Emploi US, marchés boursiers, prévisions : quid de 2010 ? (E&S n°111)

Humeur :

Bilan 2009 : quelle année !


Comme chaque début d’année, c’est l’heure des bilans. Bilan économique, bilan financier et aussi bilan de nos prévisions. Sur tous ces plans, 2009 restera une année inoubliable. Tout d’abord, parce que 2009 a permis de déjouer l’écrasante majorité des prévisionnistes à travers le monde. En effet, il y a environ un an, ces derniers s’époumonaient et faisaient preuve d’une ingéniosité débordante doublée d’une surenchère malsaine pour annoncer que la planète économico-financière internationale allait très rapidement s’écrouler sans se relever avant plusieurs années, voire une décennie. Les plus « ambitieux » n’hésitaient pas à déclarer que le monde s’apprêtait à entrer dans une crise encore plus grave que celle de 1929. A l’époque, il fallait donc être fou ou inconscient pour oser annoncer que la bourse et l’économie mondiale allaient redémarrer dès 2009. C’est pourtant ce que nous faisions et écrivions dans ces même colonnes et aussi dans le livre « Krach, Boom… et demain ? » sorti en février 2009. Pour enfoncer le clou, nous avions même choisi d’accompagner les premiers tirages de ce dernier par un bandeau « Restez optimistes ». Quelle folie ! Devant ce sous-titre décidément insolent, certains journalistes n’hésitaient pas à me déclarer « Désolé, on ne pourra pas vous inviter, ni parler de votre livre, parce qu’il est trop optimiste. Vous comprenez, aujourd’hui, ce sont les prévisions catastrophistes qui ont la cote… ». Le ton était lancé. Qu’à cela ne tienne, le livre a attiré plus de 25 000 lecteurs et surtout, les funestes Cassandres, pourtant largement majoritaires, ont eu tort.

Dans ce cadre, le bilan de nos prévisions 2009 apparaît comme l’un des meilleurs crus depuis 1998, date à laquelle nous avons commencé à nous livrer à cette exercice (à l’époque nous étions à la Caisse Centrale des Banques Populaires, cela ne nous rajeunit pas…). Cependant, s’il est de bon ton de mettre en exergue ses erreurs, quitte à les édulcorer par quelques artifices comptables, il est souvent mal vu de souligner ses succès (en particulier dans l’Hexagone). Nous le savons particulièrement bien puisque si, depuis douze ans, nos bilans ont été largement positifs, c’est souvent les erreurs qui ont été retenues et parfois même répandues en toute mauvaise foi. Errare humanum est, perseverare diabolicum. Nous n’avons aucunement la prétention d’avoir toujours raison ou de pouvoir tout prévoir. Bien au contraire, nous savons depuis quinze ans d’exercice de ce métier que la prévision économique et financière est ô combien difficile, sujette à caution et dépendante de nombreux paramètres parfois non-maîtrisables. Voilà pourquoi, nous nous efforçons de réaliser des prévisions principalement basées sur les fondamentaux économiques et indépendantes de toute contingence spéculative, politique ou partisane. C’est dans ce cadre que nos plus mauvaises périodes en matière de prévisions ont été consécutives aux attentats du 11 septembre 2001 ou encore fin 2008 après la faillite sauvage de Lehman Brothers, car qui pouvait prévoir de tels évènements et réaliser des prévisions économico-financières en conséquence ? A l’inverse, dès que les fondamentaux économiques reprennent le dessus et que leur action n’est pas entachée par des évènements exogènes et imprévisibles, alors nos prévisions sont confortées par la réalité. Ce fut par exemple le cas entre 1998 et 2000, puis de 2003 à 2007 et enfin en 2009. Et très souvent, comme l’an passé notamment, ces prévisions étaient en fort décalage par rapport au consensus. Il s’agit d’ailleurs là, d’une règle vérifiée à de multiples reprises : le consensus a très souvent tort.

