PIB, Obama, Fed : la semaine américaine (E&S n°114)

Humeur :

Obama dans tous ses états…


Mais quelle mouche a-t-elle bien pu piquer Barack Obama ? En effet, après avoir été présenté comme le sauveur des Etats-Unis et avoir reçu le prix Nobel de la paix, le Président américain est très vite tombé de son piédestal. Depuis l’automne dernier, il ne cesse d’accumuler les déconvenues : débat houleux sur la réforme du système de santé, incapacité à résoudre rapidement les conflits en Afghanistan et en Irak, échec des services de sécurité qui ont dû compter sur la chance pour éviter de justesse un nouvel attentat aérien le 25 décembre. Enfin, cerise empoisonnée sur ce malheureux gâteau, les Démocrates ont perdu le poste de sénateur du Massachussetts, leur supprimant la majorité qualifiée au Congrès. Devant tant de désastres, le Président Obama se devait donc de réagir. Mais plutôt que de s’en prendre à lui-même ou à son équipe, celui-ci s’est trouvé une cible de choix : les banques. Ainsi, à l’instar de son homologue français, M. Obama a décidé de taper du poing sur la table et de menacer vertement l’ensemble du système bancaire et financier américain. Et si les remontrances de Nicolas Sarkozy n’effraient pas grand monde, celles du Président américain ont un véritable impact négatif sur les marchés.

C’est d’ailleurs là que se situe le premier paradoxe de la stratégie d’Obama à l’égard des banques. En effet, après avoir dépensé des centaines de milliards de dollars pour sauver ces dernières, celui-ci semble désormais souhaiter leur remettre la tête sous l’eau. Et pour ce faire, il s’appuie sur les recommandations de Paul Volcker, chantre du monétarisme orthodoxe dans les années 80 et qui affiche désormais une volonté d’interventionnisme public effréné. Il n’y a donc pas que les hommes politiques qui retournent leur veste, les économistes et banquiers centraux savent aussi très bien le faire.

Bien loin de l’esprit libéral historique des Etats-Unis (libéral dans le sens des libertés), la stratégie préconisée est tonitruante : interdiction pour les banques de faire plusieurs métiers, limitation de leur taille, suppression du prop trading (c’est-à-dire de la spéculation sur fonds propres), réduction draconienne du private equity, « saucissonnage » de l’ensemble des banques américaines… Bref, c’est une véritable révolution qui est annoncée, avec beaucoup de morts en perspective. Car il est clair qu’une telle dérive interventionniste reviendrait à supprimer de nombreux métiers de la finance ainsi que de nombreuses institutions financières.

D’où un deuxième paradoxe : comment Barack Obama, qui passe son temps à souligner à juste titre l’importance des créations d’emplois et de la baisse du chômage, peut-il défendre une stratégie qui reviendra à détruire des milliers d’emplois dans l’un des secteurs phares de l’économie américaine ?

Troisième paradoxe : comment des personnes aussi responsables et reconnues que M. Volcker peuvent-elles laisser croire qu’il suffit d’augmenter la réglementation pour supprimer les crises ? Défendre une telle contre-vérité revient à oublier que l’une des origines de la dernière crise a été le développement de produits financiers de plus en plus complexes, laissés entre les mains des meilleurs mathématiciens du monde, et ce, justement pour contourner l’excès de réglementations des années 2000. En outre, n’oublions pas que la spéculation, les bulles, les krachs font partie de la vie des marchés. Sauf à fermer ces derniers, il est illusoire d’imaginer qu’il n’y aura plus de crises financières.

Quatrième paradoxe des préconisations Volcker-Obama : laisser croire qu’en cassant les activités de marchés et en réduisant la taille des banques, le financement de l’économie s’en trouvera amélioré. S’il est évidemment louable de lutter contre les situations monopolistiques, il faut également souligner que les activités de marchés et celles de banque de détail sont forcément liées. Ainsi, c’est parce que les banques réalisaient des profits élevés sur les marchés financiers dans les années 1995-2007 qu’elles pouvaient être plus souples sur l’octroi de crédits aux entreprises et irriguer l’économie. A l’inverse, lorsque les marchés plongent, le coût du risque augmente et réduit mécaniquement l’appétence des banques pour les crédits.

De même, s’il n’y a pas eu de faillite de banques en France, c’est principalement parce que les banques de marchés étaient des filiales de banques de détail. Scinder les banques et recréer une césure entre ces deux types de métiers reviendrait donc finalement à accroître le risque de faillite. Rappelons-nous que Lehman Brothers n’était qu’une banque d’affaires et qu’elle aurait été sauvée sans difficulté si Henri Paulson avait accepté son rachat par la banque universelle Barclays. D’ailleurs, la reprise des activités américaines de Lehman par Barclays a finalement été largement profitable pour cette dernière. De quoi rappeler que lorsque le politique se mêle de l’économique, les dégâts peuvent s’avérer catastrophiques.

