Emploi US, Marchés boursiers, Japon : pas d’affolement. (E&S n°133)

 

Humeur :

Les marchés aiment se faire peur…


Décidément, la peur reste accrochée aux marchés comme une arapède à un rocher. Certes, compte tenu de l’ampleur de la crise économico-financière de 2007-2009, cette psychose peut se comprendre. Pourtant, depuis le printemps 2009, puis le redémarrage de l’économie mondiale, non-anticipé par 90 % des économistes à travers la planète, l’espoir était revenu. L’évitement du scénario catastrophe tant annoncé et le retour en grâce de la croissance avaient alors permis aux principaux indices boursiers internationaux de gagner environ 50 % en neuf mois. Si bien que les Cassandre et autres Bearish avaient quasiment disparu de la circulation. Malheureusement, la crise grecque, puis son dérapage incontrôlé et enfin sa transformation en une « crise existentielle » de la zone euro ont relancé la vague de terreur à travers la planète. Dès lors, toute statistique inférieure aux attentes, la moindre tension géopolitique, ou encore les déclarations décalées des dirigeants internationaux (et elles sont ô combien nombreuses) sont montées en épingle et utilisées pour justifier un mouvement de baisse des marchés boursiers.

La semaine écoulée constitue un exemple éloquent de cette fragilité aggravée. Tout a commencé avec la révision baissière d’un indicateur calculé par le Conference Board et censé anticiper la croissance chinoise. Oubliant que cet indicateur ne dispose d’aucune valeur prédictive sur l’économie chinoise, les marchés se sont alors emballés et certaines Cassandre sont montées au créneau pour annoncer l’écroulement de la croissance dans l’Empire du Milieu. Dire qu’il y a à peine quelques mois, ces mêmes Cassandre annonçaient que la Chine était au bord de la surchauffe et que l’hyperinflation allait s’y imposer avant de se répandre à travers le monde ! Heureusement pour eux que le ridicule ne tue pas… Il faut donc arrêter de dire tout et son contraire à quelques semaines d’intervalle au gré de publications statistiques qui sont d’ailleurs loin d’être fiables.

Et quand bien même la Chine connaîtrait une crise (à ce sujet, n’oublions pas que les crises sont inévitables et font tout simplement partie de la vie économique), il faut rappeler qu’elle dispose de deux airbags déterminants. D’une part, une dette publique de seulement 18 % du PIB, ce qui lui permettrait d’actionner l’arme budgétaire sans difficulté en cas de besoin. D’autre part, avant d’avoir recours à cette arme, la Chine dispose de 2 500 milliards de dollars de réserves de changes, c’est-à-dire plus que le PIB français. Comme chacun sait, ces réserves de changes se situent à l’actif du bilan de la Banque Centrale. Elles sont donc immédiatement disponibles et sans frais. L’an passé, la Chine en a d’ailleurs utilisé 300 milliards de dollars pour éviter un trop fort ralentissement. Deux enseignements en découlent. Primo, si cette aide n’avait pas été utilisée, les réserves de changes chinoises avoisineraient les 2 800 milliards de dollars. Secundo, cette stratégie a été efficace, puisque la croissance a atteint 12 % dès le premier trimestre 2010.

Il faut donc arrêter de se faire peur sur la Chine. Nous devrions plutôt nous inquiéter de son pragmatisme et de sa vigueur économique. Car, si après avoir flambé depuis l’été 2009, la croissance chinoise va forcément ralentir, cette décélération sera non seulement la bienvenue pour éviter la surchauffe, mais elle permettra également à la progression du PIB chinois de se stabiliser autour des 10 % au moins jusqu’en 2012.

Voyant donc très vite que le tuyau de la crise chinoise était percé et surtout peu crédible, les Cassandre se sont alors tournées vers l’Oncle Sam. Et cela tombait bien, puisqu’après avoir essuyé quelques revers sur le front de l’activité dans la construction immobilière, l’économie américaine doit désormais faire face à une baisse conséquente de la confiance des ménages. C’est du moins ce qu’indique l’indicateur correspondant calculé par le Conference Board (encore lui !). Il faut reconnaître que, cette fois-ci, le calcul de l’indice est plus crédible que dans le cas chinois. Dès lors, la baisse de quasiment dix points sur un mois semble sonner le glas de la résistance de la consommation américaine. Cette triste anticipation oublie néanmoins que les autres indicateurs avancés de la croissance des Etats-Unis, notamment ceux des directeurs d’achat, demeurent en phase avec une augmentation du PIB d’au moins 3,5 % cette année.