Ainsi, lorsque le 9 mars 2009, le Cac 40 atteint 2500 points, l’écrasante majorité des économistes apparaît formelle : le krach ne fait que commencer et les 1500 points sont inévitables à court terme. Certains vont même jusqu’à conseiller de vendre toutes ses actions et d’acheter des terres arables… De notre côté, nous maintenons que la baisse du Cac est excessive et que ce dernier retrouvera les 3800 points d’ici la fin 2009. Ce dernier terminera l’année à 3936… Dans le même temps, alors que le consensus (encore lui) annonçait une récession américaine durable et plus grave que dans la zone euro, nous expliquions que le recul du PIB serait moins fort aux Etats-Unis que de ce côté-ci de l’Atlantique et que la reprise serait au rendez-vous dès l’été. Résultat des courses : la baisse annuelle moyenne du PIB en 2009 devrait avoisiner les 3,9 % dans la zone euro, contre 2,2 % outre-Atlantique. Parallèlement, le rebond de l’activité américaine a eu lieu dès l’été et s’est même intensifié au cours de l’automne, avant une nouvelle accélération en 2010. Quant à la zone euro, elle a également redémarré mais à un rythme beaucoup plus fragile, confirmant notamment que la BCE a eu tort de refuser de baisser son taux refi en-deçà de 1 %.

Autre prévision consensuelle déjouée par la réalité, celle de l’écroulement de la Chine et du monde émergent dans son ensemble. Grâce à un plan de relance efficace et à la résistance de la demande intérieure, qui a largement compensé l’impact de la baisse du commerce mondial, la Chine a très vite retrouvé la route des 9 % de croissance, entraînant dans son sillage l’ensemble des pays émergents d’Asie. Autre gagnant de la crise, le Brésil a su faire preuve, comme annoncé par nos soins, d’une forte résistance. Enfin, et comme nous l’avions également pressenti, les grands perdants du monde émergent ont été les pays d’Europe de l’Est qui ont vite pris les défauts de leurs grands frères d’Europe de l’Ouest, à savoir la mollesse économique. Du côté français, nous étions également parmi les très rares à annoncer que la croissance reviendrait dès 2009 et avions même des prévisions plus optimistes que le gouvernement, ce dernier ayant dû, devant la réalité, se rallier à « notre cause ». Pour autant, nous n’avons pas manqué de dénoncer la dérive des comptes publics et l’inefficacité croissante des dépenses publiques qui, malheureusement, ne cessent de se confirmer.

Par ailleurs, sur le front des taux d’intérêt, les taux directeurs des principales banques centrales de la planète sont bien restés bas en 2009 et les taux longs ont bien retrouvé le chemin de la hausse depuis la fin de l’automne comme annoncé. En outre, le baril s’est bien stabilisé autour des 80 dollars, qui est d’ailleurs le niveau d’équilibre que nous annoncions dès 2008 lorsque le consensus prévoyait un baril durablement au-dessus des 150, voire des 200 dollars et, par charité, nous ne parlerons pas de ceux qui anticipaient les 300 dollars pour 2009. Enfin, notre bilan 2009 reste légèrement entaché par l’évolution de l’euro/dollar. En effet, alors que, comme anticipé, l’euro a bien touché les 1,25 dollar début 2009, la politique de la BCE l’a fait remonter à deux reprises, notamment à cause d’un carry trade intempestif. En revanche, depuis que les marchés se sont rendu compte que la zone euro ne pouvait pas supporter un euro trop fort, ce dernier s’est replié, déjouant les prévisions consensuelles d’un euro à 1,60 dollar, voire à 2 dollars, pour la fin 2009. Notre objectif des 1,25 atteint début 2009 devrait donc redevenir d’actualité assez rapidement.

