Croissance US, Obama, Sterling : peut mieux faire… (E&S n°146)

 

Humeur :

Obamal en point.


Ah ! Qu’elle paraît loin l’euphorie du 4 novembre 2008 ! A l’époque, en élisant un Président métis à leur tête, les Américains montraient au monde que tout devenait possible. Après huit ans d’une présidence Bush qui a causé pas mal de dégâts tant d’un point de vue géopolitique qu’économique et quelques semaines après avoir plongé le monde dans une crise financière historique, les Etats-Unis réalisaient ainsi un virage à 180 degrés. Leur but était principalement de restaurer une image détériorée depuis plusieurs années et, dans le même temps, de retrouver leur rôle de locomotive économique, politique et morale du monde. Barack Obama devenait alors une sorte de « messie » qui allait résoudre tous les problèmes de l’Oncle Sam et, par la même occasion, une grande partie des maux de la planète.

Si, comme d’habitude, les Américains ont été maîtres dans l’art du marketing, leurs espoirs ont été plutôt déçus. Certes, le bilan de mi-mandat d’Obama est loin d’être catastrophique. En effet, la croissance américaine a redémarré et devrait désormais se stabiliser autour des 3 %. De même, la job machine s’est remise en marche et a créé 863 000 emplois nets depuis le début de l’année dans le secteur privé. Pourtant, si ces résultats sont plus que corrects, notamment comparés aux sombres prévisions annoncées par la plupart des économistes à travers le monde en 2009, ils restent également très limités par rapport à ceux qui s’observent habituellement dans une phase de reprise outre-Atlantique.

Cette contre-performance est d’autant plus dommageable, pour ne pas dire inquiétante, que les moyens de relance mis en œuvre ont été pharaoniques : plan de sauvetage des banques de 700 milliards de dollars, plan de relance de 800 milliards de dollars, taux directeurs de la Réserve fédérale américaine à 0 %, planche à billets pour 300 milliards de dollars… A l’évidence, une telle débauche de moyens tranche avec la faiblesse des résultats. En d’autres termes, la forte et légendaire réactivité des acteurs privés américains n’a pas été au rendez-vous. Dès lors, les plans de soutiens publics et monétaires à l’activité n’ont pas généré l’effet accélérateur attendu. Certes, l’investissement des entreprises a redémarré. De même, la consommation a retrouvé une croissance supérieure à 2 %. Mais de telles performances restent bien en deçà de celles observées lors des reprises précédentes et surtout bien inférieures aux espoirs mis dans la politique d’Obama.

Et c’est peut-être là que réside la principale raison du caractère mi-figue mi-raisin de la politique américaine récente : le Président a véhiculé trop d’espoirs. Or, ce dernier n’était malheureusement pas à la hauteur de ces derniers… Pis, il s’est vraisemblablement trompé dans l’analyse de sa victoire. En effet, si les Américains l’ont élu c’est surtout parce qu’ils en avaient assez d’être haïs par une grande partie du globe et parce que les conséquences dramatiques de la faillite sauvage de Lehman Brothers leur avait montré l’amateurisme de l’équipe Bush. Autrement dit, ils voulaient du changement et Obama tombait à pic. En revanche, ils n’ont pas élu ce dernier pour qu’il augmente massivement les dépenses publiques et accroisse fortement l’interventionnisme de l’Etat dans l’économie. Le peuple américain est effectivement attaché au libéralisme économique et surtout à la libre entreprise. A tel point que ce principe a été mentionné dans la Constitution des Etats-Unis.

Dès lors, tout interventionnisme public excessif est perçu comme une atteinte à cette liberté. De plus, sans être de grands devins, les Américains comprennent facilement qu’une augmentation des dépenses publiques et des déficits devra tôt ou tard être financée, c’est-à-dire compensée par un accroissement des impôts. C’est ce que l’on appelle l’équivalence ricardienne (qui tire son nom de l’économiste classique David Ricardo). Or, si la liberté d’entreprendre est limitée et que la pression fiscale risque d’augmenter, les entreprises et les ménages perdent confiance et restent attentistes. Les premières limitent alors leurs investissements, ce qui réduit mécaniquement l’emploi donc les revenus, tandis que les seconds augmentent leur épargne. Ces deux évolutions vont alors freiner mécaniquement la consommation, ce qui limitera encore l’investissement, donc les revenus, tout en accroissant encore l’épargne…

