Crise et chômage en France et zone euro : ça continue… (E&S n°256)

Humeur :

La crise est finie… sauf dans la zone euro.

Ah, que nous aimerions l’écrire et le proclamer haut et fort : oui la crise est finie ! D’ailleurs, c’est en grande partie le cas à l’échelle de la planète. En effet, en dépit d’un ralentissement mesuré, la croissance mondiale est et restera forte : selon nous, elle sera d’au moins 3,5 % cette année, c’est-à-dire 0,2 point de mieux que le niveau moyen des trente dernières années. Mieux, elle devrait dépasser légèrement les 4 % en 2014 (précisément 4,1 % selon nos prévisions). C’est en partie sur la base de ces perspectives que les marchés boursiers ont pu redémarrer dernièrement et atteindre de nouveaux sommets historiques, notamment aux Etats-Unis, mais aussi en Allemagne.

Quant aux craintes de décélération marquée de l’activité dans le monde émergent, elles sont largement exagérées, en particulier en ce qui concerne l’économie chinoise. Cette dernière dispose effectivement de plusieurs « airbags ». A commencer par l’arme du taux de change que le gouvernement chinois peut utiliser à sa guise. Ensuite, n’oublions pas que le premier moteur de la Chine n’est pas l’export, mais la demande intérieure, notamment l’investissement et la consommation qui, en dépit des inquiétudes, demeurent très dynamiques. Enfin et surtout, l’Empire du milieu dispose d’un matelas de sécurité colossal de 3 400 milliards de dollars de réserves de change. Il pourra donc utiliser une partie de ces dernières pour soutenir sa croissance en cas de coup dur imprévu.

Parallèlement, même s’il a perdu de sa superbe avec la crise de 2009, l’Oncle Sam continue de faire preuve d’une vigueur économique à toute épreuve. Sa croissance ne fera certes pas des miracles, mais avoisinera durablement les 2,5 % (4,1 % en valeur, c’est-à-dire augmentée de l’inflation). En 2013, pour la quatrième année consécutive, les Etats-Unis réussiront donc à réaliser une croissance suffisante pour assurer le paiement des intérêts de la dette publique. Parallèlement, ce niveau d’activité permettra à la « job machine » américaine de créer plus d’emplois qu’elle n’en détruit. De quoi permettre au taux de chômage de poursuivre son repli, passant même sous les 7 % d’ici l’automne prochain.

Dans ce concert mondial plutôt favorable, même le Japon est revenu sur les rails du dynamisme économique. Ainsi, en 2013, pour l’une des très rares fois depuis vingt ans, sa croissance en valeur sera supérieure à la charge annuelle des intérêts de sa dette publique.

En fait, il est désormais possible de dire que la crise est finie partout dans le monde, sauf dans la zone euro.

En effet, en 2013, comme le montre le tableau ci-dessous, la quasi-totalité des pays de la zone euro ne réussira toujours pas à réaliser une croissance suffisante, ne serait-ce que pour assurer le paiement des intérêts de la dette publique. Autrement dit, si la crise de la dette s’estompe outre-Atlantique et, dans une moindre mesure, au Japon, elle s’aggrave dans la zone euro…

Laisser croire que cette dernière se porte bien et que ses pays membres réduiront sans difficulté leur déficit et leur dette tient donc de la gageure. Même l’Allemagne, qui semblait hors d’atteinte, commence à souffrir et parviendra tout juste à dégager une croissance suffisante pour couvrir la charge d’intérêts de sa dette.

En conclusion, en dépit des apparences, l’UEM n’est pas sortie de la crise. Tant que l’euro sera supérieur à 1,20 dollar, que les impôts ne baisseront pas et que la dépense publique ne sera pas mieux utilisée, la crise continuera. Pour le moment, les marchés boursiers refusent d’admettre cette évidence et préfèrent oublier temporairement la crise eurolandaise. Mais lorsqu’ils sortiront de leur « paradis artificiel », le réveil sera douloureux.

Marc Touati

La zone euro toujours empêtrée dans la crise de la dette publique.



Quid de l’économie et des marchés cette semaine :

Chômage et récession en France : encore et toujours.


