Avant les grèves, les chefs d’entreprise français étaient sur un nuage…

 

C’est une véritable surprise : en octobre, l’indicateur du climat des affaires en France a gagné 3 points, passant de 101 à 104, contre une moyenne de long terme de 100. Cette amélioration notable s’observe dans tous les secteurs d’activité. Ainsi, que ce soit dans l’industrie ou les services, l’indice du climat des affaires passe au-dessus des 100 (qui représente la moyenne de long terme) pour la première fois depuis le printemps 2008 (à respectivement 104 et 101). Dans le commerce de détail, l’indicateur d’activité est encore plus impressionnant puisqu’il atteint 109, un plus haut depuis le début 2008.

Encore mieux, le détail des enquêtes indique que la plupart des indicateurs avancés sont au beau fixe. Dans l’industrie par exemple, les perspectives personnelles de production, qui présentent l’une des plus fortes corrélation avec la croissance à venir, sont passées de – 11 en juillet dernier à + 4 en septembre et + 16 en octobre, un sommet depuis avril 2008. Dans les services, les perspectives d’activité continuent d’augmenter et ne sont plus qu’à un point de leur niveau de long terme. Quant aux perspectives de ventes dans le commerce de détail, elles passent de – 4 en juillet à + 5 en septembre et + 10 en octobre, contre une moyenne de long terme de + 1.

En d’autres termes, il y a encore une dizaine de jours, lors de la réalisation de ces enquêtes, tout paraissait au mieux dans le meilleur des mondes et la France semblait enfin s’engager sur le chemin d’une reprise appréciable et durable. Malheureusement, depuis lors, deux phénomènes sont apparus et risquent de mettre à mal ce redressement. Il s’agit, d’une part, de la forte hausse de l’euro et, d’autre part, de la dégradation du climat social.

S’il est certainement encore trop tôt pour tirer des conséquences définitives de ce double dérapage, il est clair que la confiance risque de repartir en forte baisse dès la prochaine enquête de l’INSEE. En effet, au-delà du coût des blocages et du ralentissement de certaines activités, qui pourraient coûter de 0,1 à 0,2 point de PIB, les tensions sociales devraient surtout peser sur le moral des chefs d’entreprise. Or, sans confiance, la croissance ne fera pas long feu.

Pis, l’image internationale de la France commence déjà à souffrir, avec toutes les conséquences négatives que cela génère en termes d’investissements étrangers dans l’Hexagone. Lorsque l’on sait que 70 % de la dette publique française est détenue par des non-résidents, un prolongement et a fortiori une aggravation de la situation sociale pourraient susciter une fuite de capitaux conséquente, avec hausse des taux d’intérêt à la clé, donc moins de croissance, moins d’emplois, plus de déficits publics…

D’ailleurs, au-delà du satisfecit qu’elles procurent au premier regard, les enquêtes de l’INSEE d’octobre recèlent aussi quelques facteurs d’inquiétudes. Ainsi, dans l’industrie, les carnets de commandes globaux stagnent à – 23, soit 6 points au-dessous de leur niveau de long terme. De même, en dépit d’une activité favorable, les perspectives d’emploi dans le commerce de détail se replient à – 4, contre – 2 en septembre et une moyenne de – 1 depuis 1991. Enfin, le climat des affaires dans le bâtiment reste cinq points en deçà de sa moyenne de long terme.

Prolongeant ces bémols, les enquêtes des directeurs d’achat d’octobre font état d’un contexte de décélération. Dans l’industrie, l’indice synthétique est passé de 56 en septembre à 55,2. Dans les services, la baisse a été encore plus sévère : 55,3 en octobre contre 58,2 le mois précédent et encore 61,1 en juillet dernier.

En conclusion, l’amélioration du climat des affaires des enquêtes INSEE doit être relativisée et ne peut pas être extrapolée dans le temps. Non seulement parce qu’elle reste fragile, mais surtout parce que la hausse de l’euro et la dégradation du climat social devraient inverser rapidement et fortement la tendance. C’est vraiment dommage…

Marc Touati