Dans ce cadre, le cercle vertueux de croissance investissement-emploi-consommation, qui a longtemps fait la gloire de l’Oncle Sam, est bridé, ce qui se traduit par la faiblesse actuelle de la reprise. En d’autres termes, en augmentant l’interventionnisme de l’Etat et en limitant le caractère accélérateur de sa relance, Obama a « européanisé » l’économie américaine. Or, comme l’ont montré les dix dernières années, l’Europe n’est absolument pas une « bête de croissance » mais plutôt un modèle de mollesse économique. Porté par sa victoire triomphale, Barack Obama a simplement oublié que les Américains n’étaient pas des Européens et que la force des Etats-Unis résidait justement dans sa réactivité, elle-même liée à un fort esprit d’initiative. Dès que ce dernier est freiné, toute la mécanique de la puissance américaine se grippe.

Voilà pourquoi, les Démocrates risquent de perdre massivement les élections de mi-mandat. Mais paradoxalement, cette défaite pourrait être une chance pour Obama. En effet, cette cohabitation va forcément freiner la « lutte contre le libéralisme ». Libérées de cette crainte, les entreprises vont alors pouvoir investir et embaucher davantage, ce qui permettra enfin d’actionner le cercle vertueux de croissance et de maintenir la progression du PIB américain autour des 3 %, tout en faisant baisser le chômage sous les 9 % dès le début 2011 et certainement sous les 8 % à l’automne 2012. Or, l’histoire américaine a montré qu’en phase de croissance soutenue et surtout de baisse du chômage, le Président en place est toujours réélu. C’est notamment ce qui s’est produit avec Ronald Reagan, Bill Clinton et Georges W. Bush. A l’inverse, en phase de crise et de chômage élevé, les Présidents Carter et Bush Père n’ont pas été réélus. En conclusion, la victoire probable des Républicains aux élections de mi-mandat pourrait permettre à Barack Obama d’être réélu en 2012… Ah ! Lorsque l’économique s’immisce dans le politique…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Croissance américaine : peut mieux faire.


Satisfaisant mais peut mieux faire. Telle pourrait être la synthèse des comptes nationaux américains du troisième trimestre.

En effet, avec une croissance de 2 % en rythme annualisé au troisième trimestre (après 1,7 % au deuxième), les Etats-Unis confirment qu’ils sont bien sortis de la crise économique mais que l’heure du dynamisme fort et durable n’a pas encore sonné.

Ce résultat en demi-teinte est d’ailleurs principalement dû à la baisse de 29,1 % de l’investissement logement. Après avoir rebondi de 25,7 % au deuxième trimestre et laissé croire que la crise immobilière était terminée, l’investissement des ménages montre ainsi que la situation reste très fragile et que toute remontée hâtive des taux d’intérêt pourrait susciter une rechute. De ce point de vue, il est donc possible de dire que, pour le moment, la Fed a raison de maintenir une politique monétaire extrêmement accommodante. De même, il faut noter que l’essentiel de la croissance du troisième trimestre s’explique par un fort restockage. Ainsi, hors stocks, la progression annualisée du PIB américain n’a été que de 0,6 %.

 

La consommation au plus haut depuis le troisième trimestre 2007

Sources : BEA, Datastream

Pour autant, il ne faudrait pas non plus dramatiser. Et pour cause : le glissement annuel du PIB atteint désormais 3,1 %, un plus haut depuis le troisième trimestre 2005. De même, la consommation des ménages a progressé de 2,6 % au troisième trimestre (+ 1.9 % en glissement annuel), sa meilleure performance depuis le troisième trimestre 2007. Mais surtout, l’investissement des entreprises a flambé de 9,7 % au troisième trimestre et de 12 % pour l’investissement en équipements et logiciels. Ce dernier enregistre ainsi sont sixième trimestre consécutif de hausse, progressant au total de 15.7 %.


L’investissement des entreprises est sur les rails

Sources : BEA, Datastream

Cette nette amélioration confirme donc que le cercle investissement-emploi-consommation est bien en marche, même si l’emploi continue de subir un léger retard à l’allumage.

En outre, il faut également souligner que la croissance du troisième trimestre a été grevée par la forte hausse des importations (+ 17,4 %), alors que les exportations n’ont augmenté que de 5 %. Cela signifie que la demande intérieure (c’est-à-dire le PIB hors commerce extérieur) a progressé de 3,9 % au troisième trimestre, après déjà 5,1 % au deuxième. Autrement dit, l’économie américaine retrouve ses vieilles habitudes d’une demande intérieure forte qui profite massivement aux importations. Le seul bémol réside dans le fait que les exportations ne parviennent pas à contrecarrer leur impact négatif sur le PIB. Dans ce cadre, les autorités américaines risquent de continuer leur « benign neglect » en matière de taux de change. Le dollar devrait donc rester faible pendant encore quelques mois au grand dam de l’Europe et du Japon.

