BCE : Nouvelle année, nouveau Trichet ?

La BCE aurait-elle enfin décidé de faire passer le pragmatisme devant le dogmatisme ? Telle est la question que nous devons poser à l’écoute de la conférence de presse de son Président. En effet, en dépit de l’augmentation logique de l’inflation dans la zone euro, qui aurait certainement hérissé le poil des dirigeants monétaires eurolandais il y a quelques trimestres, la BCE préfère temporiser et souligner que l’inflation de la zone euro restera faible dans les prochains mois (proche de 1 % selon ses propres termes) et inférieure à 2 % sur l’ensemble de l’année 2010. En outre, elle souligne que la reprise restera molle, laissant entendre qu’elle ne supporterait pas un resserrement monétaire prématuré.

Autrement dit, alors que nous craignions jusqu’alors un retour du dogmatisme monétariste pour 2010 et un relèvement du taux refi dès le printemps, la nouvelle année a, semble-t-il, marqué un changement de stratégie de la part de la BCE. Ce revirement est évidemment le bienvenu, dans la mesure où il montre qu’à l’instar de la Réserve fédérale, la BCE ne gâchera pas la reprise économique et continuera de maintenir le statu quo monétaire tant que le retour d’une croissance appréciable et durable ne sera pas assuré.

Si nous n’avons pas manqué de dénoncer l’attitude inopportune de la BCE lors de son resserrement monétaire de l’été 2008, c’est-à-dire en pleine récession et avec une inflation sous-jacente inférieure à 2 %, nous ne manqueront pas non plus de féliciter la BCE aujourd’hui lorsqu’elle adopte un discours plus raisonnable et plus pragmatique. A croire que la crise a véritablement transformé l’économie mondiale mais aussi les dirigeants monétaires de la planète, y compris à Francfort, ce qui paraissait inimaginable il y a encore quelque temps.

Dans ces conditions, nous modifions nos prévisions d’un resserrement monétaire hâtif dans la zone euro pour le décaler au plus tôt à l’automne 2010, avec un taux refi d’au plus 1,5 % fin 2010. Cela signifie donc que la Réserve fédérale augmentera ses taux directeurs avant la BCE, en l’occurrence en juin, ce qui permettra au dollar de poursuivre sa tendance haussière et d’atteindre 1,20 dollar pour un euro d’ici septembre prochain. De la sorte, la croissance eurolandaise sera affermie et pourrait même atteindre les 2 % début 2011.

Pour autant, l’histoire nous a montré qu’il ne fallait pas non plus s’emballer à la suite des discours des dirigeants de la BCE. Car chassez le naturel, il revient au galop. C’est pourquoi, il faudra rester vigilant et intégrer le fait qu’une volte face reste possible en cas de bonne surprise sur la croissance et d’une inflation qui augmenterait plus que prévu, par exemple dans le sillage de la progression des cours des matières premières.

Ne boudons néanmoins pas notre plaisir : pour une fois que la BCE laisse poindre l’espoir qu’elle n’entravera pas la croissance, il faut en profiter. Espérons simplement qu’elle ne décevra pas ces espoirs dans les prochains mois.

 

Marc Touati