« Alors heureux ? » Questionneront certains face à ce bilan très favorable. Ne soyons pas hypocrites, ce bilan nous satisfait amplement et nous espérons qu’il en est de même pour l’ensemble de nos lecteurs. Pour autant, le plus dur reste à venir, à savoir, faire au moins aussi bien en 2010. Ce sont certainement ces challenges et cette remise en question permanente qui nous permettent d’avancer avec toujours les mêmes objectifs : nous tromper le moins possible et satisfaire au mieux nos clients. Excellente année à tous.                                                                                                                     Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Etats-Unis : Le chômage se stabilise, mais les destructions d’emplois perdurent.


Sur le marché du travail américain, Noël n’a donc pas eu lieu en décembre mais en novembre. En effet, ce dernier a marqué à la fois la fin des destructions d’emplois et la fin de l’augmentation du chômage.

Ainsi, en novembre, la job machine américaine a créé 4 000 emplois nets (contre une destruction de 11 000 emplois nets annoncée initialement), mettant ainsi fin à 22 mois consécutifs de destructions d’emplois. Dans le même temps, la baisse du taux de chômage a été confirmée à 10 % contre 10,1 % en octobre.

Malheureusement, alors que l’on pouvait espérer que de telles évolutions se prolongeraient en décembre, tel n’a pas été le cas. Ainsi, les destructions d’emplois sont déjà de retour et concernent 85 000 postes. De même, alors que les services avaient créé 62 000 emplois nets en novembre, ils en ont détruit 4 000 en décembre. En fait, ces évolutions rappellent simplement que l’emploi est une variable retardée de l’activité et ne peut vraiment retrouver le chemin de la hausse durable que six à neuf mois après la reprise économique, c’est-à-dire dans le cas présent au printemps 2010.

Pour autant, les chiffres de décembre ne sont pas catastrophiques. Ainsi, après avoir atteint un plus bas historique de – 4,2 % en juillet et août 2009, le glissement annuel de l’emploi se redresse progressivement pour atteindre – 3,1 % en décembre.

Mieux, l’évolution des indices « emploi » des dernières enquêtes ISM des directeurs d’achat dans l’industrie et les services indiquent que cette amélioration ne fait que commencer et va rapidement s’accélérer.

La remontée de l’emploi ne fait que commencer

Sources : BLS, ISM et Datastream

D’ailleurs, l’emploi dans le secteur des services aux entreprises a déjà enregistré son quatrième mois consécutif de hausse, ce qui porte à 196 000 le nombre total de créations d’emplois dans ce secteur depuis septembre dernier.

De plus, le nombre d’heures travaillées par semaine s’est stabilisé à 33,2, confortant la reprise entamée en novembre.

En outre, les salaires horaires ont continué de progresser de 0,2 % sur un mois et de 2,2 % sur un an, confirmant par là même que les salariés pourront continuer de consommer significativement dans les prochains mois.

Enfin et surtout, après avoir baissé de 0,1 point en novembre, le taux de chômage s’est stabilisé à 10 % en décembre. S’il n’y a évidemment pas de quoi pavoiser, cela montre néanmoins que la spirale infernale de hausse du chômage a bien été cassée. Et ceci devrait perdurer dans la mesure où les indicateurs des directeurs d’achat dans l’industrie et les services indiquent que la croissance américaine va bien se stabiliser autour des 3 % dès le début 2010.

Bientôt 3 % de croissance…

Sources : BEA, ISM et Datastream

Dans ce cadre, la baisse du chômage devrait se prolonger et surtout s’intensifier à partir du printemps prochain pour repasser sous les 9,5 % d’ici l’automne.

… et 9,5 % de taux de chômage.

Sources : BEA, BLS et Datastream

Cette situation est cependant particulièrement inconfortable pour la zone euro, car son taux de chômage est désormais identique à celui des Etats-Unis. Et ce, en dépit des multiples aides, subventions et autres perfusions publiques pour limiter le nombre de chômeurs et malgré le papy boom, c’est-à-dire la quasi-stabilisation de la population active, alors que celle des Etats-Unis continue de progresser nettement.

