Croissance française : attention à l’arbre qui cache la forêt.

 

Dans la torpeur de l’été maussade, l’augmentation de 0,6 % du PIB français au deuxième trimestre a vraisemblablement de quoi redonner le sourire. Madame Lagarde parle même d’une croissance « magnifique ». Une fois encore, elle remplit donc parfaitement son rôle d’ambassadrice de la bonne santé économique française, en vraie championne du marketing, et comme elle le fait avec le sourire, on ne peut pas l’en blâmer.

Pour autant, même si nous sommes loin de sombrer dans le pessimisme invétéré (nous étions d’ailleurs parmi les rares à annoncer il y a plus d’un an la petite reprise de l’économie française et européenne pour la fin 2009 et le début 2010), il est également de notre devoir de dire la vérité et, dans le cas présent, de souligner la fragilité de la reprise française. Certes, le rebond du deuxième trimestre constitue une « bonne nouvelle ». Et ce, d’autant que cette augmentation s’explique en partie par une progression de 0,4 % de la consommation des ménages, qui efface donc sa stagnation du premier trimestre. En outre, après huit trimestres consécutifs de baisse, l’investissement a enfin retrouvé le chemin de la hausse. Celui des entreprises a ainsi augmenté de 1,1 % et celui des ménages de 0,1 %.

Cependant, à l’instar du ciel parisien qui ne laisse percer le soleil que quelques minutes par jour pour finalement se laisser envahir par les nuages, les bonnes nouvelles des comptes nationaux du deuxième trimestre s’arrêtent là. Ainsi, même si la remontée de l’investissement reste sans conteste une bonne nouvelle, elle demeure très limitée par rapport au plongeon des trimestres précédents, à savoir – 12,5 % pour l’investissement des entreprises et – 14,3 % pour celui des ménages. Autrement dit, au rythme actuel de la reprise, l’investissement hexagonal mettra environ cinq ans avant de retrouver son niveau d’avant crise.

De plus, il faut également souligner que l’augmentation de la consommation et celle de l’investissement ont été largement absorbées par la flambée de 4,2 % des importations. Cela signifie donc que la petite reprise hexagonale profite pour le moment davantage à nos partenaires internationaux. A l’inverse, en dépit du fort redémarrage de la croissance mondiale, les exportations françaises n’ont progressé que de 2,7 % au deuxième trimestre. Dans ce cadre, le commerce extérieur a retiré 0,4 point à la progression du PIB français.

Et c’est là que s’écroule définitivement l’arbre qui cache la forêt de l’apparente bonne performance du PIB hexagonal du deuxième trimestre. En effet, la progression de ce dernier s’explique exclusivement par la forte remontée des stocks, qui lui ont apporté 0,6 point. Ainsi, hors stocks, le PIB français a enregistré une croissance zéro au deuxième trimestre ! A l’évidence, il n’y a donc pas de quoi pavoiser.

Et ce d’autant que pour les prochains trimestres, la consommation des ménages semble marquer le pas, que la reprise de l’investissement demeure très fragile et que la remontée de l’euro pourrait peser négativement sur notre commerce extérieur. Dans ce cadre, un ralentissement de la croissance devrait s’observer au cours du second semestre 2010.

Dès lors, même si l’acquis de croissance pour cette année atteint déjà 1,2 %, une performance annuelle inférieure à 2 % devrait s’observer. Selon nos estimations, cette croissance atteindra environ 1,7 %. Ce qui n’est donc pas si mal, mais reste très loin d’un fort rebond. Faute de grives on mange des merles…

 

Marc Touati