France, Zone euro, Matières premières : Attention danger… (E&S n°121)

Humeur :

Les réformes ou la révolution ?


C’est bien connu : les Français ne savent pas faire des réformes, mais seulement des révolutions. C’est en défendant cet adage d’un autre temps que, depuis trois décennies, les différents gouvernements de l’Hexagone ont refusé d’engager la réforme en profondeur et la modernisation de nos structures économiques. Il est vrai que, pour les inciter à ne rien faire, ils étaient également aidés par le fameux cycle électoral et la succession infernale des diverses élections. Ainsi, que ce soient les conseillers en tout genre, les sondages ou tout simplement la volonté effrénée d’être réélus, il y avait toujours une bonne raison pour ne pas brusquer les Français et pour continuer de leur laisser croire que tout finirait par s’arranger en augmentant les dépenses publiques.

Pourtant cette stratégie électoraliste du court-termisme et, disons-le, de l’irresponsabilité, a souvent connu des échecs cuisants, non seulement en termes d’efficacité économique, mais également en matière de politique politicienne. Ainsi, l’abandon par le gouvernement Juppé de la réforme des retraites en 1995 n’a pas empêché le parti du Président Chirac de perdre les élections législatives en 1997. De même, le refus du gouvernement Jospin d’utiliser la croissance forte des années 1998-2000 pour retrouver un équilibre budgétaire, mais au contraire de dépenser la soi-disant « cagnotte » n’a pas empêché Lionel Jospin d’être battu dès le premier tour des élections présidentielles un fameux 21 avril 2002…

Plus proche de nous, l’absence de rupture économique pourtant promise pendant la campagne présidentielle 2007 n’a pas permis à l’UMP d’éviter l’effondrement aux élections régionales 2010. Si bien que, comme cela avait d’ailleurs déjà été annoncé avant même le scrutin, les réformes sont d’ores et déjà enterrées. Et pour cause : si ces dernières n’ont pas été menées dans les six mois suivant la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007 et alors que la cote de popularité de ce dernier était au plus haut, il n’y a pas de raison qu’elles le soient aujourd’hui, au lendemain d’une défaite majeure et alors que le Président n’a jamais été aussi bas dans les sondages.

Bien entendu, la crise pourrait constituer une circonstance atténuante. Mais c’est bien là le problème : il y a toujours des « bonnes » raisons pour retarder les réformes. A la décharge du Président et du gouvernement Fillon, il faut aussi reconnaître que certaines réformettes ont été menées ici ou là, mais rien à voir cependant avec la rupture annoncée.

A force de vouloir faire plaisir à tout le monde, l’actuelle majorité a donc réussi à ne satisfaire personne. Son électorat de base est évidemment déçu par l’absence de rupture et son électorat ponctuel n’a pas adhéré au peu de réformes qui ont été pratiquées. Quant à ceux qui étaient déjà dans l’opposition en 2007, ce n’est certainement pas l’absence de rupture qui les a fait changer de camp.

Dès lors, les élections régionales sont venues confirmer qu’une large majorité des Français ne voulait plus des réformes prônées par Nicolas Sarkozy. Le problème est que, sur la scène internationale, la France s’était justement engagée à les mener au plus vite, de manière à se mettre à niveau vis-à-vis des pays qui les ont déjà mis en place, à commencer par l’Allemagne. Autrement dit, l’écart qui existe déjà entre la rigueur et la volonté de modernité des Allemands et le laxisme budgétaire des Français risque de se creuser davantage.

Certes, diront certains, les Français ne sont pas les seuls à vouloir augmenter les dépenses publiques. La preuve : le gouvernement Obama a réussi à faire passer sa réforme de l’assurance sociale qui va mécaniquement se traduire par une augmentation du rôle de l’Etat dans l’économie. La nuance entre la situation américaine et celle de l’Hexagone est néanmoins de taille : avant la crise, la part des dépenses publiques dans le PIB n’était que de 35 % outre-Atlantique, contre déjà 54 % en France. A partir de 2010, cette part devrait donc être portée aux alentours des 45 %, ce qui restera donc toujours largement inférieur aux 57 % que nous avons certainement atteints en 2009.

D’où une question : comment va-t-on pouvoir continuer à faire financer 57 % du PIB de dépenses publiques par les 43 % restant dans le secteur privé ? Quatre réponses sont possibles : augmenter les impôts, réduire les dépenses, accroître le déficit ou favoriser la croissance. Dans la mesure où les Français ont clairement voté pour des Présidents de régions qui n’ont cessé d’augmenter les dépenses publiques, ils ont donc implicitement donné un blanc seing à leurs dirigeants régionaux pour continuer d’augmenter les impôts.

