Une rentrée chaude pour tout le monde.

 

Comme chaque année, la rentrée de septembre suscite toutes les inquiétudes. En effet, l’être humain est ainsi fait qu’il se pose en permanence des questions qui sont souvent sources d’appréhension. Ainsi, après le « break » de l’été, c’est traditionnellement le moment de remettre les pendules à l’heure et peut-être aussi de se remettre en question. Pour les enfants bien sûr qui se demandent à quelle sauce ils vont être mangés pendant leur année scolaire, mais aussi pour les adultes qui s’interrogent sur leur avenir personnel et professionnel, mais aussi sur celui de leur environnement. Face à ces inconnues, deux comportements sont possibles : soit l’enthousiasme du renouveau, soit la crainte d’un avenir difficile. Depuis trois ans et le début de la crise, il faut malheureusement reconnaître que c’est plutôt le second sentiment qui prédomine. Et ce, tant pour les Etats que pour les marchés, les entreprises ou encore les particuliers.

Cette année se situe peut-être encore un degré au-dessus sur l’échelle des inquiétudes, dans la mesure où après quasiment trois années de vaches maigres, les acteurs économiques de la planète se sont mis à croire à la reprise. Dès lors, une nouvelle déception pourrait replonger le monde économico-financier dans un accès de pessimisme auto-entretenu duquel il sera particulièrement difficile de sortir.

C’est sur ce retour en force du défaitisme que tablent les « Bearish » pour prendre leur revanche. En effet, après deux ans d’erreurs liées à un excès de pessimisme, les Cassandre ont repris du poil de la bête grâce à la crise grecque et ont retrouvé des ailes depuis la publication d’indicateurs faisant état du ralentissement de la croissance aux Etats-Unis et dans la zone euro. Dès lors, alors qu’il s’était fait oublié depuis plus d’un an, le spectre de la debt deflation est revenu hanter les esprits.

Le scénario du pire est malheureusement « bête et méchant » : en dépit des efforts de relance, les économies occidentales n’ont pas retrouvé durablement le chemin de la croissance et vont rapidement sombrer dans une nouvelle récession. Or, les marges de manœuvre budgétaires et monétaires ayant été épuisées, il ne sera plus possible de soutenir la machine économique qui s’installera donc dans une phase de longue déflation à la japonaise. Face à ce marasme, une grave crise sociale s’imposera rapidement, avec montée de l’insécurité et du banditisme à la clé. Pour essayer de stopper l’hémorragie, de nombreux pays laisseront alors filer encore leurs déficits budgétaires, arguant de la faiblesse des taux d’intérêt des obligations d’Etat.

Et c’est là que le piège se referme. Car, à l’image de la situation grecque, les investisseurs finiront par dire « non » au laxisme budgétaire, ce qui générera une subite flambée des taux d’intérêt des bons du Trésor, donc un krach obligataire massif pour les pays qui n’auront pas respecté un minimum de retenue. Parmi ceux-ci, il y aura notamment les pays du Sud de l’Europe et surtout la France, qui constitue, après l’Allemagne, le deuxième pilier de la zone euro. La crise redoublera alors d’intensité, devenant incontrôlable. Devant un tel drame et face à l’incapacité des gouvernements en place à redresser la barre, les populations commenceront à se révolter et la zone euro finira par éclater. Parachevant ce cataclysme, des situations de guérillas urbaines, voire de guerres civiles se multiplieront, si bien que seule l’armée pourra rétablir l’ordre.

Ouah ! A présent, réveillez-vous ! il ne s’agissait là que d’un cauchemar, qui constitue pourtant un rêve pour les Cassandre qui sévissent à travers la planète et en particulier dans l’Hexagone.

Certes, il ne faut pas non plus se voiler la face : ce scénario catastrophe est possible. Toutefois, il devrait encore être évité cette année. En effet, les craintes d’un « W » américain sont amplement exagérées. En fait, après la forte reprise de la fin 2009 et du début 2010, les Etats-Unis connaissent simplement un ralentissement logique. Il n’y a donc absolument pas de quoi paniquer. De même, si l’emploi reste encore décevant, il ne faut pas oublier que l’évolution de ce dernier est traditionnellement un indicateur retardé de l’activité. D’ailleurs, celui-ci a déjà redémarré au printemps et, après une pause estivale, devrait nettement progresser dans les prochains mois. Il ne s’agit donc que d’une question de temps.

Le seul bémol réside dans le fait que les investisseurs ne savent plus prendre le temps. D’où une fuite en avant perpétuelle qui fait que les marchés continueront de pratiquer le « stop and go ». En d’autres termes, ils continueront de passer d’une crainte de récession à un espoir de reprise durable en quelques jours. La volatilité restera donc particulièrement forte, mais la tendance demeurera haussière sur les marchés actions.

Après une rentrée chaude et difficile un peu partout à travers le monde tant sur le plan économico-financier que d’un point de vue social (notamment en France), l’automne et la fin 2010 devraient plutôt nous réserver de bonnes surprises. Les mouvements de baisse boursière doivent donc être appréhendés comme des phases d’opportunités qu’il ne faut surtout pas rater. Parallèlement, ceux qui resteront scotchés au pessimisme et n’investiront que dans des obligations d’Etat risquent de se réveiller avec la gueule de bois dans les prochains mois, c’est-à-dire lorsque les taux obligataires auront retrouvé des niveaux plus normaux, donc largement au-dessus des planchers actuels.

C’est d’ailleurs certainement là que se situe le véritable challenge de la rentrée : arrêter de suivre bêtement le consensus en ne regardant pas plus loin que le bout de son nez pour préférer se tourner vers l’avenir et investir sur un horizon élargi, tant d’un point de vue temporel que géographique et sectoriel. C’est tout le mal que nous pouvons vous souhaiter pour cette rentrée, qui sera donc mouvementée mais pleine d’opportunités.

Marc Touati