La France confrontée à la rentrée de tous les dangers…

La dégradation récente de la France par l’agence de notation Fitch n’a guère surpris les marchés. Depuis bien longtemps en effet, les investisseurs internationaux ont intégré le fait que l’Hexagone n’est plus un membre du club (de plus en plus) restreint des pays notés AAA. En revanche, à l’aube des vacances d’été et du retour des beaux jours, cette dégradation sonne clairement comme un avertissement…

 

Un vent d’optimisme dans une conjoncture nettement dégradée

« La cigale, ayant chanté tout l’été, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue ». Tels sont les premiers vers d’une célèbre fable de Jean de La Fontaine dans laquelle une cigale oisive réclame de quoi manger à une fourmi travailleuse et économe. Une fable qui pourrait s’apparenter à celle que François Hollande a contée aux français lors de son intervention du 14 juillet dans les jardins fleuris de l’Elysée. Un entretien volontairement court dans lequel le président français a souhaité apaiser les craintes de ses concitoyens avant qu’ils ne partent en vacances. Et pour cause, entre crise économique, scandale politique et conflits sociaux, le premier semestre n’a pas été de tout repos.

Le bal des mauvaises nouvelles débuta le 14 février. A l’heure où certains célébraient la fête des amoureux, on apprenait en effet que l’année 2012 avait été du point de vue de la croissance économique une année blanche. Techniquement pourtant, la récession fut évitée… mais seulement de peu. C’est finalement le 15 mai que le couperet tomba avec l’entrée officielle de l’Hexagone en récession, une première depuis 2009. Et alors que le chômage poursuivait son ascension et que des efforts supplémentaires étaient demandés aux Français pour atteindre la cible budgétaire des 3% (abandonnée depuis), l’affaire Cahuzac éclata. Quand Docteur Jérôme affirmait devant l’Assemblée nationale qu’il n’eut jamais de compte à l’étranger, « ni maintenant, ni avant », Mister Cahuzac admettait en fait détenir un compte non déclaré en Suisse. Une véritable déroute politico-financière qui entacha la crédibilité d’un gouvernement où les couacs sont malheureusement monnaie courante. Enfin, comme si cela n’était pas suffisant, de fortes tensions sociétales apparurent sur la question du mariage pour tous, scindant ainsi la société en deux camps, visiblement prêts à en découdre.

A la veille des vacances, il fallait donc rassurer et permettre aux français de retrouver un moral, jusque-là en berne. Si dans un premier temps la fête de la musique a été un facteur de rassemblement, il fallait de toute évidence quelque chose d’encore plus fort pour faire oublier une première partie d’année qui fut extrêmement agitée. Ainsi, après le désormais tristement célèbre « la crise de la zone Euro est terminée » lancé début juin lors de sa visite au Japon, François Hollande a annoncé ce 14 juillet à tous les français une excellente, et pour le moins inattendue, nouvelle : « la reprise est là ». S’il est pour le moment difficile de localiser précisément la reprise, le président français s’est enorgueilli de la relative bonne tenue des marchés boursiers ainsi que des faibles taux d’intérêts sur les obligations souveraines. Un vent d’optimisme couronné par de formidables feux d’artifice, censés présager d’un été calme et ensoleillé. Mais attention, à vouloir trop chanter durant tout l’été, la France pourrait, à l’instar de la cigale, être priée de danser à la rentrée…

 

Un september effect sur la bulle obligataire française

Le mois de septembre constitue effectivement celui de tous les dangers. De nombreux chantiers devront en effet être mis en œuvre, dont notamment celui portant sur la réforme des retraites. Un dossier qui pourrait s’avérer douloureux tant les distorsions au sein même de la majorité gouvernementale sont grandes. Et quand François Hollande appelle à l’apaisement, les syndicats annoncent d’ores et déjà qu’ils exprimeront leur mécontentement dans la rue, à la rentrée. La réussite de cette réforme est pourtant fondamentale pour asseoir la crédibilité de la France, et plus précisément celle de son président, auprès de la Commission européenne. Pour rappel en effet, le 29 mai dernier, un sursis budgétaire a été accordé à la France par Bruxelles à la condition que des réformes structurelles soient mises en place, dont évidemment celle des retraites.

Le mois de septembre coïncide par ailleurs avec l’élaboration du budget de 2014 ainsi que les premières estimations du déficit public de l’année en cours. Une fois encore, la crédibilité de la France sera testée, non plus seulement par Bruxelles, mais également par les marchés et par les Français. Deux scenarii sont dès lors envisageables. Premièrement, le gouvernement annonce que le déficit public prévisionnel pour 2013 est au maximum de 3,7% (comme le prévoit la trajectoire budgétaire de la Commission européenne) ; la France enverra alors un signal positif aux agents économiques, et des éléments de reprises pourront effectivement être constatés. Deuxièmement, le scenario catastrophe où le gouvernement anticipe un dérapage des finances publiques relativement aux préconisations de Bruxelles, participant ainsi à plonger l’Hexagone dans une profonde récession économique.

En dépit des discours politiques rassurants, le scénario catastrophe est bel et bien crédible. Tout d’abord parce que les fondamentaux de la France ne sont pas bons, comme en témoigne ces six dernières années de croissance nulle. Mais également parce que les mois de septembre et d’octobre sont empiriquement annonciateurs de mauvaises nouvelles sur les marchés. A titre d’illustration, le krach boursier du 24 octobre 1929 a précédé la grande dépression, tandis que la chute de Lehman Brothers le 15 septembre 2008 a asphyxié l’économie mondiale. Un paramètre psychologique clairement non négligeable. Un september effect pourrait donc s’emparer du marché de la dette souveraine française, synonyme de remontée brutale des taux obligataires, jusque-là anormalement bas. De fait, le financement de la dette publique deviendrait de plus en plus cher et la tentation d’augmenter les impôts en 2014 de plus en plus forte.

Un september effect sur la dette française devrait en outre exposer l’Hexagone à de nouvelles sanctions en provenance des agences de notation. Seulement, à la différence des dégradations précédentes, la réaction des marchés pourrait être relativement bien plus sévère et la France serait alors considérée comme un Etat du sud de l’Europe. Cet élément, conjugué à la perte de confiance des agents économiques nationaux, provoquerait un effet ciseau qui conférerait à la crise son caractère auto réalisateur. Par conséquent, en cette période de grands départs, il conviendra de bien profiter des vacances, à la fois pour se détendre, mais aussi pour reprendre des forces afin d’affronter une rentrée qui s’annonce délicate…

 

Achevé de rédiger le 18 juillet 2013,

Anthony Benhamou, anthonbenhamou@gmail.com