce renouveau, le ministre des Finances Wolfgang Schauble n’a d’ailleurs pas hésité lundi dernier à lancer un message clair et cinglant à ses partenaires : « Faites donc comme nous ».

Et c’est bien là que le bât blesse. Car, si depuis l’après-guerre, les Allemands ont constamment avalé des couleuvres et volé au secours de leurs partenaires européens, aujourd’hui, ils ne semblent plus disposés à le faire aussi facilement. Ou du moins à une condition : que les pays eurolandais engagent les même réformes qu’ils ont réussi à mener depuis dix ans. Sinon, à l’image de son comportement à l’égard de la Grèce, voire, dans une moindre mesure, de l’Irlande, l’Allemagne retrouvera le pouvoir de dire « Nein ! ».

A la rigueur, tant que l’intransigeance allemande s’impose aux « petits pays », la zone euro n’est que faiblement menacée. En revanche, si les dissensions commencent à se développer entre l’Allemagne d’un côté, l’Italie et/ou la France de l’autre, l’issue risque d’être beaucoup moins favorable. C’est en cela que les prochaines échéances électorales italiennes et françaises seront déterminantes. Si les futurs dirigeants de ces deux pays réussissent à mener des réformes proches de celles engagées outre-Rhin, la zone euro sera définitivement sauvée. En revanche, si un mouvement inverse est décidé, il est clair que la grogne allemande ira crescendo.

Dans ce cadre, à force d’avoir répété « faites comme nous », sans être suivie, l’Allemagne pourrait tout simplement se retirer de la zone euro et revenir à sa proposition initiale d’une UEM limitée à des pays économiquement et socialement proches (en l’occurrence les Pays-Bas, l’Autriche et le Luxembourg). Une crise sans précédent s’imposerait alors aux autres pays européens. Certes, ces derniers bénéficieraient d’une devise plus faible et d’une inflation plus forte, voire d’une dette publique renégociée à la baisse. Cependant, la question reste de savoir si leur perte de crédibilité ainsi engagée pourrait être rapidement surmontée. Car si l’on sait lorsqu’une révolution commence, on sait rarement quand et surtout comment elle se termine…

Plus que jamais, l’Allemagne a donc bien les cartes du jeu européen entre ses mains. Espérons simplement que ses partenaires en seront conscients et sauront faire les bons choix dans les prochaines années…

 

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

France/Allemagne : un commerce extérieur très instructif.


On voit déjà venir les déclarations du gouvernement : en octobre, l’excédent commercial allemand s’est réduit, tandis que le déficit extérieur de la France a nettement reculé. Autrement dit : les écarts se réduisent. Une fois cette lecture rapide et partisane passée, il faut néanmoins se rendre à l’évidence : en octobre, la réduction du déficit commercial français est presque exclusivement due à la chute de 40 % des importations d’hydrocarbures naturels, elle-même due au blocage des terminaux pétroliers lors des mouvements sociaux d’octobre.

Plus globalement, il faut noter que la réduction du déficit hexagonal s’explique par une baisse des importations plus forte que celle des exportations (respectivement – 3,6 % et – 1,2 %). Cette double évolution confirme que la demande intérieure française reste faible et que les exportateurs français n’arrivent toujours pas à profiter du fort rebond de la croissance mondiale.

Ainsi, avec un niveau de 3,4 milliards d’euros en octobre et même s’il s’avère en baisse par rapport à son pic de septembre (à 4,7 milliards), le déficit extérieur français demeure très élevé. Que ce soit sur les dix premiers mois de 2010 ou sur les douze derniers mois, il atteint même un niveau impressionnant de respectivement 41,33 et 50,77 milliards d’euros. Si le sommet des 54,9 milliards d’euros de 2008 ne devrait pas être dépassé cette année, le déficit 2010 devrait donc être le deuxième plus important de l’histoire économique française, loin devant les 43,6 milliards observés l’an passé.

Les excédents allemands oscillent entre 10 et 15 milliards, les déficits français entre 3 et 5.

Sources : Douanes françaises, Bundesbank, Datastream

C’est à l’aune des chiffres annuels que le comparatif France/Allemagne prend alors tout son sens. Et pour cause : sur les dix premiers mois de l’année 2010, l’excédent commercial allemand atteint déjà 128 milliards d’euros. Cela signifie que, même si un nouveau ralentissement s’observe en novembre et décembre (avec un excédent mensuel d’environ 10 milliards d’euros), l’excédent extérieur de l’Allemagne devrait avoisiner les 140 milliards d’euros, soit presque 23 % de plus que les 114 milliards de 2009 et seulement quelques échelons en dessous du record absolu de 2007 à 164 milliards d’euros.

Pour justifier cet écart, certains n’hésiteront pas à avancer la relative faiblesse des importations et la vigueur de celles de la France.

Pour autant, soyons réalistes : l’essentiel de ce « gap » s’explique par le dynamisme exceptionnel des exportations allemandes comparativement à la moindre progression de celles de l’Hexagone.

Depuis 2000, les exportations allemandes ont ainsi progressé de quasiment 110 %, tandis que celles de la France se contentent d’une augmentation de seulement 30 %.

Des exportations allemandes très loin devant celles de la France.

Sources : Douanes françaises, Bundesbank, Datastream

En d’autres termes, pendant que les Français peinent à retrouver le chemin de la croissance, tant d’un point de vue extérieur que domestique, les Allemands ont retrouvé leur dynamique d’antan, bien sûr grâce à leurs exportations mais aussi grâce au rebond progressif de leur demande nationale.