Malheureusement, les mois passent et se ressemblent sur le front du chômage français. Après avoir dépassé les 3 millions de personnes, puis atteint un nouveau sommet historique en mars, un nouveau pic a été enregistré en avril. En un seul mois, le nombre de sans-emplois a augmenté de 39 800 personnes (+ 1,2 %), soit un total de 3 264 400 chômeurs.

Pis, cette aggravation correspond à la baisse de l’activité de la fin 2012 et n’intègre pas encore l’approfondissement de la récession qui s’est opéré au premier trimestre 2013 et encore moins celle du second trimestre.

En France comme ailleurs, la récession et le chômage font bon ménage.

Sources : Eurostat, INSEE et ACDEFI

Autrement dit, le chômage va encore augmenter dans l’Hexagone au moins jusqu’à la fin 2013. La barre des 3,5 millions de sans-emploi devrait ainsi être atteinte, non pas fin 2014 comme l’anticipe l’Unedic, mais plutôt d’ici un an. Bien sûr, les emplois aidés permettront de limiter la casse mais seront hautement insuffisants pour inverser durablement la courbe du chômage.

Le chômage des jeunes : un fléau qui ne prendra pas fin avec les « emplois d’avenir ».

Sources : Eurostat et ACDEFI

 

La vraie fausse solution des « emplois jeunes » (rebaptisés « emplois d’avenir » pour faire diversion) est aussi vieille que le chômage de masse et n’a jamais réussi à faire reculer durablement le nombre de jeunes sans emplois. Pis, elle a tendance à créer des « poches à précarité », condamnant les moins de 25 ans à se contenter « d’emplois jeunes » mal rémunérés. Une fois encore, le gouvernement essaie de gagner du temps, mais ne fait finalement que se livrer à une dangereuse fuite en avant.

Les propositions et l’unité de façade franco-allemandes n’y changeront rien. A l’instar de la conférence de presse stérile du Président français au lendemain de la confirmation de la récession hexagonale, les annonces de Mme Merkel et M. Hollande juste quelques minutes après l’annonce du nouveau record atteint par le chômage français paraissent bien vaines.

Car si l’Europe politique est bien une nécessité, elle semble bien lointaine au regard de l’urgence du fléau du chômage. Oui, avant de transformer l’UEM, qui en a certes bien besoin, il faut d’abord éteindre les incendies de la récession et du chômage. Or, tant que l’euro avoisinera les 1,30 dollar, que, dans l’Hexagone, les impôts seront trop élevés et la dépense publique trop peu efficace, il sera impossible de restaurer la croissance et de faire baisser significativement le chômage.

Et même si le chômage allemand commence aussi à augmenter, le fléau est et demeurera bien plus dramatique dans l’Hexagone.

Chômage : l’Allemagne et la France divergent dans les paroles mais aussi dans les faits.

Sources : Eurostat et ACDEFI

Nous sommes donc bien coincés dans un piège dramatique, qui allie récession et chômage historiques à des dirigeants politiques qui sont incapables de prendre des décisions à l’aune de la gravité de la situation. Si nous n’avons jamais fait partie des Cassandre, nous devons avouer que nous commençons à être vraiment inquiets pour l’avenir de la France et plus globalement de la zone euro.

Marc Touati



Les évènements à suivre du 3 au 7 juin :


Récession en Europe et croissance fragile aux Etats-Unis.


Cette semaine économico-statistique sera particulièrement chargée, avec plus d’une douzaine de publications et évènements déterminants. Aux Etats-Unis, on suivra notamment les enquêtes des directeurs d’achat dans l’industrie et le secteur non-manufacturier en mai (lundi et mercredi), la balance commerciale d’avril (mardi) et, bien entendu, les chiffres de l’emploi de mai (vendredi).

Dans la zone euro, on surveillera tout d’abord les deuxièmes versions de chiffres déjà connus : indices PMI des directeurs d’achat dans l’industrie et les services (lundi et mercredi), ainsi que le PIB eurolandais du premier trimestre (également mercredi). Les balances commerciales allemande et française d’avril seront également publiées (vendredi).

Enfin, les réunions de politique monétaire de la BoE et de la BCE (jeudi) focaliseront également l’attention, même si rien de particulier n’en est attendu.

