Etats-Unis, Italie, France : la rechute ? (E&S n°245)

 

Humeur :

Nouvelle crise italienne : ma ché cosa ?

Une fois encore, l’Italie est devenue ingouvernable. En l’absence d’une majorité identique à la Chambre des députés et au Sénat, c’est un nouveau « trou noir » qui s’impose chez nos voisins transalpins. Mais, surtout, les dernières élections ont constitué une véritable claque pour le pouvoir en place et notamment pour « il professore » Mario Monti. Celui-ci arrive même en quatrième position, derrière la gauche élargie, elle-même talonnée par le parti de Silvio Berlusconi, qui reste décidément incontournable, suivi, à son tour, par le parti populiste de l’humoriste Beppe Grillo.

A titre de comparaison avec notre douce France, c’est un peu comme si Djamel devançait Jean-Marc Ayrault. Ne rions cependant pas trop vite, car, comme nous le savons bien, impossible n’est pas français, a fortiori dans des périodes aussi troublées que celles que nous vivons actuellement.

Mais, en attendant de voir la « commedia delle arte » s’imposer de ce côté-ci des Alpes, nos amis italiens risquent de passer quelques mois très difficiles. En effet, au-delà du capharnaüm politique, la situation économique est particulièrement catastrophique. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler un chiffre : 2 000 milliards d’euros ! Tel est effectivement le niveau astronomique que vient de dépasser la dette publique italienne, soit légèrement plus que le PIB français et quasiment 128 % du PIB italien. Malgré son charisme à toute épreuve et de la bonne image qu’il a pu véhiculer, Mario Monti (appelé à la rescousse en novembre 2011 pour remplacer Silvio Berlusconi au poste de président du Conseil) n’a donc pas réussi à éviter le pire.

Certes, il ne faudrait pas jeter le bébé avec l’eau du bain. En effet, en dépit des apparences, l’Italie a fait énormément d’efforts depuis une quinzaine d’années, en tout cas bien plus que la France. Ainsi, de 11,3 % du PIB en 1991, son déficit public a été considérablement réduit, atteignant même 0,9 % en 2000 et 1,6 % en 2007. Aujourd’hui encore, en dépit de la crise et d’une remontée à 5,4 % en 2009, le déficit italien a été ramené à 2,7 % en 2012 et devrait même avoisiner les 2 % en 2013.

Dans le même temps, le solde structurel des comptes de l’État italien (c’est-à-dire hors effets liés à la conjoncture) est passé de – 12 % du PIB en 1990 à – 0,6 % en 2012 et pourrait même se transformer  en excédent de 0,5 % en 2013. Enfin, le solde primaire italien (c’est-à-dire hors charge d’intérêts de la dette) est en excédent quasi ininterrompu depuis 1992. En 2012, celui-ci a atteint 2,6 % du PIB et devrait avoisiner les 3,5 % en 2013. Autrement dit, l’Italie ne doit ses déficits publics et l’essentiel de ses difficultés qu’au paiement des intérêts de sa dette. De quoi rappeler que, en matière d’endettement excessif, les erreurs du passé se paient pendant très longtemps.

D’ailleurs, pour parvenir à ces résultats, l’Italie a dû réaliser des efforts considérables, notamment en augmentant ses recettes fiscales, mais surtout en réduisant ses dépenses publiques, dont le poids dans le PIB est passé d’un sommet de 56 % en 1993 à un plancher de 45,9 % en 2000, avant de remonter à 50 % actuellement, soit toujours 6 points de moins qu’en France.

Malheureusement, ces efforts ont également pesé négativement sur l’activité économique. Ainsi, de 2002 à 2012, la croissance annuelle moyenne du PIB italien a été de 0 % (contre une moyenne de la zone euro de 1 %). Sur la période 2008-2012, elle devient négative à – 1,3 % (contre – 0,2 % pour l’ensemble de l’UEM). Conséquence logique de cette décroissance, le taux de chômage a repris le chemin de la hausse, passant d’un plancher de 6 % en 2007 à désormais plus de 11 %.

Le pire est que malgré tous ces sacrifices, l’Italie est toujours reléguée au rang des pays dangereux. La note de sa dette publique n’est que de Baa2 (selon la classification de Moody’s) et les taux de ses obligations d’État à dix ans oscillent encore autour des 4 %. Ils sont même passés de 4,2 % avant les élections à 4,9 % le 26 février. C’est certes moins que les 7 % du début 2012, mais toujours beaucoup trop pour permettre à l’Italie d’inverser la spirale haussière de la dette. D’autant que son PIB continue de reculer. Ne l’oublions pas : tant que la croissance en valeur est insuffisante pour compenser la charge annuelle d’intérêts de la dette (environ 5,4 % du PIB italien chaque année), la sortie de la crise de la dette publique est impossible.

Voilà pourquoi l’Italie reste fragile. Les dernières élections ont d’ailleurs confirmé qu’après autant d’années d’efforts pour des résultats économiques aussi médiocres (notamment sur le front de la croissance et de l’emploi), les Italiens ne veulent plus d’une rigueur mal placée. Et pour cause : comme nous le rappelons régulièrement, il ne sert à rien de mourir guéri. C’est ce que n’a pas voulu comprendre Mario Monti et qui lui a finalement été fatal.