Conséquence logique de cette dichotomie, les écarts de déficit public se creusent également. Ainsi, alors que celui de l’Allemagne devrait avoisiner les 3,5 % du PIB, celui de la France devrait frôler les 8 %, soit encore plus qu’en 2009. Dans ce cadre, l’amélioration du climat des affaires selon l’indicateur de la Banque de France apparaît comme une piètre consolation. Et ce, notamment parce qu’elle montre que l’économie française est certes en reprise, mais demeure toujours très fragile et très éloignée de la croissance forte.

 

Marc Touati



La météo économique de la semaine écoulée :

 


Les Marchés:

Le Cac 40 va-t-il enfin s envoler au-delà des 4 000 points ?


Déjà franchie à deux reprises cette année (précisément entre le 4 et le 19 janvier, puis du 25 mars au 20 avril), la barre des 4 000 points reste un seuil critique pour le Cac 40. En effet, au-delà de son aspect psychologique, le franchissement durable de ce palier permettrait à l’indice phare de la Bourse de Paris de sortir définitivement du canal « 3500-4000 » dans lequel il s’est englué depuis la mi-2009.

Ainsi, après être sorti de sa torpeur de mars 2009 et s’être éloigné du spectre du krach de 1929 tant annoncé à l’époque, le Cac n’a pas réussi à prendre son envol. Dès qu’une période propice commençait à s’installer, un flux de mauvaises nouvelles ou plutôt de nouvelles peurs venaient faire rechuter le marché parisien. Ce fut tout d’abord le cas à l’été 2009 avec la remontée de l’euro et les craintes de rechute de la croissance mondiale. Ensuite, après une période de remontée sensible qui amena le Cac au-delà des 4 000 début 2010, la crise grecque vint tout gâcher. Lors de l’été 2010, mêmes causes et mêmes effets qu’un an plus tôt : l’appréciation de l’euro et les menaces d’un « W » américain revinrent doucher les espoirs boursiers. Enfin, plus récemment, la crise irlandaise apporta son lot de pessimisme.

Cac 40 : crises, espoirs et ainsi de suite…

Source : Bloomberg

Deux enseignements peuvent être tirés de ces évolutions en dents de scie. Le premier est positif puisqu’il montre qu’en dépit des crises et des soubresauts conjoncturels, la rechute tant annoncée du Cac 40 n’a pas eu lieu. Au contraire, la tendance reste légèrement haussière par rapport aux niveaux atteints au plus fort de la tempête de la fin 2008 et du début 2009.

En revanche, le second enseignement est beaucoup moins favorable puisqu’il tient au fait que le Cac 40 apparaît comme l’une des bourses les moins performantes du quatuor formé avec le Dow Jones le Footsie et le Dax.

Ainsi, depuis le creux de mars 2009, le Cac 40 a progressé de 53 %. Ce qui constitue une évolution appréciable mais très inférieure aux performances réalisées par le Dax, le Dow Jones et le Footsie qui ont crû de respectivement 89 %, 73 % et 64 %.

Le Cac toujours loin derrière ses homologues…

Source : Bloomberg

Si, à la rigueur, certains pourront objecter que les bourses américaines et britanniques ont bénéficié d’une faiblesse durable de leur devise face à l’euro, cet argument ne vaut évidemment pas pour le Dax.

Or, il ne faut pas oublier qu’entre 2000 et 2003, le Dax et le Cac 40 atteignaient des niveaux quasiment identiques, le Cac repassant même légèrement au-dessus du Dax entre la fin 2002 et avril 2003. Aujourd’hui, les écarts se sont particulièrement creusés avec des niveaux de 7 000 points pour le Dax et de moins de 4 000 pour le Cac. Ainsi, l’indice allemand n’est plus qu’à 13,6 % de son sommet de 2007-2008, alors que l’indice parisien se situe encore 36,8 % en-dessous de son pic de 2007.

Dax/Cac : l’écart se creuse.

Source : Bloomberg

Cet écart pourrait éventuellement se comprendre pour des small caps, dans la mesure où l’économie allemande est devenue beaucoup plus dynamique que celle de la France. En revanche, cette différence de performance économique nationale est beaucoup moins pertinente pour les grandes multinationales qui réalisent l’essentiel de leur activité à l’international.

Autrement dit, au-delà des différences de composition du Dax et du Cac, les écarts de performance de ces indices sont beaucoup plus profonds qu’ils n’y paraissent. Ils révèlent effectivement le fossé structurel qui en train de se créer entre une Allemagne de nouveau conquérante et qui a retrouvé le leadership de la croissance européenne et une France qui doute et qui inspire de moins en moins confiance.

Cela signifie donc que les divergences macro-économiques continueront de se refléter dans les évolutions boursières et que les bourses allemandes et anglo-saxonnes continueront de surperformer celle de la France et celles du sud de l’Europe.

A ce sujet, il faut d’ailleurs noter que si le Cac sous-performe les indices mentionnés ci-dessus, il est loin de dépasser les indices boursiers des pays du Sud. Depuis le creux de mars 2009, l’indice MIB de la bourse de Milan surperforme même d’environ 10 % son homologue parisien. Quant à l’IBEX 35 de Madrid il se situe quasiment au même niveau que le Cac 40, à 3 % près. A l’évidence, il n’y a pas de quoi pavoiser.