Dette publique américaine : Armageddon ou happy end ?

Dans l’attente d’un accord sur la renégociation du plafond de la dette américaine, êtes-vous inquiet ?

Marc Touati : C’est quitte ou double. Si Républicains et Démocrates ne parvenaient pas à un accord d’ici le 17 octobre, nous risquerions d’entrer dans une crise de type Lehman Brothers à la puissance 10. Même s’il est fort probable qu’un compromis sur le plafond de la dette va être à nouveau trouvé, quelques jours après le compromis sur le budget, il n’en reste pas moins que le « shutdown » a affecté l’activité et le moral des consommateurs. Il va laisser des traces. Il met aussi en lumière le surendettement des Etats-Unis. Barack Obama devrait cesser d’augmenter les dépenses publiques.

Pourquoi garder un plafond de la dette ?

M.T : En soi, c’est un principe louable mais le fait de le renégocier tous les six mois n’a plus grand sens. Toutefois, soyons clairs, le problème de la dette publique américaine est moins grave qu’en Europe car les Etats-Unis génèrent encore assez de croissance pour rembourser les intérêts de la dette et créer des emplois.

Cette crise de la dette américaine pourrait-elle frapper durement la zone euro ?

M.T : Nous étions en train de sortir la tête de l’eau mais cette nouvelle crise arrive effectivement à un très mauvais moment et pourrait réactiver le sceptre de la crise de la dette en Europe si la panique gagnait les marchés. Pour le moment, le retour du risque systémique a été écarté mais sans résoudre le problème de fond qui frappe l’Europe : l’absence de croissance. Cela fait six ans que la zone euro est privée de croissance !

Que doit faire un investisseur en Bourse ?

M.T : Il faut être prudent car la volatilité va rester forte. Même si un accord est trouvé à Washington, le rally qui va suivre ne devrait pas durer longtemps car on ne fera que repousser le problème de quelques mois. Avec un Cac 40 autour de 4.200 points, il est préférable de prendre ses bénéfices, quitte à se repositionner plus tard.

Problèmes politiques aux Etats-Unis, absence de croissance en Europe, pays émergents en plein doute etc. Le tableau n’est finalement guère encourageant et pourtant les indices boursiers affichent une forme certaine. Pourquoi ?

M.T : Nous sommes en période d’attentisme. Américains et Européens sont surendettés et ont peu de marges de manoeuvre, ce qui rend la situation potentiellement plus dangereuse qu’en 2008. La normalisation des relations entre l’Iran et les Etats-Unis et la non-intervention occidentale en Syrie ont justifié -en partie- le récent rally boursier mais il n’y a guère de raisons pour que cette hausse se poursuive.

Vous étiez particulièrement critique envers Jean-Claude Trichet quand il dirigeait la BCE. Etes-vous satisfait de l’action de Mario Draghi ?

M.T : Oui. La réactivité de Mario Draghi, les mesures qu’il a prises depuis la crise de 2011, sans même qu’il fut nécessaire de changer les traités, ont démontré que mes critiques envers Jean-Claude Trichet étaient fondées. Si le prédécesseur de Mario Draghi était resté à la tête de la BCE, je ne suis pas sûr que la monnaie unique existerait encore !

Propos recueillis par Julien Gautier