Un autre exemple de ce danger nous est d’ailleurs donné par le cinquième paradoxe de la réforme Obama, à savoir la confusion entre les hedge funds et le private equity qui sont mis sur le même plan en matière de dangerosité. Pourtant, ces deux types d’institutions se réfèrent à des activités complètement différentes, à savoir, la spéculation court-termiste pour les premiers et l’investissement de moyen terme pour la seconde. Une fois encore, comment Paul Volcker et les autres conseillers économiques du Président américain peuvent-ils faire un amalgame aussi erroné ? Et c’est bien ce manque de clairvoyance qui inquiète les marchés. Car, après avoir applaudi l’arrivée de Barack Obama à la tête des Etats-Unis, ceux-ci se demandent de plus en plus si ce dernier est à la hauteur. Si cette crainte est logique, en particulier après les annonces de la Maison Blanche au cours des quinze derniers jours, elle ne doit cependant pas être exagérée.

En effet, il faut constamment distinguer le politiquement correct de l’économiquement efficace. Ainsi, tant que le chômage reste élevé et que les écarts de rémunérations augmentent entre la lower class, qui est de plus en plus nombreuse, et la upper class, qui est de plus en plus réduite, le Président américain n’a pas vraiment le choix et se doit de faire du politiquement correct en « tapant » sur les banques et les marchés. Cependant, à partir du moment où la croissance forte va s’installer outre-Atlantique, que le chômage va baisser significativement et les revenus progresser durablement, M. Obama reviendra forcément vers l’économiquement efficace. Car s’il est clair que les banques sont obligées de devenir plus transparentes et de mieux gérer leurs risques, il est tout aussi évident qu’il serait vain de les démanteler et de les briser en phase de reprise. Cette dernière n’y résisterait pas. Voilà pourquoi, l’essentiel réside dans le retour de la croissance, qui, dès 2010, permettra à la fois de réduire le chômage et de soutenir les marchés financiers, ce qui incitera les banques à reprendre le chemin du crédit, donc à alimenter la croissance… et le cercle vertueux continuera… jusqu’à la prochaine crise…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

La croissance américaine sur un nuage.


Où sont les Cassandres qui annonçaient durant l’essentiel de l’année 2009 que les Etats-Unis ne retrouveraient pas le chemin de la croissance avant plusieurs années ou alors que le rebond du troisième trimestre serait suivi d’une forte correction baissière au quatrième trimestre ?

Bien loin de ces tristes et fausses prédictions, le PIB américain a augmenté de 2,2 % (en rythme annualisé) au troisième trimestre, puis flambé de 5,7 % au quatrième, atteignant ainsi sa meilleure performance depuis le troisième trimestre 2003.

Bien entendu, certains ne manqueront pas de souligner à juste titre que la formation de stocks a contribué à cette performance à hauteur de 3,4 points. Néanmoins, cela souligne également que, hors stocks la croissance a tout de même été de 2,3 %.

La croissance américaine flambe, tirée par les stocks…

Sources : BEA, Datastream

En outre, la contribution positive des stocks ne s’explique pas par un mouvement de restockage, mais par une réduction du déstockage. Après avoir atteint un record de – 160,2 milliards de dollars au deuxième trimestre 2009, la formation de stocks est ainsi passée à – 139,2 milliards au troisième, puis à – 33,5 milliards au quatrième.

Autrement dit, le mouvement de restockage n’a pas encore eu lieu, ce qui indique que la croissance américaine sera encore largement favorisée par les stocks au cours des prochains trimestres.

Mais la véritable bonne nouvelle des comptes nationaux du quatrième trimestre n’est pas là. Ni même dans l’augmentation de 2 % de la consommation des ménages. Ni encore dans la contribution positive de 0,1 point du commerce extérieur.

A l’instar des stocks, ces deux évolutions montrent que l’économie américaine n’a pas encore utilisé toutes ses cartouches et pourra encore compter sur des performances appréciables de la consommation et des exportations sur l’essentiel de l’année 2010.

 

 

… mais aussi par la consommation…

Sources : BEA, Datastream

Non, la vraie réussite du quatrième trimestre réside dans la progression de 39,3 % de l’investissement privé, et ce notamment grâce à la progression de 13,3 % des investissements en équipements et logiciels et à l’augmentation de 5,7 % de l’investissement logement.

… et surtout par l’investissement.

Sources : BEA, Datastream

En d’autres termes, le cercle vertueux « investissement-emploi-consommation » est bien en train de faire son grand retour outre-Atlantique. Ce qui devrait d’ailleurs s’observer vendredi prochain avec les statistiques de l’emploi de janvier qui, selon nous, consacreront de nettes créations d’emplois.

