Mais quelle mouche a-t-elle bien pu piquer Barack Obama ? En effet, après avoir été présenté comme le sauveur des Etats-Unis et avoir reçu le prix Nobel de la paix, le Président américain est très vite tombé de son piédestal. Depuis l’automne dernier, il ne cesse d’accumuler les déconvenues : débat houleux sur la réforme du système de santé, incapacité à résoudre rapidement les conflits en Afghanistan et en Irak, échec des services de sécurité qui ont dû compter sur la chance pour éviter de justesse un nouvel attentat aérien le 25 décembre. Enfin, cerise empoisonnée sur ce malheureux gâteau, les Démocrates ont perdu le poste de sénateur du Massachussetts, leur supprimant la majorité qualifiée au Congrès.
Devant tant de désastres, le Président Obama se devait donc de réagir. Mais plutôt que de s’en prendre à lui-même ou à son équipe, celui-ci s’est trouvé une cible de choix : les banques. Ainsi, à l’instar de son homologue français, M. Obama a décidé de taper du poing sur la table et de menacer vertement l’ensemble du système bancaire et financier américain. Et si les remontrances de Nicolas Sarkozy n’effraient pas grand monde, celles du Président américain ont un véritable impact négatif sur les marchés.
C’est d’ailleurs là que se situe le premier paradoxe de la stratégie d’Obama à l’égard des banques. En effet, après avoir dépensé des centaines de milliards de dollars pour sauver ces dernières, celui-ci semble désormais souhaiter leur remettre la tête sous l’eau. Et pour ce faire, il s’appuie sur les recommandations de Paul Volcker, chantre du monétarisme orthodoxe dans les années 80 et qui affiche désormais une volonté d’interventionnisme public effréné. Il n’y a donc pas que les hommes politiques qui retournent leur veste, les économistes et banquiers centraux savent aussi très bien le faire.
Bien loin de l’esprit libéral historique des Etats-Unis (libéral dans le sens des libertés), la stratégie préconisée est tonitruante : interdiction pour les banques de faire plusieurs métiers, limitation de leur taille, suppression du prop trading (c’est-à-dire de la spéculation sur fonds propres), réduction draconienne du private equity, « saucissonnage » de l’ensemble des banques américaines… Bref, c’est une véritable révolution qui est annoncée, avec beaucoup de morts en perspective. Car il est clair qu’une telle dérive interventionniste reviendrait à supprimer de nombreux métiers de la finance ainsi que de nombreuses institutions financières.
D’où un deuxième paradoxe : comment Barack Obama, qui passe son temps à souligner à juste titre l’importance des créations d’emplois et de la baisse du chômage, peut-il défendre une stratégie qui reviendra à détruire des milliers d’emplois dans l’un des secteurs phares de l’économie américaine ?
Troisième paradoxe : comment des personnes aussi responsables et reconnues que M. Volcker peuvent-elles laisser croire qu’il suffit d’augmenter la réglementation pour supprimer les crises ? Défendre une telle contre-vérité revient à oublier que l’une des origines de la dernière crise a été le développement de produits financiers de plus en plus complexes, laissés entre les mains des meilleurs mathématiciens du monde, et ce, justement pour contourner l’excès de réglementations des années 2000. En outre, n’oublions pas que la spéculation, les bulles, les krachs font partie de la vie des marchés. Sauf à fermer ces derniers, il est illusoire d’imaginer qu’il n’y aura plus de crises financières.
Quatrième paradoxe des préconisations Volcker-Obama : laisser croire qu’en cassant les activités de marchés et en réduisant la taille des banques, le financement de l’économie s’en trouvera amélioré. S’il est évidemment louable de lutter contre les situations monopolistiques, il faut également souligner que les activités de marchés et celles de banque de détail sont forcément liées. Ainsi, c’est parce que les banques réalisaient des profits élevés sur les marchés financiers dans les années 1995-2007 qu’elles pouvaient être plus souples sur l’octroi de crédits aux entreprises et irriguer l’économie. A l’inverse, lorsque les marchés plongent, le coût du risque augmente et réduit mécaniquement l’appétence des banques pour les crédits.
De même, s’il n’y a pas eu de faillite de banques en France, c’est principalement parce que les banques de marchés étaient des filiales de banques de détail. Scinder les banques et recréer une césure entre ces deux types de métiers reviendrait donc finalement à accroître le risque de faillite. Rappelons-nous que Lehman Brothers n’était qu’une banque d’affaires et qu’elle aurait été sauvée sans difficulté si Henri Paulson avait accepté son rachat par la banque universelle Barclays. D’ailleurs, la reprise des activités américaines de Lehman par Barclays a finalement été largement profitable pour cette dernière. De quoi rappeler que lorsque le politique se mêle de l’économique, les dégâts peuvent s’avérer catastrophiques.
Un autre exemple de ce danger nous est d’ailleurs donné par le cinquième paradoxe de la réforme Obama, à savoir la confusion entre les hedge funds et le private equity qui sont mis sur le même plan en matière de dangerosité. Pourtant, ces deux types d’institutions se réfèrent à des activités complètement différentes, à savoir, la spéculation court-termiste pour les premiers et l’investissement de moyen terme pour la seconde. Une fois encore, comment Paul Volcker et les autres conseillers économiques du Président américain peuvent-ils faire un amalgame aussi erroné ? Et c’est bien ce manque de clairvoyance qui inquiète les marchés. Car, après avoir applaudi l’arrivée de Barack Obama à la tête des Etats-Unis, ceux-ci se demandent de plus en plus si ce dernier est à la hauteur. Si cette crainte est logique, en particulier après les annonces de
En effet, il faut constamment distinguer le politiquement correct de l’économiquement efficace. Ainsi, tant que le chômage reste élevé et que les écarts de rémunérations augmentent entre la lower class, qui est de plus en plus nombreuse, et la upper class, qui est de plus en plus réduite, le Président américain n’a pas vraiment le choix et se doit de faire du politiquement correct en « tapant » sur les banques et les marchés. Cependant, à partir du moment où la croissance forte va s’installer outre-Atlantique, que le chômage va baisser significativement et les revenus progresser durablement, M. Obama reviendra forcément vers l’économiquement efficace. Car s’il est clair que les banques sont obligées de devenir plus transparentes et de mieux gérer leurs risques, il est tout aussi évident qu’il serait vain de les démanteler et de les briser en phase de reprise. Cette dernière n’y résisterait pas. Voilà pourquoi, l’essentiel réside dans le retour de la croissance, qui, dès 2010, permettra à la fois de réduire le chômage et de soutenir les marchés financiers, ce qui incitera les banques à reprendre le chemin du crédit, donc à alimenter la croissance… et le cercle vertueux continuera… jusqu’à la prochaine crise…
Marc Touati