Fillon, Borloo : peu importe !

 

On l’annonçait sur le départ mais François Fillon a montré qu’il était bien là ! Ainsi, lors d’un discours devant un parterre de scientifiques le 3 novembre, il a réaffirmé en filigrane sa volonté de poursuivre l’action qu’il mène depuis plus de 3 ans à Matignon. Alors qu’il y a encore quelques jours, Jean-Louis Borloo était considéré à 99 % comme le futur locataire de la rue de Varenne, il n’en fallait pas moins pour relancer la course entre les deux hommes, voire inverser les pronostics.

 

En réalité, la « course » entre François Fillon et Jean-Louis Borloo ne constitue absolument pas un tournant essentiel du quinquennat et ne mérite vraiment pas tout le tapage médiatique actuel.

 

En effet, jusqu’à l’arrivée de Nicolas Sarkozy, le Premier ministre était en première ligne sous la Vième République, servant de paratonnerre au Président qui, prenant de la hauteur, se gardait bien de descendre dans l’arène. En d’autres termes, le Président de la République était responsable mais pas coupable donc intouchable. Aujourd’hui, la donne a complètement changé car c’est le Président qui est en première ligne et donc qui prend les coups. D’ailleurs, lors des récents mouvements sociaux contre la réforme du régime des retraites, les manifestants ne s’en prenait pas au Premier ministre ou au ministre concerné par la réforme mais bel et bien au Président lui même… Alors que sous Chirac, Villepin influença les choix du Président et que Raffarin servit de fusible, la question se pose de la valeur ajouté d’un Premier ministre alors que l’hyper présidence est érigée comme mode de gouvernance.

 

Comme si cela ne suffisait pas, Nicolas Sarkozy s’est doté d’un secrétaire général Claude Guéant dont le pouvoir et l’influence battent tous les records de la Vième République. En effet, Guéant est partout et contrôle tout, faisant office de Premier ministre bis. C’est d’ailleurs lui qui a récemment affirmé que le choix du futur Premier ministre n’était « pas tranché ». Matignon était jusqu’à présent une véritable « machine à broyer » les hommes et les ambitions, et telle une malédiction, il a toujours été impossible pour un Premier ministre en exercice d’accéder à l’Elysée. Hors, après plus de 3 ans passés rue de Varenne, le fait que François Fillon soit toujours debout est extrêmement révélateur de cette nouvelle donne.

 

Par extension, alors que l’on connaît plus ou moins les noms des ministres sortants (Morin, Kouchner …) les noms de leurs remplaçants – et le jeu de chaises musicale qui va bientôt avoir lieu – ne sont pas d’un grand intérêt. Nicolas Sarkozy, en grand professionnel de la politique qu’il est, a bien compris que la perception des choses est souvent bien plus importante que leur réalité, et il maîtrise parfaitement l’aspect marketing de l’exercice du pouvoir. Il prend de surcroît, comme le faisait François Mitterrand en son temps, un malin plaisir à faire mijoter les prétendants à Matignon ainsi que les différents ministres en exercice ou en devenir, en regardant tout ce beau monde transpirer ou encore mieux se « tirer dans les pattes ».

 

Dans ces conditions et alors que la France est au plus mal tant sur le plan économique que social, le choix d’un nouveau premier ministre n’aura jamais été aussi peu déterminant.

 

La phrase de la semaine :

« Si je devais ne pas être Premier ministre, je me considérerais comme maltraité, humilié. Comment le Président pourrait-il attirer l’électorat centriste qu’il aura humilié ? » de Jean Louis Borloo.

 

Jérôme Boué