En outre, la performance du quatrième trimestre a été réalisée en dépit d’une baisse de 0,2 % des dépenses publiques. A présent que la relance Obama va entrer dans sa phase décisive, avec 450 milliards de dollars d’investissement (i.e. environ 3,2 % du PIB américain) sur l’ensemble de l’année 2010, il est clair que la croissance américaine en sortira encore renforcée.

Ainsi, après avoir baissé de 2,4 % en moyenne sur 2009, le PIB américain devrait progresser d’au moins 3 % en 2010. Et ce, d’autant qu’avant même de démarrer l’année, le PIB dispose d’ores et déjà d’un acquis de croissance de 1,3 %. Ainsi, il lui suffit de progresser de 0,7 % en moyenne au cours des quatre trimestres de 2010 pour atteindre 3 %.

Le rebond est loin d’être terminé.

Sources : BEA, ISM, Datastream

D’ores et déjà, il faut d’ailleurs noter que le glissement annuel du PIB américain est repassé en territoire positif, ce qui ne s’était plus produit depuis le troisième trimestre 2008. Si ce glissement annuel n’est encore que de 0,1 %, il devrait avoisiner les 2,5 % au premier trimestre et les 3,4 % au deuxième. Pendant ce temps, celui de la zone euro peinera difficilement à atteindre les 1 %. C’est bien là le drame : la crise était américaine mais c’est pourtant dans la zone euro que la récession a été la plus forte et là où la reprise sera la plus molle…

Le seul réconfort de ce triste contraste réside dans le fait qu’il va enfin inciter les marchés à favoriser un euro durablement moins fort, donc plus normal, c’est-à-dire vers les 1,20 dollar pour un euro d’ici l’automne prochain selon nos prévisions.

 

Marc Touati

 

 



 

La France sous perfusion jusqu’à quand ?


Gargantuesque ! Tel est l’adjectif qui pourrait caractériser la consommation des ménages français en décembre 2009. En effet, en dépit du chômage, de l’augmentation des prix des matières premières, du climat social difficile, des craintes liées à la grippe H1N1 ou encore du mauvais temps, les ménages français ont dépensé sans compter en fin d’année. Ce qui se traduit par une augmentation de la consommation en produits manufacturés de 2,1 % en décembre et de 3 % sur l’ensemble du quatrième trimestre 2009.

Pour retrouver une progression trimestrielle plus importante, il faut remonter au troisième trimestre 1999. Conséquence logique de cette flambée, le glissement annuel de cet agrégat atteint désormais 5,9 %, un plus haut depuis juin 2000.

L’origine de cette fièvre acheteuse porte un nom désormais bien connu, en l’occurrence « prime à la casse ». En effet, les Français ont profité de cette aide conséquente pour changer de voiture, ce qui se traduit par une augmentation de la consommation automobile vertigineuse : + 9,1 % en décembre, + 12,6 % sur le quatrième trimestre 2009 et + 31,8 % en glissement annuel, un sommet depuis les + 37,3 % et les + 77,9 % d’août et septembre 1996.

Ces records correspondaient à la prime à la casse du gouvernement Juppé, également appelée Jupette. Comme quoi, les gouvernements changent, mais les recettes restent les mêmes.

Toujours est-il que devant un tel succès, une question est désormais sur toutes les lèvres : une telle fringale de consommation en particulier dans l’automobile va-t-elle pouvoir perdurer en 2010 avec l’arrêt, certes progressif, de la prime à la casse ? La réponse est évidemment négative. L’exemple des Jupettes est d’ailleurs cinglant, puisqu’après l’euphorie de 1996, la consommation automobile s’est effondrée l’année suivante, son glissement annuel atteignant – 36 % en septembre 1997, un plus bas historique.

Consommation : Gargantua fin 2009, Slim Fast en 2010 ?

Sources : INSEE et Datastream

Il faut donc malheureusement voir la réalité en face : les concessionnaires automobiles ont mangé leur pain blanc au second semestre 2009 et doivent maintenant se préparer à des lendemains difficiles.

Au niveau de la consommation globale, les évolutions seront certes mois abruptes mais néanmoins similaires. En effet, après avoir profité des soldes de janvier, les ménages devraient être plus parcimonieux jusqu’aux soldes d’été. Pour autant, la consommation ne s’écroulera pas, dans la mesure où elle restera soutenue par trois facteurs principaux.

Primo, des promotions permanentes de la part des commerçants qui ont bien compris que la consommation était tirée par les rabais.

Secundo, le maintien d’une perfusion publique toujours très forte au moins jusqu’en 2012. C’est encore ce qu’a confirmé le Président français dans son émission de télé du 25 janvier en soulignant qu’il n’abandonnerait personne. Sous entendu : le déficit public restera élevé pour assurer la paix sociale.

Des déficits publics toujours aussi abyssaux.