Marre d’être manipulés…

Combien de couleuvres et de manipulations en tous genres avons-nous dû avaler au cours des toutes dernières années ? Si l’art du mensonge et de l’illusion n’est évidemment pas nouveau et n’a cessé de diriger le monde depuis des siècles, les niveaux atteints au cours des derniers trimestres relèvent de l’excellence. Pourtant, avec le développement du savoir, l’augmentation du niveau des études, notamment dans les pays développés, ou encore grâce aux NTIC, on aurait pu imaginer que de telles manigances seraient plus difficiles. Mais c’est exactement le contraire que nous subissons.

Tout a commencé à la fin des années 90 et surtout au début des années 2000, avec la mathématisation à outrance des produits et instruments financiers. Ce dérapage incontrôlé a alors laissé croire qu’il était possible d’augmenter le rendement sans augmenter le risque. L’explosion de la bulle des subprimes a ensuite remis les pendules à l’heure dès l’été 2007, mais a malheureusement généré une nouvelle arnaque, à savoir la flambée des cours des matières premières et notamment du pétrole. Aidé par l’augmentation des taux directeurs de la BCE, le dollar s’est effectivement effondré, entraînant mécaniquement une pression haussière sur le prix de l’or noir. Les plus grands spécialistes du pétrole et des matières premières ont alors juré, le cœur sur la main, que cette tension était logique et durable du fait de la pénurie de ces dernières. Et ce, en dépit de la baisse de la croissance mondiale qui en réduisait automatiquement la demande et rendait donc caduque la thèse de la pénurie. Mais qu’importe, l’arnaque fonctionnait tellement bien que le baril a culminé à 150 dollars et les cours de l’ensemble des matières premières ont atteint des sommets historiques, aggravant par là même la récession environnante. Mais ces deux premières arnaques d’envergure ont finalement été surpassées par une troisième, qui a définitivement consacré l’ère de la manipulation, en l’occurrence, la faillite sauvage de Lehman Brothers. A l’époque, certains ont voulu nous faire croire que cette banque était devenue complètement insolvable et qu’il fallait absolument la liquider sèchement pour en faire un exemple. Bien entendu, il n’en était rien. Cette décision obéissait simplement à une volonté de vengeance du secrétaire d’Etat au Trésor américain Henri Paulson, ancien patron de Goldman Sachs, concurrent historique de Lehman. En outre, cette banque était certes en difficulté et sujette à une illiquidité temporaire, mais loin de ne plus rien valoir. En reprenant respectivement les activités américaines et européennes de Lehman, Barclays et Nomura ont d’ailleurs pu vérifier que le puits n’était pas tari en dégageant des profits notables grâce à ces acquisitions et en devenant par là même les heureux gagnants de ce jeu de dupes.

Et malheureusement, les gagnants n’ont pas été nombreux. Car, en ouvrant la boîte de Pandore des faillites, Paulson a définitivement détruit les quelques piliers qui soutenaient la finance internationale et par là même l’économie mondiale. En effet, en quelques heures, tous les repères auxquels pouvaient encore se raccrocher les investisseurs ont disparu. Et c’est bien là qu’est le drame qui sévit encore aujourd’hui, à savoir l’absence de visibilité. Ainsi, qu’ils soient financiers, chef d’entreprise, dirigeants politiques, salariés ou simples citoyens, les acteurs économiques n’ont plus de vision du monde. Compte tenu de cette carence, ils sont devenus beaucoup plus enclins à tomber dans tous les pièges et arnaques de toutes les couleurs. De la sorte, ils ont crû que l’avenir qui se dressait devant eux serait pire que le cataclysme de 1929 et des années 30. Et ce, en dépit du repli des cours des matières premières, des plans de relance, du sauvetage des banques, des baisses de taux d’intérêt ou encore de l’excès de liquidités qui prévalait à travers le monde. Dans ce cadre, ils se sont mis à croire qu’une capitalisation du Cac 40 ou du Dow Jones inférieure à la valeur des fonds propres des entreprises cotées était « normal ». Ensuite, ils ont crû que la reprise ne passerait pas le printemps 2009, puis que la zone euro s’en sortirait mieux que les Etats-Unis, ou encore qu’une nouvelle crise allait émerger à cause des difficultés passagères de Dubaï, dont le PIB ne représente que 0,1 % du PIB mondial. Et tout ceci en vain.

Devant un tel échec, la manipulation va alors quitter temporairement le terrain financier pour prendre possession d’un domaine encore plus précieux : la vie humaine. Ce fut donc au tour de la psychose de la pandémie mondiale de grippe A de s’imposer. Avec le succès que nous avons heureusement évité. Pis, au contraire de ce que certains veulent encore laisser croire aujourd’hui, cette manipulation n’a même pas permis au secteur pharmaceutique de flamber en bourse. Ainsi, en 2009, ce dernier a été l’un des moins performants (seulement 13 % de hausse, contre 28 % pour le DJStoxx 600). Mais si nous avons évité 1929 et la grippe A, c’est sûr nous ne pouvions éviter le réchauffement climatique. D’où Copenhague qui, finalement, n’a servi qu’à nous rappeler qu’il était impossible et surtout dangereux d’imposer la décroissance, qui ne reviendrait finalement qu’à accroître les écarts de richesse entre les différentes zones de la planète et à générer des crises sociales majeures à travers le monde. Mieux, la rigueur exceptionnelle de l’hiver dans l’Hémisphère Nord, et ce, d’Est en Ouest, a montré que la thèse du réchauffement était loin d’être prouvée. Mais attention, vous diront certains, cette froideur est justement due à la fonte des glaciers qui perturbe le Gulfstream. Comme quoi, la manipulation en la matière a encore de beaux jours devant elle. Mais en attendant la prochaine canicule, la force de l’arnaque s’est déjà refait une santé, avec la crise grecque. En effet, après nous avoir fait croire pendant des années que la zone euro constituait une protection, elle nous montre désormais que c’est exactement le contraire. Si bien que la Grèce est reléguée aux bans des Nations. Du moins, jusqu’à ce que cette mode passe.

Mais soyez rassurés : compte tenu de l’absence de vision d’avenir et de clairvoyance, les manipulations vont continuer de s’enchaîner. Celle de la dette publique n’est certes pas encore terminée, mais sera vite relayée par le financement des retraites. De ce point de vue, et en particulier en France, nous aurons du pain sur la planche, dans la mesure où une grande majorité des Français est encore persuadée qu’on pourra continuer à assurer le financement de la retraite par répartition pendant très longtemps sans réformes majeures… Ensuite, ce sera la taxe carbone qui, soi disant, va nous permettre de retrouver un excédent commercial… Que dire alors des OGM, de la couche d’ozone, de la mutation du virus H1N1 ou encore des effets indésirables des vaccins avec adjuvent… Bref, nous ne sommes pas sortis de l’auberge de la désinformation et des contre-vérités. Face à ce déferlement passé et à venir, nous n’avons malheureusement pas de parades, mais nous pouvons néanmoins donner trois conseils à mettre en œuvre face à une idée reçue ou à une tentative de manipulation. Primo, se demander à qui profite le « crime ». Secundo, prendre du recul et retrouver une vision de moyen terme. Tertio, se référer sans cesse aux fondamentaux économiques. En adoptant ces trois stratégies, nous ne serons pas forcément immunisés contre les arnaques, mais au moins, nous aurons une chance d’y échapper.

Marc Touati