Humeur :
Crise européenne : Les dieux sont tombés sur la dette…
Face à la débandade que subit aujourd’hui la zone euro, deux questions s’imposent : comment en est-on arrivé là ? Et comment va-t-on en sortir ? Dans les deux cas, la réponse est malheureusement simple : tout est lié à l’incompétence ou non des dirigeants de la zone euro. Ainsi, au-delà du cas grec, la crise actuelle n’est que la conséquence des multiples et répétitives erreurs de gouvernance de la zone euro.
D’ailleurs, avant même la création de l’Union Economique et Monétaire (UEM) le 1er janvier 1999, le ver était déjà dans le fruit. En effet, il était d’ores et déjà clair que la zone euro ne pourrait fonctionner qu’en devenant une zone monétaire optimale (ZMO), c’est-à-dire une zone parfaitement intégrée entre des pays économiquement très proches. Autrement dit, une zone trop large était inévitablement vouée à l’échec. C’est pourtant cette option qui a été choisie. Conscients de l’aspect bancal de l’UEM, les dirigeants européens ont néanmoins imposé certains critères pour faire partie du club : un déficit public inférieur à 3 % du PIB, une dette publique sous les 60 % du PIB, une inflation limitée, des taux longs contenus et une appartenance d’au moins deux ans au Système Monétaire Européen. Mais là aussi, nouvelle erreur : les critères de convergence sont uniquement des variables nominales et ne reflètent que très peu l’économie réelle des pays concernés (par exemple le PIB par habitant, le taux de chômage…). De plus, bien loin d’être strict dans la lecture des critères, de nombreux pays ont été intégrés dans la zone euro, alors qu’ils ne respectaient pas certaines règles, et notamment celle de la dette publique. Ainsi, en 1998, au moment du choix des pays destinés à entrer dans le premier wagon de la zone euro, seuls le Luxembourg, l’Irlande,
Balayant de la main cet argument irréfutable de la nécessité d’une zone monétaire optimale, les dirigeants européens ont alors inventé un nouveau subterfuge : le pacte de stabilité et de croissance. Ce dernier était censé imposer aux pays de l’UEM de respecter les critères de finances publiques, sous peine de représailles financières. Mais, une fois encore, la règle ne sera jamais appliquée, si bien que de plus en plus de pays de la zone vont prolonger voire accélérer leur laxisme budgétaire. Ils auraient d’ailleurs eu tort de s’en priver : ils bénéficiaient de taux d’intérêt obligataires bas grâce à leur appartenance à la zone euro et ce, sans faire de réformes, notamment en matière d’efficacité de leurs dépenses publiques.
Mais si, de tels dérapages peuvent encore passer inaperçus en phase de croissance, même molle, ils deviennent insupportables en période de crise. Avec la récession de 2008-2009, la prophétie de Milton Friedman selon laquelle, en l’absence de ZMO, la zone euro ne survivrait pas à sa première grave crise est donc logiquement revenue sur le devant de la scène. Et, une fois encore, alors qu’il aurait été possible d’éviter le pire, les dirigeants de la zone euro vont provoquer l’irréparable. Ainsi, dès la fin 2007 et surtout en 2008, ces derniers se sont félicités de la force de l’euro/dollar et l’ont même l’alimentée. Alors que la récession s’installe dès le deuxième trimestre 2008,
Prolongeant le massacre et alors que la crise mondiale bat son plein,
Mais, comme si toutes ces erreurs ne suffisaient pas, ils ont ajouté la « cerise grecque » sur le gâteau. En effet, au lieu de faire front commun et de montrer au monde le caractère indéfectible de la solidarité eurolandaise, ils ont laissé
Dans ce cadre, la seule solution à cette crise réside dans l’inversion de toutes ces erreurs. Pour ce faire, les dirigeants eurolandais doivent monter au créneau de façon concertée en déclarant au monde que la zone euro est inaliénable. Ils doivent également s’engager à restaurer la croissance et à utiliser tous les moyens possibles pour y parvenir. La politique budgétaire doit donc réduire ses nombreuses poches d’inefficacité, notamment en diminuant les dépenses de fonctionnement.
Dès lors,
Marc Touati
Quid de l’économie cette semaine ?
L’Oncle Sam en pleine forme.
Pendant que la zone euro continue de souffrir tant d’un point de vue économique que politique, l’économie américaine s’installe sur le chemin d’une croissance soutenue et d’un emploi dynamique.
Ainsi, après avoir créé 230 000 emplois en mars (contre 162 000 annoncés initialement) la job machine américaine passe à la vitesse supérieure affichant 290 000 créations emplois en avril, soit sa meilleur performance depuis mars 2006.
Parallèlement le secteur manufacturier enregistre son quatrième mois de créations d’emplois avec 44 000 postes en avril soit un plus haut depuis août 1998.
Comme nous l’avions annoncé dans nos colonnes, les créations d’emplois dans les services flambent. En effet après avoir généré 119 000 emplois en mars, les services ont créés 166 000 emplois en avril, soit leur meilleure performance depuis novembre 2006. Et ce notamment grâce aux services aux entreprises qui ont créés 80 000 emplois en avril.