Etats-Unis/Euroland : 10 partout.

Sources : BEA, Eurostat et Datastream

 

C’est bien là que le bât blesse : la crise des subprimes est à l’origine américaine, mais c’est dans la zone euro que la récession est la plus forte, avec un taux de chômage identique. Pis, c’est aux Etats-Unis que la reprise sera la plus forte et que le chômage baissera le plus vite. Au match du chômage la zone euro pourrait donc bien prochainement battre l’Oncle Sam…

 

Marc Touati

 

 



 

France : la consommation soutient la croissance mais creuse le déficit extérieur.


Après un an d’amélioration quasi-continue et quatre mois consécutifs d’augmentation, l’indice du moral des ménages français calculé par l’INSEE a marqué le pas en décembre, perdant un point. Si cette évolution fâcheuse gâche un peu la période des vœux, elle ne doit pas non plus être exagérée. En effet, avec un niveau de – 31 en décembre, cet indicateur reste encore supérieur de treize points à son niveau de décembre 2008 et de 16 points par rapport à son plancher historique de juillet 2008.

De même, en perdant également un point en décembre, l’indicateur de « l’opportunité de faire des achats importants » affiche un niveau de – 20, soit 15 points de mieux qu’en décembre 2008, 19 points au-dessus du point bas de juillet 2008 et seulement 7 points de moins que sa moyenne de long terme.

Autrement dit, à la veille du début des soldes, les ménages français apparaissent toujours prêts à profiter des promotions et à consommer massivement dans les prochaines semaines.

Et ce, d’autant que leurs craintes d’augmentation du chômage continuent de reculer, passant d’un sommet de 93 en juillet dernier à 61 aujourd’hui. En d’autres termes, en dépit des dangers et des funestes prévisions consensuelles, les Français ne cèdent toujours pas aux sirènes des Cassandres et gardent une forte dose d’espoir pour 2010.

Les ménages restent inquiets mais gardent l’espoir.

Sources : INSEE et Datastream

Pour autant, il ne faudrait pas non plus tomber dans l’angélisme. Ainsi, la baisse, même limitée, de la plupart des indicateurs de l’enquête d’opinion des ménages indique que ces derniers demeurent fragiles et auraient du mal à affronter de nouvelles déceptions. Dès lors, après la perfusion des primes automobiles et le soutien des soldes, leurs dépenses de consommation devraient reculer pour la fin de l’hiver, avant de reprendre des couleurs à partir des promotions de mai-juin.

C’est là tout le problème de l’économie française : compte tenu d’un emploi moribond et d’un pouvoir d’achat anémié, les ménages sont contraints d’attendre les périodes de rabais et autres soldes pour retrouver le chemin de la dépense.

Dans ce cadre, la consommation privée devrait progresser au même rythme que le PIB, c’est-à-dire autour de 1,5 % sur l’ensemble de l’année 2010. La reprise sera donc bien là, mais la mollesse économique aussi…

Et ce d’autant que le déficit extérieur ne cesse de progresser depuis quatre mois. Après un plancher de 1,3 milliard d’euros en juillet (qui constituait un point bas depuis juin 2005), le déficit extérieur français n’a cessé de se creuser pour atteindre en novembre un sommet annuel de 5,3 milliards d’euros. Il s’agit là de la sixième plus mauvaise performance historique du commerce extérieur français, le pic ayant été atteint en octobre 2008, avec 6,16 milliards d’euros.

Sur les douze derniers mois, le déficit extérieur français atteint ainsi 41,123 milliards d’euros. Si le record annuel des 55,415 enregistré en 2008 ne sera pas battu, il est d’ores et déjà acquis que 2009 constituera la deuxième plus mauvaise année historique du commerce extérieur hexagonal.

Le déficit extérieur n’a pas dit son dernier mot.

<