Le Président Hollande et le gouvernement Ayrault ont beau multiplier les effets d’annonce et user à l’excès de la méthode Coué, la réalité est malheureusement bien différente. Tout d’abord, de plus en plus de statistiques, bizarrement occultées par le plus grand nombre, ne cessent de confirmer que le tube de l’été « la reprise est là » ne passera pas l’automne. Comme la liste est longue, nous ne citerons que les évolutions les plus marquantes et par là même les plus inquiétantes : baisse annuelle de 10,9 % des immatriculations de voitures neuves en août ; recul de 0,6 % de la production industrielle en juillet, après déjà une baisse de 1,4 % en juin ; cinquième trimestre consécutif de baisse de l’emploi marchand (soit 155 300 destructions d’emplois nettes depuis le deuxième trimestre 2012) ; indices PMI des directeurs d’achat dans l’industrie et les services toujours faibles, avec des niveaux de respectivement 49,7 et 48,9 en août, ce qui indique que l’activité ne redémarre toujours pas significativement ; enfin, annonce par les chefs d’entreprise interrogés par l’INSEE d’une baisse de 6 % des investissements en valeur dans l’industrie manufacturière.
A l’évidence, nous sommes très loin de la reprise forte et très proche d’une rechute dans les tous prochains mois. Et ce, d’autant que les taux d’intérêt des emprunts d’Etat ont repris le chemin de la hausse, passant de 1,6 % en mai dernier à plus de 2,6 % aujourd’hui. Pis, cette tension devrait se poursuivre et accélérer au cours des prochains trimestres. En effet, jusqu’à présent les investisseurs ont été plutôt bienveillants à l’égard des bons du Trésor français. Il faut dire qu’avec la facilité de caisse illimitée donnée par la BCE aux banques, celles-ci achètent massivement des obligations d’Etat et notamment de l’Etat français. De même, davantage inquiétés par les risques militaires en Syrie, les marchés ont quelque peu délaissées les préoccupations de déficits publics. Seulement voilà, il faudra tôt ou tard se réveiller et reconnaître que la situation des finances publiques françaises est bien plus grave qu’anticipé.
Le gouvernement commence d’ailleurs à admettre que les déficits seront bien plus importants que prévu. Ce n’est pas trop tôt. Mais que de retard et de contorsions… Faut-il effectivement rappeler qu’en décembre 2012, Monsieur Ayrault maintenait, coûte que coûte, que le ratio déficit public/PIB serait de 3 % en 2013 (!). A l’époque, nous soutenions que ce dernier serait d’au moins 4 %, et on nous disait : « oh non, vous allez trop loin, vous être trop pessimistes ! » Et pourtant ! Après avoir révisé leur prévision à 3,7 %, le gouvernement et son ministre de l’économie nous parlent désormais d’un niveau de 4,1 %. En fait, il sera plutôt de 4,5 %, soit 1,5 point de plus que la prévision gouvernementale initiale.
Face à ce dérapage insupportable, on aurait pu attendre du gouvernement un virage à 180 degrés de sa politique économique. Mais, non, une fois encore, le dogmatisme l’emporte. Ainsi, bien loin de la pause fiscale tant annoncée, les impôts vont encore augmenter en 2014, sachant qu’ils ont déjà atteint des niveaux historiques et confiscatoires en 2013. Dans le même temps, on nous promet bien sûr une baisse de 15 milliards des dépenses publiques, sans nous dire comment elle s’opérera et surtout en omettant de souligner qu’il ne s’agit en fait que d’une moindre augmentation par rapport à la hausse tendancielle qui était initialement prévue.
Autrement dit, Mesdames, Messieurs, nous avons la tristesse de vous annoncer qu’après avoir déjà atteint des sommets historiques en 2013, les ratios prélèvements obligatoires/PIB et dépenses publiques/PIB vont encore battre des records en 2014. Le premier devrait passer de 46,5 % à 47 % et le second de 57 % à 57,5 %. D’où une question basique mais vitale : jusqu’où allons-nous aller ?
Le gouvernement lui-même commence à admettre l’idée d’un ras-le-bol fiscal. Pourtant, il continue d’augmenter la pression fiscale. A croire qu’il souffre d’une véritable crise de schizophrénie. Et c’est bien là que le bât blesse. Car, à force de ponctionner les entreprises et les ménages, tout en augmentant les dépenses publiques de fonctionnement, le gouvernement est en train de casser la corde qui permettait aux entreprises de continuer à investir et à embaucher malgré une pression fiscale et réglementaire prohibitive.
En d’autres termes, il est en train de casser l’envie d’entreprendre, d’investir, d’embaucher, de consommer. Or, sans envie, pas de croissance, ni d’emploi, donc plus de chômage et de déficit public. De quoi accroître le besoin de financement de l’Etat, tout en réduisant la crédibilité (déjà bien faible) de ce dernier, qui devra alors payer des taux d’intérêt de plus en plus élevés. D’où une nouvelle vague de baisse de l’investissement et de la croissance, donc plus de déficits, plus de dette et le cercle pernicieux continuera et s’envenimera.
Si le Président Hollande et le gouvernement Ayrault veulent sortir la France de la crise, ils doivent donc très vite redonner l’envie aux entreprises et aux ménages français. Non avec des beaux discours, des projets industriels qui sortent d’un chapeau et des belles promesses qui n’engagent que ceux qui y croient, mais avec des mesures concrètes. Voici celles qui nous paraissent indispensables : baisse des impôts pour tous (notamment l’impôt sur les sociétés et la CSG, ce qui permettrait de donner du pouvoir d’achat à tous très rapidement), vraie diminution des dépenses publiques, notamment de fonctionnement, réduction du coût du travail et des rigidités qui pèsent sur le marché de l’emploi. Voilà ce dont l’économie française a besoin pour retrouver l’espoir, le dynamisme et la croissance forte.
En revanche, si les dirigeants français continuent de se voiler la face, de faire de la méthode Coué et de favoriser le dogmatisme, alors la sanction tombera : les taux d’intérêt des obligations à dix ans de l’Etat français se tendront fortement, au moins à 3,5 %, et la récession reviendra. Et oui, en économie, comme en géopolitique, ce qui compte ce ne sont pas les mots, mais les actes…
Marc Touati