Hollande, fiscalité, croissance : Ca va faire mal… (E&S n°271)

Humeur :

France : c’est bientôt la fin…

« Ouf ! » Telles sont les quelques lettres qu’a dû prononcer François Hollande lors de la libération des otages français au Niger. En effet, empêtré dans la grotesque « affaire Léonarda », qui a pris des proportions démesurées, puis dans la crise bretonne et, enfin, dans le capharnaüm de l’écotaxe, cet heureux dénouement tombe à pic pour permettre au Président français de reprendre ses esprits et de souffler quelque peu. Espérons simplement qu’il profitera bien de ces instants d’apaisement, car le plus dur, c’est maintenant !

Loin de nous la volonté de jouer aux « déclinologues » ou aux oiseaux de mauvais augure. Bien entendu, nous aimerions annoncer que le retour de la croissance forte est imminent, que le déficit public de la France va nettement reculer en 2014, que le gouvernement mène une politique économique courageuse. Seulement voilà, si la méthode Coué peut avoir du bon à court terme, elle devient rapidement dévastatrice lorsqu’elle n’est pas suivie d’effets concrets. Or, cela fait désormais six ans que les dirigeants du pays s’obstinent à annoncer que la crise est finie, que le PIB va croître de plus 2 % par an, que le chômage va baisser, que le déficit et la dette vont reculer… En vain… Pis, la situation effective est exactement l’inverse de celle qui a été présentée par des gouvernants sûrs d’eux et qui n’hésitent pas à employer tous les moyens pour faire taire ceux qui ne pensent pas comme eux.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : Depuis 2008, la progression annuelle moyenne du PIB français a été de 0 %, le taux de chômage est passé de 7,5 % à 11 %, le déficit public a représenté en moyenne 5,6 % du PIB et le ratio dette publique/PIB a flambé de 66 % à 93,4 % au deuxième trimestre 2013. Il atteindra 100 % l’an prochain.

Dans le même temps, le poids des dépenses publiques dans la richesse nationale est monté de 52,6 % à 57,1 %. Sur les 188 pays recensés par le FMI, il n’y en a que huit qui font mieux, ou plutôt pire que nous. Deux pays développés : la Finlande et le Danemark (avec des poids de respectivement 57,8 % et 58,4 %) et six en développement : les îles Marshall, le Lesotho, la Micronésie, la Lybie, l’archipel des Tuvalu et les îles Kiribati. De quoi nous dépayser mais surtout nous inquiéter : la France est non seulement le 180ème sur 188, mais elle est également le seul grand pays de la planète à se complaire dans une telle gabegie de dépenses publiques. Le numéro 179, en l’occurrence la Belgique, n’est qu’à 53,9 %. Même les pays du Sud de l’Europe, pourtant souvent décriés, affichent des poids de dépenses publiques bien moins élevés : 51,1 % pour l’Italie, 48,6 % pour le Portugal et même 47 % pour la Grèce. Que dire alors de l’Allemagne avec un niveau de 44,8 %.

A la rigueur, si cette boulimie française produisant de la croissance, il serait encore possible de la supporter. Mais, comme nous l’avons expliqué plus haut, il n’en est rien. Il est donc grand temps que cela change. Malheureusement, en dépit de ces réalités aussi tristes qu’évidentes, de nombreux Français, et en particulier les dirigeants du pays, refusent de réduire les dépenses publiques inefficaces, et notamment celles de fonctionnement. Ils préfèrent continuer d’augmenter les impôts, dont le poids dans le PIB (46,1 %) atteint lui aussi des sommets très dangereux.