En conclusion, la croissance américaine devrait demeurer confortable mais sans éclat. Compte tenu d’un acquis de 2,6 % au sortir du troisième trimestre et d’une progression annualisée de 3 % au quatrième trimestre, le PIB américain devrait croître de 2,8 % en moyenne sur l’année 2010, soit 0,2 point en deçà de son niveau structurel. Quant à 2011, la croissance devrait se stabiliser autour de 3 %, générant une baisse du chômage vers les 8 % fin 2011. Bien loin d’avoir atteint les objectifs annoncés et comme nous l’explicitons dans l’Humeur, l’économie américaine est donc à l’image de l’administration Obama : en manque de réactivité et de dynamisme.

 

Marc Touati



La météo économique de la semaine écoulée :

 

 


Les Marchés:

L’appréciation de la livre sterling va se poursuivre.


La publication des comptes nationaux du troisième trimestre au Royaume-Uni constitue une bonne surprise pour l’économie britannique.

Ainsi, après avoir augmenté de 1,2 % au deuxième trimestre, le PIB britannique a affiché une hausse de 0,8 % au troisième trimestre (contre 0,4 % prévu par le consensus). Le détail statistique révèle que le secteur de la construction, (en hausse de 4 %), a essentiellement soutenu la croissance et que l’ensemble des services (75% de l’économie) ont progressé de 0,6 %.

 

Mieux, le glissement annuel du PIB qui était de 1,7% au deuxième trimestre a atteint 2,8 % au T3 (contre 2,4 % prévu par le consensus), soit un plus haut depuis le troisième trimestre 2007.

Parallèlement, après avoir atteint 8 % en mars soit un plus haut depuis novembre 1996, le taux de chômage qui s’était stabilisé autour des 7,8 % a repris le chemin de la baisse en août pour atteindre un niveau de 7,70 % selon les statistiques du BIT. Il s’agit du taux de chômage le plus faible depuis mai 2009.

 

Une croissance soutenue et un chômage contenu.

Sources : UK ONS, Bloomberg

 

Il faut dire que le Royaume-Uni revient de loin. En effet, l’économie britannique quasi exclusivement liée à l’industrie financière a été frappée de plein fouet par la crise, plongeant ainsi le pays dans une récession sans précédent. Très réactifs, les Anglais ont pris le taureau par les cornes pour relancer progressivement leur économie, notamment grâce à un taux de base de la Banque d’Angleterre abaissé à 0,5 % dés le début 2009 générant une dépréciation de la livre sterling.

 

Après une année 2009 en dents de scie aboutissant à un niveau annuel moyen de 0,89 livre sterling pour un euro, il aura fallu attendre la crise grecque pour retrouver une tendance haussière de la devise britannique. Alors que depuis l’été 2010 et l’envolée de l’euro, la livre sterling était repartie à la baisse, le plan d’austérité drastique annoncé par la nouvelle équipe dirigeante à immédiatement fait rebondir la devise britannique qui se situe actuellement autour des 0,87 pour un euro.

 

Au regard des fondamentaux économiques, le mouvement d’appréciation de la livre sterling devrait s’accentuer dans les prochains mois.

 

Ainsi, il faut savoir qu’à l’inverse de la majorité des pays de la zone euro, le Royaume-Uni devrait être en mesure d’éviter une crise de la dette. En effet, dès 2010, la croissance en valeur générée par l’économie britannique devrait être supérieure à la charge des intérêts de la dette, soit 3,2 % contre 3%.

 

Vers une croissance d’au moins 3 % en 2010.

Sources : Markit, Bloomberg

 

De surcroît alors que l’inflation est de retour (3,3 % en moyenne sur 2010), la Banque d’Angleterre devrait rapidement remonter ses taux directeurs dès que la baisse du chômage sera significative, à savoir à partir du printemps 2011.

 

La hausse des taux en 2011 soutiendra la livre.

Sources : BoE, Bloomberg,

 

Dans ce cadre, sachant que la valeur d’une monnaie est conditionnée par les deux facteurs fondamentaux que sont les taux d’intérêt et la croissance économique, la livre sterling devrait continuer de s’apprécier pour atteindre 0,84 livre pour un euro dans trois mois et se stabiliser à 0,80 dans un an.

Jérôme Boué