Aussi, il faut être clair : si ce choix d’alourdissement de la pression fiscale est également favorisé au niveau national, les conséquences seront particulièrement lourdes : déjà fragile, la croissance sera encore diminuée, les fuites de capitaux et de cerveaux seront augmentées. D’où une augmentation des déficits publics, donc plus de dette, des taux d’intérêt en hausse, puis moins de croissance, plus de déficit…

Autant d’évolutions qui ne manqueront pas d’aggraver le chômage et de susciter une crise sociale, voire une révolution, qui imposera alors aux dirigeants du pays, quels qu’ils soient, d’engager enfin ce dernier dans une véritable rupture. Nous y voilà donc : toutes les erreurs pour ne pas dire les errements politiques que nous subissons depuis trente ans approchent de leur but : la révolution, qui constituerait donc le seul moyen de réformer en profondeur le pays.

Seul hic, mais il est de taille : une révolution, on sait quand elle commence, mais on ne sait pas quand et surtout comment elle se termine. Plutôt que d’en arriver là, il serait donc beaucoup plus opportun d’engager le pays dans de véritables réformes, en les expliquant aux Français avec pédagogie et indépendamment des partis pris politiciens. La question reste simplement de savoir si les hommes et femmes politiques français en ont la volonté et/ou le courage…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Les Etats-Unis confirment et la Zone euro progresse


Alors que le PIB américain avait bondit de 5,9 % (en rythme annualisé)au quatrième trimestre (2ème estimation), la publication du chiffre final des comptes nationaux à révélé une petite correction baissière à 5,6 %.

Cette révision est essentiellement due à l’investissement privé qui tout en restant sur une croissance forte a progressé de 46,1 % contre 48,9 % précédemment. Si les investissements en équipement et logiciels augmentent de 19 % (contre respectivement 18,2 % et 13,3 % lors de la deuxième et de la première estimation), l’investissement logement quant à lui ralentit a 3.8 % contre 5 % initialement.

Par ailleurs la consommation des ménages reste toujours soutenue affichant une progression de 1,6 %. De plus si la formation de stocks a contribué à hauteur de 3,8 points il faut noter que hors stock la croissance a été de 1,8 %.

Il faut enfin souligner que la croissance de 5,6 % du PIB au quatrième trimestre a été réalisé malgré une baisse de 1,3% des dépenses publiques. Sachant que l’économie de l’oncle Sam sera soutenue cette année par la relance Obama (450 milliards de dollars d’investissement) qui va entrer dans sa phase décisive, la reprise ne fait donc que commencer aux Etats-Unis.

Par ailleurs cette semaine statistique a révélé une hausse de 0,5 % des commandes de biens durables en février faisant suite à une augmentation de 3,9 % en janvier, révisée d’ailleurs en forte hausse par rapport à l’estimation initiale (+3 %). A noter la bonne tenue des commandes de biens d’équipement qui après avoir progressé de 8,3 % en janvier, affichent une hausse de 3,6 %. Sans oublier les commandes de machines en hausse de 4,7% rattrapant leur forte chute du mois de janvier (-8,8 %). L’investissement des entreprises américaines reste donc sur la voie de la reprise et la tendance va se poursuivre dans les prochains mois.

La hausse des commandes de biens durables confirme la reprise de l’investissement.

Sources : Dpt of commerce-bureau of census, BEA, Datastream


Le cercle vertueux de croissance-investissement-emploi-consommation est bien de retour aux Etats-Unis. Ce qui devrait d’ailleurs s’observer vendredi prochain avec les statistiques de l’emploi de mars qui devraient afficher un rebond significatif des créations d’emplois. Dans ce cadre, après avoir régressé en moyenne de 2,4% en 2009, le PIB américain devrait progresser au minimum de 3 % en 2010.

De ce côté de l’Atlantique, alors que l’économie de la zone euro est toujours convalescente, cette semaine a fait l’objet d’un léger mieux.

En effet, après avoir légèrement régressé en février à 95,2 interrompant dix moins de hausse consécutifs, l’indice du climat des affaires de l’enquête IFO a progressé de 3 points à 98,1 soit un plus haut depuis juin 2008. Si l’indice de la situation actuelle progresse de 4,6 points pour atteindre 94.4, il faut noter que l’indice des perspectives d’activité très bien corrélé avec le glissement annuel du PIB (graphique ci dessous) n’a augmenté que d’un petit point en mars. Si la reprise de l’économie allemande ne fait aucun doute, cette dernière reste donc fragile et ce d’autant que l’Allemagne connaît une baisse de sa population totale chaque année depuis 2005, affaiblissant considérablement sa demande intérieure.