 

Lundi 3 juin, 16h (heure de Paris) : l’indice ISM dans l’industrie américaine se rapproche encore de la barre des 50.

Après avoir déjà nettement baissé en mars et avril, passant de 54,1 à 50,7, l’indice ISM des directeurs d’achat dans le secteur manufacturier devrait encore perdre quelques dixièmes de point en mai. Avec un niveau de 50,5, il serait juste au-dessus de la frontière qui marque la baisse de l’activité. De quoi rappeler qu’en dépit d’une belle résistance, la croissance américaine reste encore fragile.

 

Mardi 4 juin, 14h30 : léger recul du déficit extérieur américain.

Dans le sillage de la baisse des cours pétroliers et de l’ensemble des matières premières, le déficit extérieur américain devrait rester limité en avril. Il atteindrait 38 milliards de dollars, contre 38,8 le mois précédent. Certes, la poursuite de la récession en Europe continue de limiter les exportations américaines, qui demeurent néanmoins favorisées par un dollar toujours faible.

 

Mercredi 5 juin, 11h : confirmation de la baisse du PIB eurolandais au premier trimestre 2013.

Même si le chiffre est déjà connu et devrait être confirmé en deuxième estimation, la baisse de 0,2 % du PIB eurolandais au premier trimestre 2013 (après une chute de 0,6 % au quatrième trimestre 2012) reste inquiétante. Et ce d’autant que le détail des comptes nationaux devrait faire état de l’aggravation de la situation sur le front de la consommation et de l’investissement. Autrement dit, le couple infernal « récession-chômage » n’est pas près de disparaître dans l’UEM.

 

Mercredi 5 juin, 16h : quasi-stagnation de l’indice ISM dans les services aux Etats-Unis.

Même si la situation devrait rester bien plus enviable que celle observée dans la zone euro, l’indice ISM des directeurs d’achat dans les services subirait une nouvelle baisse en mai outre-Atlantique, mais de seulement 0,1 point. Il passerait néanmoins de 56 en février à désormais 53. Il resterait donc largement au-dessus de la barre des 50, censée représenter la frontière entre la croissance et le recul de l’activité, mais montrerait que l’activité américaine continue de ralentir.

 

Jeudi 6 juin, 7h30 : le taux de chômage trimestriel à près 11 % en France.

Si les statistiques d’Eurostat ont déjà consacré un taux de chômage à 11 % en mars 2013, les chiffres de l’INSEE devraient enfoncer le clou. En effet, le taux de chômage trimestriel sur l’ensemble du territoire national (donc y compris les DOM-TOM) se hisserait à 10,8 % au premier trimestre 2013, contre 10,6 % le trimestre précédent. Malheureusement, l’aggravation de la récession fin 2012 et début 2013 ne manquera pas d’entraîner ce taux vers de nouveaux sommets au cours des prochains trimestres.

 

Jeudi 6 juin, 13h et 13h45 : statu quo monétaire des deux côtés de la Manche.

Après avoir abaissé son taux refi le mois dernier à 0,50 %, la BCE devrait désormais maintenir le statu quo. Un nouveau petit geste ne ferait évidemment pas de mal pour faire baisser l’euro et créer les conditions nécessaires à la sortie de la récession. Mais, malheureusement, Mario Draghi restera inflexible, notamment sous la pression de ses collègues allemands, qui n’hésitent plus à prendre leurs distances avec la stratégie récente de la BCE.

Piètre consolation, la BoE ayant également déjà utilisé toutes ses cartouches, maintiendra également le statu quo.

 

Vendredi 7 juin, 14h30 : stabilisation du taux de chômage américain à 7,5 %.

Dans le sillage du ralentissement modéré des derniers mois, les créations d’emplois devraient rester appréciables mais modestes outre-Atlantique. Elles seraient ainsi de « seulement » 160 000 en mai, contre 165 000 le mois précédent. Ce n’est certes pas dramatique, mais insuffisant pour permettre au taux de chômage de poursuivre sa baisse. Il se stabiliserait donc à 7,5 %. Là aussi, un niveau appréciable, mais toujours trop élevé pour permettre le retour d’une vigueur massive de la consommation.

 

MT



Calendrier complet des statistiques et évènements de la semaine :

Nos prévisions économiques et financières pour 2013-2014 :