Mais, n’en déplaise à certains, de plus en plus de citoyens n’en peuvent plus. Jusqu’à présent, les victimes du « ras-le-bol » fiscal témoignaient de leur malaise sans faire trop de bruit, se contentant tout simplement de quitter notre douce France. « Qu’ils partent ! Ce sont des traitres !» leur lançaient hargneusement les Mélenchon et autres partisans de la « l’égalisation par le bas ». Et c’est bien là que le bât blesse. Car si les plus favorisés ont les moyens de partir sont trop de dégâts, si ce n’est une réduction des recettes fiscales de l’Etat, les autres, c’est-à-dire la très grande majorité des Français sont contraints de rester et de payer la facture. D’où une vague d’appauvrissement de la classe moyenne, qui, elle aussi, est désormais touchée par le trop plein fiscal.

En revanche, si les « méchants » exilés fiscaux sont partis sur la pointe des pieds, les « gentils » contribuables pris au piège ne manquent pas de crier haut et fort leur mécontentement. A tel point qu’en moins d’une semaine, le gouvernement a dû engager deux reculades en matière fiscale : la première sur la stupide taxation avec effet rétroactif de certains produits d’épargne grand public jusqu’à présent défiscalisés et la seconde sur la fameuse « écotaxe », créée par Jean-Louis Borloo et qui en a très vite abandonné la paternité devant la fronde sociale. De quoi rappeler qu’en politique, le courage se fait particulièrement rare…

Dans la mesure où la pression fiscale française est déjà l’une des plus élevées du monde, décider de ne pas l’augmenter est a priori une bonne chose. Le problème est que ce double revirement nuit encore à la crédibilité économique du gouvernement, qui n’est déjà pas plus haute que trois pommes. Et ce d’autant que compte tenu du refus de réduire les dépenses publiques et de l’absence de rentrées fiscales suffisantes, le déficit public va mécaniquement augmenter. Il sera proche de 4,5 % du PIB en 2013 et d’environ autant l’an prochain. Autrement dit, à l’instar de celles effectuées sur le front du chômage, les promesses de baisse du déficit et de la dette ne seront pas tenues.

Dans ce cadre, si les agences de notation veulent retrouver un peu de crédit, qui, lui-aussi, est particulièrement bas, elles sont désormais contraintes de dégrader nettement la note de la dette publique française. Celle-ci devrait intervenir au cours des prochaines semaines et au plus tard en janvier 2014. Dès lors, jusqu’à présent bienveillants à l’égard de la France, les marchés obligataires devraient consacrer une forte hausse des taux d’intérêt des obligations du Trésor français. Cette tension replongera l’Hexagone dans la récession, l’augmentation massive du chômage, des déficits et de la dette… Un nouveau cercle pernicieux s’engagera alors et Dieu seul sait comment il se terminera…

Marc Touati



Quid de l’économie et des marchés cette semaine :

La paralysie fiscale, c’est maintenant !


Après le « ras-le-bol fiscal », la « pause fiscale » et la « stabilité fiscale », voici venu le temps de la paralysie fiscale. Les couacs en cascade sur la fiscalité française semblent effectivement avoir entraîné le gouvernement dans une voie sans issue. Une véritable impasse fiscale qui fait peser un risque sur la confiance des consommateurs et entrepreneurs nationaux et, plus largement, sur la croissance française… déjà bien molle.

Le gouvernement français, ultime fan de Michael Jackson ?

Comment vous convaincre de lire ce qui va suivre ? Car je vous vois venir ; « encore un article sur la cacophonie fiscale et sur l’amateurisme du gouvernement ». Ce dernier semble pourtant prendre un malin plaisir à tendre le bâton pour se faire battre. Mais ce qui se joue là va en fait bien au-delà de la simple critique. En effet, les trop nombreuses séquences fiscales de ces dernières semaines ont plongé le pays dans une situation de méfiance généralisée inédite depuis les évènements de mai 1968. A tel point qu’il semble désormais impossible de réformer le pays sans craindre une révolte sociale.

