Alors que la moralisation de la vie publique est à l’ordre du jour, le climat des affaires politico-financières devient irrespirable en France. Avec Jérôme Cahuzac tout d’abord, qui a laissé planer le suspense quant à une possible candidature pour récupérer son siège de député et a fait l’objet d’un feuilleton médiatique impressionnant. Alors qu’il devrait se faire oublier, on nous explique qu’il a longuement hésité avant de renoncer. Face à un tel manque de dignité et de clairvoyance, on croit rêver… Et c’est sans parler des indemnités de ministre qu’il continue de percevoir, ce qui relève de l’indécence totale, eu égard à ses agissements et à la situation économique catastrophique de la France. Bien que marqué au fer rouge, Cahuzac est frondeur et sans limite et il pourrait bien se présenter aux élections municipales en 2014. C’est à se demander s’il ne cherche pas à jouer volontairement contre son camp, car c’est aujourd’hui un énorme boulet pour le pouvoir en place. D’ailleurs, ce dossier est loin d’être refermé puisqu’une commission d’enquête parlementaire investigue sur le degré de connaissance et d’implication de l’exécutif dans cette affaire.
De l’autre côté de l’échiquier politique, Claude Guéant est sous les feux des projecteurs. Celui que l’on surnommait « le cardinal », ce haut fonctionnaire et grand serviteur de l’Etat, serait un affairiste… Devant s’expliquer sur la présence de sommes importantes sur ses comptes bancaires (environ 500 000 euros) et sur le paiement de certaines factures en liquide (25 000 euros), Claude Guéant est comme dans des sables mouvants : plus il s’agite dans ses explications fumeuses, plus il s’enfonce. S’ajoute aujourd’hui une affaire d’emploi fictif où l’on parle de « détournement de fonds publics, complicité et recel». Quel symbole pour celui qui fut successivement préfet, DGPN, tout-puissant secrétaire général de l’Elysée et enfin Ministre de l’Intérieur. Apparemment, celui qui semblait le contraire d’un homme d’argent et à qui Nicolas Sarkozy avait confié la responsabilité de dossiers sensibles, serait passé du « côté obscur de la force ». Mandaté par l’ex-président pour reprendre la main sur les gros contrats, il était en contact avec des intermédiaires très controversés comme Alexandre Djouhri ou Ziad Takieddine. Fonds secrets, apporteurs d’affaires, secrets et raison d’Etat, cette opacité a de quoi inquiéter nos concitoyens qui sont déjà fâchés avec l’image que leur renvoie la classe politique. Bien sûr, derrière Guéant, il y a Nicolas Sarkozy et la question du financement de sa campagne électorale en 2007.
Autre bombe qui pourrait bien éclater, l’affaire Lagarde. Cette dernière est entendue par la Cour de justice de la République sur son rôle dans la décision de recourir à un arbitrage privé dans l’affaire Tapie-Crédit Lyonnais. Une fois encore, l’image est forte pour cette « wonderwoman » issue de l’un des plus grands cabinets d’avocats au monde, ancienne ministre de l’Economie et aujourd’hui présidente du FMI. Néanmoins, elle échappe pour l’instant à une mise en examen avec un statut de témoin assisté. Rappelons que Bernard Tapie avait touché la somme de 403 millions d’euros provenant de fonds publics, somme qui aurait permis à l’ex-détenu de mener grand train (yacht, jet, villa à Saint Tropez…) mais qu’il pourrait être amené à rembourser. Ce dossier est lui aussi loin d’être terminé puisque Bercy s’apprête à déposer un recours en nullité contre cet arbitrage et pourrait se constituer partie civile. Enfin, même si elle ne joue pas dans la même cour, rappelons la condamnation à un an de prison ferme pour détournement de fonds publics de la députée socialiste Sylvie Andrieux.
Pour couronner et parachever ce climat délétère, la lutte contre la fraude fiscale est au programme du sommet des 27 dirigeants de L’UE. On parle de 1 000 milliards d’Euros de perte de recettes fiscales en Europe due à la fraude et à l’évasion fiscale. Malheureusement, les récents évènements nous prouvent que les hommes politiques sont également concernés par la question. Aujourd’hui, c’est l’ensemble de la classe politique qui est touchée par ce fort climat de suspicion qui aggrave les risques d’explosion sociale. En effet, que depuis des années nos dirigeants n’arrivent pas à régler les problèmes de la France, et notamment le fléau du chômage, est une chose, mais que certains d’entre eux s’enrichissent personnellement en est une autre. Entre gaspillages des deniers publics et affairisme, la coupe est pleine et elle menace aujourd’hui de déborder.
A l’heure où l’on parle beaucoup (trop) du retour de la confiance pour résoudre la crise et que les déficits s’accumulent, c’est un véritable déficit de confiance qui se creuse entre notre classe politique et le peuple français.
La phrase de la semaine :
«Même les dindons arrivent à s’envoler un peu, Hollande doit faire un effort.» Jean-Luc Mélenchon.
Jérôme Boué