France : Rien de nouveau jusqu’en 2012…

 

Nicolas Sarkozy a beau le réfuter, tous les yeux sont d’ores et déjà rivés sur les élections de 2012. Basé sur le concept « faire du neuf avec du vieux », le remaniement de la semaine dernière confirme d’ailleurs que le gouvernement est déjà en ordre de bataille pour affronter les prochaines échéances électorales. C’est là que réside le drame dans la politique de la plupart des pays occidentaux : elle prime sur les contingences économiques et ce, en particulier dans l’Hexagone où la culture économique est très faible et trop politisée.

Dès lors, à l’exception des neuf mois qui suivent la victoire à une élection présidentielle, il devient quasiment impossible d’engager des réformes économiques de fond. Autrement dit, si ces dernières ne sont pas menées dès le début de son mandat, le Président en exercice est souvent contraint de revoir à la baisse ses promesses électorales. Il finit alors par se contenter de gérer au mieux les affaires courantes, sans trop de dérapages, de manière à augmenter ses chances de réélection. C’est ainsi, que depuis le début des années 70, la France s’est engoncée dans le confort de l’immobilisme et du refus des réformes massives.

Le pire est que cette tentation du statu quo n’est pas toujours efficace électoralement parlant. La défaite de Valéry Giscard d’Estaing en 1981 en est un exemple parfait. Pareillement, et même s’il n’était pas Président, le Premier ministre Lionel Jospin pensait qu’en arrondissant les angles et en ne faisant de tort à personne, il serait élu sans difficulté à la Présidence de la République. Alors que cette période de croissance soutenue aurait pu permettre de baisser significativement les dépenses publiques sans heurt, il s’y est refusé. Cela ne l’a cependant pas empêché d’être battu dès le premier tour. Cet épisode malheureux pour le Premier ministre de l’époque confirme que, parfois, les calculs politiques qui relèguent au second rang les considérations économiques sont particulièrement contre-productifs.

Les mandats de Jacques Chirac sont évidemment un contre-exemple frappant de cette inefficacité de la politique politicienne. Et pour cause : après l’échec cuisant de la tentative de réforme des retraites en 1995, le Président Chirac a très vite compris que s’il voulait rester au pouvoir, il devrait se contenter de ne pas brusquer les Français dans leurs petites habitudes. La réforme des retraites qu’il finît par engager en 2003 n’était d’ailleurs qu’une réforme a minima qui tablait notamment sur économie française dynamisée durablement par une croissance économique de 3 % et un taux de chômage de 4,5 %. Devant une telle audace bien farfelue, il a donc fallu très logiquement engager une nouvelle réforme des retraites en 2010, qui est malheureusement tout aussi illusoire puisqu’elle table sur un taux de chômage compris entre 4,5 % et 7 % jusqu’en 2025…

Autrement dit, les Présidents changent mais les vieux reflexes conservateurs, c’est-à-dire immobilistes, ne changent pas. Certes, le Président Sarkozy vient d’annoncer qu’avant la fin de son mandat, il allait lancer deux chantiers majeurs sur le terrain économique. D’une part, la mise en place en 2012 d’un système d’assurance-dépendance pour les personnes âgées. D’autre part, la suppression probable du bouclier fiscal et de l’ISF, qui serait remplacé par un nouvel impôt sur les revenus et plus-values du patrimoine, dans le cadre d’une réforme de la fiscalité en juin 2011. Tout à fait louable, le premier dossier apparaît particulièrement épineux, dans la mesure où l’on ne sait absolument pas d’où viendront ses moyens de financement. Cependant, après le trou de la Sécu et celui des retraites, la France n’est plus à un trou près…

Parallèlement et à l’instar de la réforme des retraites, le deuxième chantier risque de faire couler beaucoup d’encre… pour rien. En effet, à quoi bon supprimer un impôt pour le remplacer instantanément par un autre ? On retrouve bien là l’un des principaux défauts des « élites » dirigeantes françaises : par peur de manquer de ressources, elles n’ont jamais réussi à baisser significativement la pression fiscale et encore moins les dépenses publiques. Dès lors, dans la mesure où ces dernières restent élevées et où le courage manque pour les réduire, toutes les réductions d’impôts doivent être compensées par des augmentations d’autres impôts. C’est exactement ce qui s’est déjà produit l’an passé avec la suppression de la taxe professionnelles qui a été plus que remplacée par la CET, qui aggrave d’ailleurs fortement la taxation des entreprises de services. On doit donc se préparer à une mesure similaire l’an prochain mais cette fois-ci pour les ménages : on enlèvera simplement à Paul pour donner à Pierre, ou réciproquement, l’essentiel étant que la puissance publique puisse toujours compter sur une pression fiscale forte pour assouvir ses besoins du quotidien. Et pour cause : les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 14,4 milliards d’euros en 2009 et de 87 milliards d’euros depuis 2002, soit des augmentations respectives de 4,1 % et 30 % en valeur et de 3,9 % et 17 % en volume (c’est-à-dire hors inflation).

C’est bien là le drame de la politique économique française depuis trente ans : les dépenses publiques et les impôts ne cessent d’augmenter (atteignant, en pourcentage du PIB, des sommets historiques et rarement dépassés à travers le monde), mais la croissance structurelle ne cesse de reculer. Et, malheureusement, tant que le cycle politique ou électoraliste l’emportera sur la réalité économique, rien ne changera. En d’autres termes, il n’y aura rien de nouveau sous le soleil français jusqu’en 2012. Le plus inquiétant c’est qu’après 2012, la France devra forcément faire un choix : si elle continue d’opter pour l’immobilisme ou pire pour l’augmentation des dépenses publiques, la note de sa dette publique sera forcément dégradée, avec toutes les conséquences catastrophiques que cela engendrera pour l’économie française et pour la stabilité de la zone euro. Nos dirigeants politiques devraient pourtant le savoir : tôt ou tard, il faut payer la facture…

Marc Touati