En cause, le jeu dangereux joué par le gouvernement dans le cadre de l’élaboration du budget 2014. De nombreux tests ont effectivement été mis en place afin d’apprécier la tolérance des français face à l’impôt. Tout d’abord, il y a eu l’épisode de la taxe sur l’EBE. Conçue par des énarques souvent déconnectés de l’économie réelle, cette taxe visait les entreprises dont les sommes consacrées à l’amortissement des investissements sont élevées. Une mesure clairement contre incitative pour un pays où l’investissement privé ne cesse de reculer depuis presque deux ans.

Puis c’est l’affaire de la rétroactivité sur la fiscalité de l’épargne longue des français qui a occupé la scène médiatique durant toute une semaine. Certains placements qui bénéficiaient jusque-là d’une fiscalité allégée (assurance vie, PEA et PEL), étaient en effet sur le point d’être taxés à hauteur de 15,5%, quelle que soit l’année où les gains ont été réalisés. Une rupture unilatérale et fourbe du contrat de confiance entre l’Etat et les épargnants pour la modique somme de 600 millions d’euros. Et de surcroît, un gouvernement atteint d’une réelle schizophrénie qui ne cesse d’encourager les français à placer leurs disponibilités dans des placements longs.

Sous couvert d’une capacité « d’écoute » et de « dialogue », le gouvernement a finalement abandonné les projets de taxation sur l’EBE et sur l’épargne longue. Un rétropédalage fiscal digne du moonwalk, ce célèbre pas de danse popularisé par Michael Jackson. A en croire Wikipédia en effet, il s’agit d’une gesticulation où un « danseur se déplace à reculons tout en créant l’illusion par ses mouvements corporels qu’il est en train de marcher vers l’avant ». De la même manière, le gouvernement est passé maître dans l’art du moonwalk fiscal ; la réflexion collégiale des fonctionnaires de Bercy, la validation à Matignon, l’approbation en Conseil des ministres et l’effet d’annonce précèdent ainsi l’annulation pure et simple, le flou total des observateurs et la confusion généralisée des français.

Et comme si cela n’était pas suffisant, c’est une cerise sur le gâteau (fiscal) qui est venue mettre le feu aux poudres. Une fiscalité écologique, appelée écotaxe qui a provoqué la colère de nombreux professionnels bretons. Une violente révolte régionale susceptible, selon certains services des Renseignements Généraux, de s’étendre à d’autres territoires tels que l’Alsace, le Pays basque et même la région niçoise. Un risque réel d’insurrection ? Possible. C’est ainsi que le premier ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé la suspension pour une durée indéterminée de l’écotaxe, une mesure qui garantissait pourtant à l’Etat une recette fiscale d’environ un milliard d’euro.

Si la suspension de l’écotaxe (à défaut de sa suppression prochaine) permet au gouvernement de garder temporairement le contrôle de sa politique, nul doute que sa crédibilité, déjà bien entachée, devrait être réduite à néant dans les semaines à venir. En témoigne notamment la réaction de la CGPME, représentant des patrons des petites et moyennes entreprises, qui n’hésite pas à déclarer la guerre au gouvernement ; « toute nouvelle taxe connaîtra désormais le même sort ». A force de jouer avec le feu, le gouvernement s’est donc brûlé et se trouve à présent dans une situation de paralysie fiscale qui était pourtant prévisible.

Une rigueur balbutiante qui s’avère inacceptable et intenable

La révolte bretonne constitue ainsi un précédent renvoyant les politiques face à leurs responsabilités. A présent en effet, le réflexe de la fiscalité ne pourra plus être un automatisme permettant de financer les excès de l’Etat providence, sous peine de révoltes régionales coordonnées. Comment la France, deuxième puissance européenne et cinquième puissance mondiale a-t-elle pu en arriver là ? Il s’agit tout simplement de la conséquence de quarante années de déficits cumulés qui ont créé un stock de dette monstrueux de quasiment 2 000 milliards d’euros, soit 93,5% du PIB. Or, les remèdes permettant d’alléger le fardeau du poids de la dette ne se comptent que sur les doigts d’une main.

