Alors que l’élève Fillon – qui a été à bonne école – s’évertue à occuper le terrain médiatique, le maître en la matière, j’ai nommé Nicolas Sarkozy, n’entend pas se laisser damer le pion. Ceci explique son médiatique déplacement en Haute-Savoie, durant lequel il devait officiellement remettre la Légion d’honneur à l’ancien député UMP Claude Birraux, ainsi que sa tournée actuelle dans le sud marquée par des bains de foule galvanisants. « Speedy Sarko » referait-il lentement surface ? Alors que la moindre de ses apparitions est un coup de tonnerre médiatique, l’équation s’annonce complexe pour l’ancien chef de l’Etat.
En effet, Nicolas Sarkozy qui reste officiellement hors du jeu politique doit jouer finement cette partie. Concrètement, il doit continuer à exister tout en restant au-dessus de la mêlée. Il doit prendre de la hauteur tout en descendant parcimonieusement dans l’arène. Bien sûr les dérapages sont fréquents et c’est inéluctable. Ainsi, en Haute-Savoie, le retraité le plus actif de France a profité de son apparition publique pour non seulement critiquer le droit d’inventaire à son égard mais également pour s’attaquer à la politique nucléaire de François Hollande… Ce faisant, il sort clairement de son positionnement officiel puisque ce type de commentaire incombe normalement aux ténors actifs de l’opposition. Sarkozy est donc bien un vrai faux retiré de la politique comme le laissait augurer sa déclaration post défaite en 2012, « je vous servirai autrement », qui laissait planer un flou artistique volontaire.
L’exercice du pouvoir et la politique sont des drogues dures et celui qui fut maire de Neuilly à 28 ans en est encore lourdement dépendant. Si l’envie de revenir est bel et bien présente, tout est désormais une question de méthode et de timing. L’ancien chef de l’Etat a une très haute opinion de lui-même et pour lui, seule la crise économique a « plombé » son quinquennat, amputant ses chances de réélection. Il est également craint et il le sait. A commencer par Fillon, Copé et Juppé, ses principaux rivaux pour 2017 qui, il est vrai, ne lui arrivent pas à la cheville. Il est également redouté par François Hollande qui sans l’admettre voit en lui son plus sérieux rival pour les prochaines présidentielles.
Comme François Mitterrand en son temps, Nicolas Sarkozy laisse le temps faire son œuvre et espère que le contexte économico-politique tournera en sa faveur. Le scénario idéal pour lui serait le suivant : échec de la gauche aux municipales et aux Européennes, aggravation de la récession et du chômage, envolée des tensions sociales et forte percée du Front National. Tout cela avec un François Hollande sous perfusion et attaqué de toutes parts. La France deviendrait alors le Titanic sans véritable commandant de bord à la merci des « pirates du FN » et il apparaîtrait comme l’homme providentiel capable de sauver le navire.
Cependant, il est vrai que le candidat malheureux des dernières présidentielles a un lourd passé pour ne pas dire un passif, que ce soit à propos de ses méthodes ou de son bilan économique, sans parler de la sécurité. Ensuite, il ne faut pas oublier que l’élection de 2012 fut davantage marquée par un rejet de sa personne que par une véritable adhésion à François Hollande. Le désamour des Français à l’égard de l’ancien chef de l’Etat est toujours très profond. Néanmoins, si le scénario évoqué précédemment se réalisait, Sarkozy se retrouverait en position de force. Certes, il est frappé par des affaires et notamment la confirmation de sa mise en examen dans le dossier Bettencourt, mais les Français ont la mémoire courte… La réélection de Jacques Chirac en 2002 l’a prouvé. Nicolas Sarkozy a donc toutes ses chances pour 2017 et il n’a pas fini de s’agiter…
La phrase de la semaine :
« Selon mes informations, des ministères comme l’Equipement ou Bercy n’auront bientôt plus de quoi se payer un taille-crayon. » Du député UMP Gilles Carrez au sujet de la réduction annoncée des dépenses publiques.
Jérôme Boué