Si 2008 a été l’année de toutes les déconvenues et 2009 celle de tous les dangers, 2010 se présente comme l’année de tous les espoirs. En effet, après avoir évité la catastrophe tant annoncée, puis amorcé une reprise appréciable, l’économie mondiale et les marchés boursiers internationaux doivent désormais transformer l’essai. Car, ne soyons pas dupes : compte tenu de la dégringolade excessive enregistrée fin 2008-début 2009 et de la politique de relance sans précédent menée à travers le monde, le rebond était presque inévitable, même si 95 % des prévisionnistes refusaient de le voir. Autrement dit, une fois la reprise technique passée et les perfusions publiques en partie épuisées, c’est maintenant que le plus difficile reste à faire, en l’occurrence transformer le rebond technique en une reprise forte et durable.
C’est en cela que si 2009 a été l’année de la résurrection, 2010 doit être celle de la transcendance, c’est-à-dire du retour de l’économie mondiale sur le chemin d’une croissance pérenne et autonome. C’est justement ce que nous anticipons pour les prochains trimestres. Malheureusement, ce mouvement ne sera pas rectiligne et encore moins homogène. Ainsi, déjà en tête du redémarrage en 2009, la Chine restera la grande gagnante de la crise et de l’après-crise. Après avoir déjà retrouvé les 9 % au second semestre 2009, le glissement annuel du PIB chinois devrait même atteindre les 10 % cette année. L’Empire du Milieu entraînera derrière lui l’ensemble de l’Asie et plus globalement la grande majorité des pays émergents, ou plutôt émergés. Car, s’il est très pratique pour les pays dits riches de maintenir une distance sémantique avec certains pays dynamiques en les appelant « émergents », il faudra tôt ou tard regarder la réalité en face. De 2002 à 2008, le monde dit émergent a contribué à hauteur de 70 % à la croissance mondiale. En 2009, leur contribution a même dépassé les 100 % puisque, pour la première fois dans l’Histoire contemporaine, tous les pays développés ont enregistré une forte baisse de leur PIB, tandis que seuls quelques pays émergents sont restés sur la voie de la croissance, limitant par là même les dégâts pour l’ensemble de la planète.
Pour 2010, cette nouvelle suprématie du « Nouveau monde », et notamment de la Chine, de l’Inde et du Brésil, devrait perdurer, ces trois pays enregistrant des croissances annuelles moyennes de respectivement 9,7 %, 7,5 % et 4,5 %. Selon nos prévisions, ils seront suivis de près par les Dragons (Corée du Sud, Hong-Kong, Singapour, Taïwan) et les Tigres (Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande) d’Asie, avec une moyenne de 4,5 % de croissance, puis par les voisins latino-américains du Brésil (avec une performance de 4 %). Quant à la Russie, après une année 2009 catastrophique, elle devrait progressivement recoller au peloton avec une augmentation de son PIB de 2,5 % cette année. Enfin, après avoir déjà été la zone émergente ayant le plus souffert l’an passé, l’Europe de l’Est devrait retrouver une variation positive de son PIB en 2010, mais de seulement 1,5 %, soit, pour la troisième année consécutive, le moins bon résultat du « Nouveau monde ».
Dans ce cadre, elle imitera parfaitement sa grande sœur, en l’occurrence l’Europe occidentale et en particulier la zone euro qui resteront les parents pauvres de la croissance mondiale, avec une variation annuelle de leur PIB d’au mieux 1,5 %. La lanterne rouge étant néanmoins décrochée par le Japon, avec une croissance d’environ 0,8 %. Une fois encore, et comme cela s’observe d’ailleurs depuis plus de quinze ans, les Etats-Unis resteront la locomotive du monde développé. Il s’agit d’ailleurs là de l’un des plus grands paradoxes de la crise dite des « subprimes ». En effet, cette dernière était avant tout américaine et c’est pourtant aux Etats-Unis que la récession a été la moins forte en 2009 (« seulement » – 2,5 % de baisse du PIB, contre – 4 % dans la zone euro et – 5 % au Japon) ; c’est aussi là bas que la reprise sera la plus soutenue en 2010, via une croissance d’environ 3 %.Pour y parvenir, l’Oncle Sam disposera non seulement des forces déjà en mouvement depuis la mi-2009, notamment grâce à la politique monétaire extrêmement accommodante de la Fed, mais il pourra aussi compter sur une relance budgétaire de 450 milliards de dollars, focalisée sur l’investissement dans les travaux publics, les NTIC et les NTE (Nouvelles Technologies de l’Energie). De part les effets multiplicateurs de ces soutiens, les moteurs privés prendront le relais de la sphère publique, instaurant durablement le cercle vertueux de croissance : Investissement-Emploi-Consommation. La croissance pourra alors se stabiliser autour des 3 %, finançant sans difficulté la relance et par là même la dette publique américaine.
Dans ce cadre, si l’augmentation des taux d’intérêt monétaires et obligataires apparaît inévitable, elle restera contenue, empêchant ainsi tout retour durable de l’atonie économique et du pessimisme financier. Comme nous l’expliquions la semaine dernière dans nos pages « Marchés », les grands indices boursiers internationaux devraient progresser d’au moins 15 % en 2010. Autrement dit, la reprise économique et boursière de 2009 n’était pas qu’un feu de paille. Elle sera au contraire durable. Ainsi, après avoir atteint 3,6 % en 2010, c’est-à-dire tout juste 0,1 point de plus que sa moyenne sur trente ans, la croissance mondiale devrait se maintenir sur ce rythme de croisière jusqu’en 2012.
Bien entendu, rien n’est jamais acquis et des évènements exogènes et par là même imprévisibles, pourraient venir contrarier notre scénario. Qu’il s’agisse des risques géopolitiques en Iran, des menaces d’attentats à travers le monde ou encore de catastrophes naturelles, nous pouvons être sûrs que les dangers perdureront et seront souvent mis en exergue, parfois de façon démesurée. De même, si les banques centrales s’amusaient à augmenter exagérément leur taux directeurs, en particulier en Europe, l’euro resterait trop cher et le prix du baril top élevé. Autant d’évolutions qui ne manqueraient pas de rogner la croissance.
Malheureusement, nous n’y pouvons rien. Nous devons simplement vivre avec ces risques. Et c’est d’ailleurs là que réside l’un des principaux enseignements des dernières années : les crises font partie de notre vie. Ceux qui annoncent qu’il est possible de les éviter et soutiennent qu’en augmentant la réglementation ou les dépenses publiques, il n’y en aura plus, sont tout simplement des menteurs. Aussi, plutôt que de se lamenter sur son sort et de baisser les bras face à une crise ou face aux risque de crises, il faut au contraire constamment regarder vers l’avenir, investir en permanence, développer sans arrêt l’innovation et ne pas oublier que la meilleure défense c’est l’attaque. Ceux qui ont mis en place de telles stratégies sortiront grandis de la dernière crise et renforcés pour affronter la prochaine, qui arrivera certainement en 2012. En attendant, profitons de 2010 qui sera à la fois l’année de tous les espoirs et aussi de toutes les opportunités.
Marc Touati