Devant la probable résistance des économies chinoise et américaine, les Cassandre ont alors dû se tourner vers un pari moins risqué : la zone euro. Et, là, bingo ! Car si la peur a du mal à prendre le dessus en Chine et aux Etats-Unis, elle est une seconde nature sur le Vieux Continent. L’origine de la crainte de la semaine était simple : la « facilité de caisse » octroyée par la BCE aux banques eurolandaises qui prenait fin le 1er juillet 2010. Et, comme la BCE a pris la mauvaise habitude de mettre de l’huile sur le feu, la tentation de croire au scénario du pire devenait facile. D’autant plus que la crise de la dette publique eurolandaise est toujours loin d’être résolue.

Fort heureusement, devant l’ampleur de la menace, la BCE a prolongé son aide aux banques eurolandaises, apaisant les pressions baissières qui s’exercent sur les marchés. Mais que l’on ne s’y trompe pas : cet apaisement est temporaire. Le seul moyen de sortir de l’ornière sera de restaurer durablement la croissance. Or, cette dernière avoisinera les 4 % au niveau mondial tant en 2010 qu’en 2011. Et ce, en particulier grâce à la bonne tenue de l’économie outre-Atlantique, en Asie et dans l’ensemble du monde émergent. En revanche, et comme d’habitude, la zone euro restera la lanterne rouge de cette reprise. C’est d’ailleurs ce qui ressort du dernier sommet du G20 au cours duquel les principales puissances de la planète ont compris que la rigueur budgétaire devait être efficace et ne surtout pas casser le redémarrage. Toutes sauf évidemment celles de la zone euro, qui risquent, une fois encore, de sacrifier la croissance sur l’autel du dogmatisme. Seule issue de secours : la baisse de l’euro induite par le comportement des dirigeants eurolandais permettra de soutenir l’activité et de limiter les impacts négatifs de la rigueur.

Au total et en dépit de leur facilité à se faire peur, les marchés boursiers devraient rester sur une tendance haussière au moins jusqu’en 2012. Cependant, ils resteront fragiles et volatils, car, pour limiter leur progression, les Cassandre pourront toujours compter sur des alliés indéfectibles, en l’occurrence les « dirigeants » politiques et monétaires de la zone euro.

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Etats-Unis : le taux de chômage poursuit sa baisse.


Le rapport sur l’emploi américain du mois de juin constitue la réciproque de celui du mois de mai. En effet, il y a un mois, les marchés s’étaient mis à croire à des créations d’emplois pharaoniques de plus de 500 000 personnes pour le mois de mai, notamment grâce aux emplois publics créés par le recensement. Dès lors, l’annonce de « seulement » 433 000 créations d’emplois nets avait généré une forte déception avec un fort plongeon des indices boursiers à la clé.

Aujourd’hui, la situation s’est inversée : affectés par le retour d’un pessimisme excessif (cf. l’Humeur), les marchés s’étaient mis à craindre le pire, anticipant de fortes destructions d’emplois et une hausse du taux de chômage pour le mois de juin. Les Cassandre se préparaient donc à sabrer le champagne. Mais, à leur grand désarroi, le rapport sur l’emploi de juin a été bien moins mauvais qu’annoncé par le consensus.

En effet, après avoir déjà perdu 0,2 point en mai, le taux de chômage en a encore abandonné autant en juin. Avec un niveau de 9,5 %, il réalise ainsi une baisse de 0,6 point depuis le sommet d’octobre 2009 et atteint désormais un plus bas depuis juillet 2009.

Un taux de chômage de 9,5 % en juin et beaucoup moins dans les prochains mois.

Mieux, compte tenu d’une croissance stabilisée entre 3 et 3,5 %, le taux de chômage américain devrait passer sous les 9 % d’ici le début 2011.

Certes, il y a tout de même eu 125 000 destructions d’emplois en juin. Cependant, celles-ci sont exclusivement dues à un mouvement de rattrapage de la hausse des emplois publics de mai. Ainsi, en juin, le secteur public a détruit 208 000 emplois nets.

A l’inverse, l’emploi du secteur privé a enregistré son sixième mois consécutif de hausse. Après avoir fortement ralenti à 33 000 en mai, les créations d’emplois privés sont même reparties à la hausse, atteignant 83 000 personnes en juin. Si ces chiffres ne sont pas mirobolants, ils confirment néanmoins que la job machine américaine est bien en marche. D’ailleurs, sur les six premiers mois de l’année, celle-ci a créé 882 000 emplois nets, dont 593 000 dans le seul secteur privé. L’effet multiplicateur de la relance budgétaire qui veut que les dépenses publiques se multiplient en davantage d’investissements et d’emplois privés a donc bien fonctionné.

Il faut d’ailleurs également noter que, sur les six premiers mois de l’année 2010, 811 000 emplois nets ont été créés dans les services et 136 000 dans l’industrie manufacturière. Malheureusement, le secteur où la crise a commencé, à savoir la construction, a continué de détruire des emplois : 114 000 depuis le début 2010, soit un total de 2,137 millions depuis janvier 2007. De quoi rappeler que l’économie américaine continue de payer par là où elle a péché.