Par ailleurs le commerce de détail confirme sa bonne tenue puisqu’il affiche 12 000 créations d’emplois en avril après en avoir généré 15 000 en mars.
Bien au delà des prévisions du consensus qui attendait 190 000 créations d’emplois dont 20 000 dans le secteur manufacturier, la performance de la job machine américaine nous prouve que l’on est bien loin de la jobless recovery annoncée par beaucoup.
Une petite ombre au tableau subsiste toutefois puisque après s’être stabilisé au niveau de 9,7 % depuis le mois de janvier le taux de chômage repart à la hausse pour atteindre 9,9 %. Cependant alors nous anticipons une croissance du PIB américain de 3,5 % en moyenne annuelle en 2010 le taux chômage devrait retomber au niveau de 9,2 % cette année.
Par ailleurs après avoir régressé en mars les salaires horaires affichent une croissance nulle en avril et progressent de 1,6% sur un an.
Enfin il faut souligner que le nombre d’heures travaillées par semaine continue de progresser à 34,1 soit un plus haut depuis janvier 2009.
En conclusion ces chiffres nous confirment que le marché du travail américain est bien sur la voie de la reprise forte et durable. Cette reprise va d’ailleurs s’intensifier dans les prochains mois comme l’indique la bonne tenue des indices «emploi» des enquêtes ISM des directeurs d’achat dans l’industrie et dans les services.
Créations d’emplois : ce n’est qu’un début
Sources : Bloomberg, ISM, BEA
De plus, après la forte augmentation du PIB depuis trois trimestres, les enquêtes ISM des directeurs d’achat dans l’industrie et les services ont continué de s’améliorer.
Certes, dans les services, l’indice synthétique a stagné en avril. Cependant, avec un niveau de 55,4, il reste en phase avec une progression du PIB d’environ 3,5 %.
Mieux, en dépit des sommets déjà atteints au cours des derniers mois, l’indice ISM dans l’industrie manufacturière a encore progressé pour atteindre un niveau de 60,4, un plus haut depuis avril 2004. Un tel sommet laisse imaginer un glissement annuel du PIB supérieur à 4 % dans les tous prochains mois.
Croissance forte : Et ça continue…
Sources : Bloomberg, ISM, BEA
En outre, l’indice ISM relatif aux commandes, c’est-à-dire l’un des meilleurs indicateurs avancés de l’investissement des entreprises, a atteint un niveau de 65,7. Cette évolution laisse envisager qu’après avoir atteint 6,9 % au premier trimestre 2010, le glissement annuel de l’investissement devrait s’installer au-dessus des 10 % au moins jusqu’à la fin 2010.
Déjà en forte reprise, l’investissement des entreprises devrait encore fortement progresser.
Sources : ISM, Datastream
Autrement dit, le cercle vertueux investissement-emploi-consommation est non seulement déjà en marche et devrait s’intensifier au cours des prochains trimestres.
Marc Touati et Jérôme Boué
La météo économique de la semaine écoulée :
Les Marchés :
L’euro/dollar à la cave.
Certains (notamment ceux qui n’ont pas cessé d’annoncer l’effondrement du dollar face à l’euro pour 2010, et ils étaient encore très nombreux il y a tout juste quelques semaines) s’offusquent de la baisse de l’euro. Pourtant, cette dernière est certainement la seule bonne nouvelle de la crise grecque.
En effet, nous aurions pu bénéficier de cet euro moins fort il y a déjà un an. Malheureusement, le refus de
La dérive de l’euro…
Sources : Bloomberg, Global Equities
Il aura donc fallu attendre une crise eurolandaise sans précédent pour obtenir l’inévitable, à savoir un euro sous les 1,30 dollar.
Autrement dit, la baisse de l’euro aurait pu être obtenue dans la douceur, mais à cause du dogmatisme et de l’incompétence de nos dirigeants politiques et monétaires, elle s’est produite dans la douleur.
Depuis 2008, l’euro fort tranche avec la faiblesse économique.
Sources : Bloomberg, Eurostat, Datastream
Cette dépréciation devrait d’ailleurs se poursuivre dans les prochains mois, jusqu’à un niveau de 1,20 dollar selon nos prévisions. Ce palier serait idéal puisqu’il constitue le niveau d’équilibre de l’euro/dollar selon la théorie du Natrex (taux de change naturel en fonction des fondamentaux économiques que sont la croissance, l’inflation, l’épargne, le solde de la balance courante).
L’euro/dollar revient enfin vers des niveaux normaux.
Sources : Bloomberg, Calculs Global Equities
Pour les plus « gourmands », on pourrait également évoquer le niveau de la parité des pouvoirs d’achat qui se situe autour des 1,15 dollar pour un euro.
- Crise européenne : Les dieux sont tombés sur la dette…
- La zone euro est sauvée, ou presque…