L’IFO retrouve le chemin de la hausse mais la reprise reste fragile

Sources : Deutsche Bundesbank, IFO institut

Dans ce cadre, après avoir chuté de 5 % en moyenne en 2009, la plaçant en queue de peloton de la zone euro, l’Allemagne devrait afficher une croissance d’au mieux 1,5% en 2010.

Parallèlement, l’indice PMI des directeurs d’achats de la zone euro qui avait franchi le niveau de 50 en octobre, et qui a atteint 54,2 en février, affiche un niveau de 56,3 en mars soit un plus haut depuis décembre 2006. L’indice PMI des directeurs d’achat dans les services qui avait légèrement régressé en février, retrouve quant à lui des couleurs pour atteindre 53,7 en mars soit son niveau de décembre 2009.


Les indices PMI retrouvent des couleurs

Sources : Markit, Bloomberg


Malgré ces éclaircies, l’investissement dans la zone euro est toujours notoirement insuffisant pour pouvoir créer des emplois et nous sommes encore bien loin du cercle vertueux de croissance investissement-emploi-consommation. Si la tendance baissière de l’euro constitue un support majeur pour l’économie, le bout du tunnel est encore loin pour la zone euro. Ainsi après avoir chuté de 4 % en moyenne en 2009, le PIB eurolandais ne devrait progresser que de 1,5% en 2010.

                                                           Jérôme Boué

 

 

 

 



France : la consommation n’est plus ce qu’elle était.


A force de tirer sur la corde, elle finit par casser. Telle pourrait être la leçon à tirer de la nouvelle baisse de la consommation des ménages en février 2010. En effet, après avoir soutenu à bout de bras la croissance française pendant la crise et plus globalement depuis plus de dix ans, la consommation commence à lâcher prise.

Une consommation très fragile.

Ainsi, après avoir déjà baissé de 2,5 % en janvier, celle-ci recule encore de 1,2 % en février. Certes, dans la mesure où la consommation avait baissé de 1,3 % en février 2009, son glissement annuel gagne un point à + 1,6 %. Il s’agit néanmoins là d’une piètre consolation, surtout si l’on se souvient qu’il y a tout juste deux mois, ce glissement annuel atteignait + 5,6 %.

Que s’est-il donc passé en si peu de temps ? C’est malheureusement simple : la fin de la prime à la casse. En effet, après avoir déjà chuté de 16,4 % en janvier, la consommation automobile a encore reculé de 1,5 % en février. Et même si l’Etat et les concessionnaires continuent de subventionner une partie des achats de voiture, le ressort semble désormais cassé.

Cette « histoire » n’est d’ailleurs pas nouvelle. Elle a déjà été observée lors des précédentes primes à la casse. Ainsi, après avoir flambé de 14,3 % en moyenne sur l’année 1996 grâce aux « Jupettes », la consommation automobile a plongé de 13,7 % en 1997. Autrement dit, après avoir fait les beaux jours de la consommation en 2009, l’automobile devrait la tirer vers le bas en 2010.

Nous retrouvons là le « syndrome du pouf » : lorsque l’économie française tombe, le choc est amorti par un pouf constitué de diverses perfusions publiques. En revanche, une fois installé dans le pouf, il devient plus difficile de se relever.

C’est pourquoi, après avoir été masquée en 2009 par divers artifices et soutiens publics, la réalité de l’économie française va vraiment se faire jour en 2010.

La baisse de 5,4 % de la consommation en textile-cuir en février montre d’ailleurs que dès que les soldes sont terminés, la morosité revient au galop. Et ceci est d’autant plus fâcheux que les soldes 2009-2010 n’ont pas été exceptionnels. Autant dire que le début d’année a été très difficile pour les commerçants et distributeurs de textile-cuir, qui, non seulement n’ont pas été très gâtés par les soldes d’hiver et qui, en plus, subissent une désaffection conséquente dès le mois de février.

Certes, compte tenu d’un taux d’épargne de 17 %, les ménages continueront de puiser dans leur bas de laine pour continuer de consommer. En d’autres termes, la consommation ne s’écroulera pas en 2010. En revanche, elle restera très fragile.

Elle devrait progresser d’au mieux 1,5 % en moyenne sur l’année, permettant au PIB de réaliser une performance identique. Ce ne sera donc pas  catastrophique, mais pas formidable non plus.

C’est d’ailleurs là la véritable image de l’économie française : une croissance durablement molle, sous perfusion permanente, avec un déficit public abyssal et une dette publique colossale. Et comme l’a indiqué le Président de la République, tout sera fait pour que cet état soit maintenu jusqu’en 2012.

En espérant que, d’ici là, les agences de notation ne dégradent pas la note de la dette publique française….

 

Marc Touati

 



La météo économique de la semaine écoulée :