En revanche, la rédemption est bien à l’ordre du jour dans l’industrie et les services. En dépit d’une légère baisse en juin, l’indice « emploi » de l’enquête ISM dans l’industrie manufacturière montre d’ailleurs que les créations d’emplois vont rester soutenues dans les prochains mois. Et il en est de même dans les services (même si l’enquête de juin ne sera connue que lundi 5).

Après avoir déjà atteint – 0,1 % en juin (un plus haut depuis mai 2008), le glissement annuel de l’emploi devrait dépasser tranquillement les + 1 % d’ici la fin 2010. Pour parvenir à un tel résultat, la job machine américaine devra créer 800 000 emplois nets à l’horizon de décembre prochain.

Autrement dit, si la reprise de l’emploi reste très progressive, ce qui est d’ailleurs tout à fait normal compte tenu de la gravité de la crise, elle demeure ancrée dans la réalité économique des Etats-Unis.

La réserve de créations d’emplois reste forte au moins jusqu’à la fin 2010.

Sources : BLS, ISM, Datastream

Bien entendu, la baisse de l’indice ISM des directeurs d’achat dans l’industrie manufacturière en juin n’est pas une bonne nouvelle. Néanmoins, compte tenu de la très forte augmentation depuis un an et de l’atteinte récente de niveaux exceptionnellement élevés, un repli correctif était devenu inévitable. Il s’est donc produit en juin, mais est loin d’être catastrophique.

Ainsi, l’indice synthétique est passé de 59,7 à 56,2, ce qui reste un niveau toujours très appréciable et en phase avec une croissance économique globale d’environ 3 %.

Un ralentissement logique.

Sources : ISM, Federal Reserve, Datastream

De même, comme le montre le graphique ci-dessus, le recul de l’indice « production » à 61,4 en juin reste tout à fait compatible avec un glissement annuel de la production industrielle proche de 6 %. Nous sommes donc très loin de l’effondrement.


Les pressions inflationnistes repartent à la baisse.

Sources : ISM, BLS, Datastream

Et ce, d’autant que l’indice « prix » de cette même enquête ISM a chuté de 20,5 points sur le seul mois de juin. Autrement dit, l’inflation est largement sous contrôle et devrait permettre de garantir un pouvoir d’achat appréciable et une sérénité prolongée de la Fed. Deux évolutions qui assureront une croissance américaine stabilisée autour des 3 %.

3 à 3,5 % de croissance, un taux de chômage sous les 9 % et une inflation sous les 2 %. Tel devrait être le visage de l’économie américaine d’ici la fin 2010 et au moins jusqu’en 2011. A l’évidence, il n’y a pas de quoi affoler les marchés…

Marc Touati

 



La météo économique de la semaine écoulée :

 

 


 

Les Marchés :

Le Japon se reprend, mais le yen reste pénalisant.


Après avoir fortement souffert en 2009, l’économie Japonaise retrouve enfin des couleurs.

Ainsi, après quatre trimestres consécutifs de baisse, dont une chute historique de 4,2 % (T1 09), le PIB nippon a retrouvé le chemin de la hausse, pour afficher une croissance de 1,2 % au premier trimestre 2010. Mieux, après sept trimestres consécutifs dans le rouge, le glissement annuel du PIB a atteint + 4.6 % (T1 10), soit un plus haut depuis le premier trimestre 1991. Ainsi, au premier trimestre 2010, l’acquis de croissance du PIB atteint désormais 2,6 %.

Il ne faut cependant pas surestimer le rebond de l’économie nipponne qui demeure essentiellement technique puisqu’il corrige les faiblesses de l’activité de ces dernières années.

Les dernières enquêtes Tankan dans l’industrie et dans les services confirment d’ailleurs que si la reprise est bien là, elle reste limitée. Ainsi après un plus bas à -58 (T1 09) l’indice Tankan dans l’industrie se redresse progressivement pour redevenir positif en juin et ce pour la première fois depuis tout juste un an. Néanmoins, comme le montre le graphique ci-dessous, ce niveau est en phase avec un glissement annuel du PIB de seulement 1 %.

L’économie japonaise retrouve des couleurs

Sources : Tankan, BoJ, Datastream

De plus, la production industrielle de l’Empire du soleil levant qui a progressé de 7 % au premier trimestre dont 4,3% pour le seul mois de janvier, confirme également ce rebond. Malgré une petite baisse de 0,1 % en mai, faisant suite à une progression de 1,3 % en avril, la production industrielle nipponne affiche en mai un glissement annuel de 20,2 %.

Toutefois l’économie nippone reste toujours handicapée par un yen surévalué. En effet, le niveau d’équilibre de la devise japonaise est d’environ 115 yens pour un dollar selon la parité des pouvoirs d’achat, et de 120 selon le Natrex. Ainsi, avec une mo