Que souhaiter pour l’année à venir sur le front économique et financier ? Vaste question. Soyez tout d’abord rassurés : 2014 se présente d’ores et déjà sous de bons auspices. En effet, elle devrait être marquée par une croissance mondiale forte, d’environ 4 %. Et ce notamment grâce aux habituelles locomotives chinoises et américaines. Le PIB de l’Empire du milieu devrait ainsi croître de 8 % et celui de l’Oncle Sam de 3 %.
Pour ce dernier, l’évolution de la politique monétaire restera la clé de l’année 2014. En effet, après avoir baissé ses taux directeurs à zéro dès 2009, puis les avoir maintenus à ce plancher depuis et avoir actionné à trois reprises la planche à billets, la Réserve fédérale doit désormais retirer sa perfusion, sous peine d’engager l’économie américaine dans une phase de trappe à liquidités incurable, comme cela s’est observé au Japon pendant vingt ans. De plus, les largesses de la Fed commencent à alimenter une bulle financière qui pourrait faire mal lors de son dégonflement ou a fortiori de son éclatement. Il faudra donc assez rapidement inverser cette tendance dangereuse en 2014.
Après avoir sauvé l’Amérique, Ben Bernanke a déjà préparé le terrain le 18 décembre dernier, tout en se gardant bien de prendre des mesures trop abruptes à un mois d’une retraite bien méritée. C’est donc à “Mamie” Yellen que reviendra la lourde tâche de couper la perfusion ou du moins de la réduire, vraisemblablement à partir du printemps-été 2014. Une vague de remontée des taux longs et de correction baissière des marchés boursiers devrait alors s’imposer. Elle ne sera néanmoins que temporaire, dans la mesure où la croissance américaine devrait résister et où l’économie chinoise devrait rester soutenue.
Quant au Japon, il devrait poursuivre sa lente sortie des enfers de la déflation, notamment grâce à un yen plus faible et à un policy mix (politique monétaire et budgétaire) toujours très accommodant. Pour autant, avec une dette de plus de 240 % du PIB, il ne faut pas rêver : le Japon pourra certes renouer durablement avec une croissance d’environ 1,5 %, mais n’aura plus les moyens de redevenir une locomotive de la croissance mondiale. De quoi rappeler que l’Empire du soleil levant paiera encore longtemps ses erreurs stratégiques des années 1990, en particulier un yen trop fort. Une leçon que les Européens devraient méditer.
Et justement sur ce point, après deux ans de recul, la zone euro devrait enfin enregistrer une variation positive de sa richesse, ce qui ne s’est donc plus produit depuis 2011. Mais, là aussi, ne rêvons pas, cette croissance ne dépassera pas la barre des 1 %. Il faut dire qu’avec un euro à plus de 1,37 dollar, l’amélioration conjoncturelle du second semestre 2013 et les perspectives relativement favorables pour 2014 sont déjà en danger.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’euro devra forcément reprendre le chemin de la baisse. Selon nous, il reviendra ainsi progressivement vers son niveau d’équilibre, en l’occurrence 1,20 dollar pour un euro. Ne l’oublions pas : tant que ce ne sera pas le cas, la croissance restera faible et la rechute menacera la zone euro.
Dans ce cadre, la crise de la dette publique pourrait revenir un peu partout et en particulier en France, qui reste le seul pays de la zone euro à refuser de moderniser son économie. En effet, alors que tous ses voisins, y compris ceux du sud, ont réussi à réduire le poids des dépenses publiques dans leur PIB et à contenir leur pression fiscale, tout en fluidifiant leur marché du travail, l’Hexagone continue d’être guidé par le dogmatisme et nie les évidences.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : alors que le ratio dépenses publiques/PIB est de 57,1 % dans l’Hexagone (le niveau le plus élevé de la zone euro juste derrière la Finlande avec 57,8 %) et pourrait même atteindre un nouveau record historique en 2014, il n’est « que » de 49,8 % pour l’UEM dans son ensemble et de 44,8 % en Allemagne. Les niveaux observés dans les pays « en crise » sont également bien loin du nôtre : 51 % en Italie, 48 % au Portugal, 47 % en Grèce, 45 % en Espagne et 42 % en Irlande.
A l’évidence, nous sommes loin du compte et même si la France se targue d’avoir le meilleur modèle social du monde, avec un taux de chômage à 11 %, une pauvreté en expansion, des inégalités croissantes et des plans de licenciements en développement permanent, il faudrait peut-être redescendre sur terre et arrêter de se voiler la face. Les atermoiements gouvernementaux autour de la baisse factice du chômage montrent que malheureusement, le dogmatisme et le déni de réalité ont la vie longue.
Certes, jusqu’à présent, les marchés obligataires n’ont pas trop pris ombrage de cette stratégie suicidaire. Cependant, 2014 pourrait bien être marquée par une nette remontée des taux d’intérêt des obligations d’Etat un peu partout dans le monde développé et surtout en France. Le taux des OAT à dix ans pourrait ainsi se rapprocher des 4 % d’ici l’automne. Un cercle pernicieux « désinvestissement-récession-chômage » s’en suivrait, plongeant l’Hexagone dans une crise sociétale sans précédent.
La question est donc de savoir si les dirigeants du pays auront alors le courage de faire un virage à 180 degrés et de mener enfin les réformes structurelles qui s’imposent depuis vingt ans et qui n’ont toujours pas été mises en place. Si tel est le cas, la France pourra sortir de la crise. Ce faisant, l’Allemagne serait certainement prête à mettre de l’eau dans son vin (ou plutôt dans sa bière), acceptant un euro moins fort et une BCE encore plus conciliante. Dans ce cadre, la zone euro retrouverait enfin le chemin de la crédibilité et de la croissance forte. C’est là le principal vœu que je forme pour 2014 : que le « quitte ou double » qui va se jouer dans l’Hexagone et pour l’ensemble de l’Europe devant nos yeux trouve une issue favorable…
Marc Touati