La première piste de réflexion pouvant être envisagée a trait à l’inflation. Une hausse générale des prix permet en effet de diminuer le stock réel de la dette sans même que de douloureuses réformes structurelles ne soient mises en place. Une solution miracle préconisée notamment par le FMI et plus précisément par son économiste en chef Olivier Blanchard dans un rapport de 2010. Celui-ci mettait alors en évidence qu’une cible d’inflation de 4% permettrait de soulager l’endettement des économies occidentales. Une solution néanmoins impossible. Tout d’abord, parce que le dogmatisme des banques centrales est très fort ; « 4% ? Pourquoi pas 5%, 6%, 7% ? », se demandait ainsi Ben Bernanke face au Congrès américain en 2010. Mais aussi parce que l’Europe est dominée par l’Allemagne dont le traumatisme lié à l’hyperinflation des années 1920 ne s’éteindra probablement jamais.

La croissance économique constitue alors le deuxième remède contre l’endettement public. Une bonne nouvelle à priori pour la France puisque le budget 2014 table sur une prévision de croissance de 0,9%. Force est néanmoins de constater que des zones d’ombre demeurent quant à la réalisation d’un tel scenario. En effet, l’instabilité fiscale brise progressivement la confiance des entreprises, élément qui ne favorise pas la reprise de l’investissement ni des embauches. Par ailleurs, le déficit de compétitivité dont souffre l’hexagone vis-à-vis de ses voisins, conjugué à un euro de plus en plus fort ne devrait pas permettre le rétablissement de la balance commerciale. Enfin, que dire du pouvoir d’achat des français qui se trouve sans cesse grignoté par la fiscalité directe ou indirecte (comprenez la répercussion des taxes sur le consommateur final).

Alors que les remèdes « inflation » et/ou « croissance » ne sont pas à l’ordre du jour, la France n’a pas d’autre choix que d’agir à l’instar des pays d’Europe du sud. C’est ainsi qu’une rigueur balbutiante s’est progressivement mise en place. Une rigueur néanmoins inacceptable et intenable. Inacceptable car elle consiste en une hausse de la fiscalité et ne s’attaque pas (ou très peu) à la dépense publique, qui pour mémoire constitue près de 57% du PIB. Intenable car les français ont décidé d’agir comme le prouvent les affaires sur l’EBE, le PEA et maintenant sur l’écotaxe. Une paralysie fiscale forcée qui devrait contraindre le gouvernement à aller chercher les économies là où elles se trouvent réellement, à savoir dans les dépenses de fonctionnement de l’Etat.

La rentrée de tous les dangers que nous vous annoncions au mois de juillet semble ainsi se matérialiser avec, certes, un mois de retard. Le gouvernement ne parvient en effet toujours pas à boucler son budget et le moonwalk fiscal pourrait lui coûter quasiment deux milliards d’euros. En outre, comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, il se pourrait que la réforme des retraites soit rejetée par le Sénat. Il ne manquerait plus que l’Allemagne et la Commission européenne s’en mêlent pour attirer les foudres des agences de notation.

A l’heure où l’Europe renoue avec des taux de croissance positifs, la paralysie fiscale dans laquelle le gouvernement français est en train de s’embourber constitue un risque très sérieux. Car cela faisait bien longtemps que le risque économique et surtout social n’avait pas été aussi fort en France. Une véritable bombe à retardement qu’il convient de désamorcer au plus vite pour sauver la France… et l’Europe.

 

Anthony Benhamou

 



Les évènements à suivre du 4 au 8 novembre :


Risques de mauvaises surprises des deux côtés de l’Atlantique.


 

Calendrier complet des statistiques et évènements de la semaine :

Nos prévisions économiques et financières pour 2013-2014 :

Pour visualiser les tableaux et graphiques, merci de consulter le fichier pdf