Il reste simplement à espérer que les Italiens ne vont pas se lancer dans une spirale dévastatrice qui finirait par relancer la crise de la dette publique à l’échelle de la zone euro et mettrait de nouveau cette dernière en péril, entraînant la France dans une nouvelle crise sans précédent. Car, ne nous leurrons pas, si, pour l’instant la France continue de bénéficier d’un « flight to quality », en apparaissant plus sérieuse que ses voisines du Sud, la roue ne va pas tarder à tourner.

Pour éviter d’en arriver là, il n’y a, selon nous, plus qu’une seule solution : que les dirigeants français lisent « le dictionnaire terrifiant de la dette », qui sortira le 7 mars 2013, et en appliquent les recettes. Avec un peu de chance, la France pourra être sauvée…

Marc Touati



Quid de l’économie cette semaine :

Un peu de chaud et beaucoup de froid.


L’économie américaine a finalement évité le repli au quatrième trimestre 2012. En effet, après avoir été annoncé en première estimation à – 0,1 %, la variation annualisée du PIB américain a finalement été révisée à + 0,1 %.

Ce n’est certes pas un miracle, mais comparativement aux – 2,4 % annualisés (- 0,6 % en rythme trimestriel) enregistrés par le PIB eurolandais sur la même période, cela permet à l’Oncle Sam de garder la tête haute.

Mais la véritable bonne nouvelle de ces comptes nationaux réside dans la progression de 11,3 % de l’investissement en équipements et logiciels. De quoi confirmer qu’après une accalmie début 2013, l’emploi pourra prochainement reprendre des couleurs.

En revanche, la légère révision baissière de la consommation des ménages montre que cette dernière demeure toujours très fragile.

Et le blocage autour du « fiscal cliff » ne va évidemment pas arranger les choses.

Le PIB américain ne baisse pas mais reste à la peine.

Sources : BEA, ACDEFI

Bien entendu, les Américains pourront toujours se consoler en se disant qu’il y a pire. Et notamment en France.

En effet, en dépit des soldes, la consommation des ménages a reculé de 0,8 % en janvier 2013.

Certes, il sera toujours possible de défendre que ce repli est le fruit de la baisse de 11,7 % des dépenses dans le secteur automobile (en correction de la progression de 5,6 % observée en décembre 2012).

Pour autant, il ne faut pas se voiler la face : la baisse de 0,5 % de la consommation de biens d’équipement du logement et l’augmentation de seulement 3,2 % dans le textile cuir malgré les soldes confirment que les ménages sont de plus en plus parcimonieux.

 

 

 

France : la consommation déclare encore forfait…

Sources : INSEE, ACDEFI

Malheureusement, la nouvelle augmentation du nombre de chômeurs en janvier (à près de 3,2 millions de personnes, 3 169 300 précisément), mais aussi la nouvelle chute des immatriculations de voitures neuves en février montrent que la déprime de la consommation va se poursuivre.

Ces évolutions sont évidemment de bien mauvais augures pour la variation du PIB au cours du premier trimestre 2013. Après avoir déjà baissé de 0,3 % au quatrième trimestre 2012, celui-ci devrait reculer d’au moins 0,2 % sur le trimestre suivant.

Le chômage va donc monter encore et encore. On devrait ainsi recenser environ 3,5 millions de chômeurs d’ici le début 2014.

Chômage en France : 3 millions hier, 3,2 aujourd’hui, 3,5 demain…

Sources : DARES, ACDEFI

La récession française est donc bien en train de se transformer en dépression.

Marc Touati



 


 

Les évènements à suivre du 4 au 8 mars :


BCE et chômage américain : statu quo.


Cette semaine économico-statistique sera relativement calme. A l’exception des deuxièmes versions de chiffres déjà connus (indices PMI des directeurs d’achat dans les services dans la zone euro, mardi ; PIB eurolandais du quatrième trimestre, mercredi ; productivité du quatrième trimestre aux Etats-Unis, jeudi), seuls deux grands évènements devraient s’avérer déterminants. La réunion de politique monétaire de la BCE (jeudi) et le rapport sur l’emploi outre-Atlantique (vendredi).

 

 

Mardi 5 mars, 16h (heure de Paris) : léger recul de l’indice ISM dans les services aux Etats-Unis.

 

Même si la situation devrait rester bien plus enviable que celle observée dans la zone euro, l’indice ISM des directeurs d’achat dans les services subirait une baisse en février outre-Atlantique.

Il passerait ainsi de 55,2 à 54,5. Il resterait donc largement au-dessus de la barre des 50, censée représenter la frontière entre la croissance et le recul de l’activité, mais montrerait que l’activité américaine continue de ralentir.

 

 

Mercredi 6 mars, 11h : confirmation de la forte baisse du PIB eurolandais au quatrième trimestre 2012.

 

Même si le chiffre est déjà connu et devrait être confirmé en deuxième estimation, la chute de 0,6 % du PIB eurolandais au quatrième trimestre 2012 n’en finit pas d’inquiéter. Et ce d’autant que le détail des comptes nationaux devrait faire état de l’aggravation de la situation sur le front de la consommation et de l’investissement.

Autrement dit, le couple infernal « récession-chômage » n’est pas près de disparaître dans l’UEM.

 

 

Jeudi 7 mars, 7h30 : le taux de chômage trimestriel à plus de 10 % dans l’Hexagone.

 

Si les statistiques d’Eurostat ont déjà consacré un taux de chômage à plus de 10 % depuis plus d’un an (il est même de 10,6 % en décembre 2012), les chiffres de l’INSEE devraient enfoncer le clou.

En effet, le taux de chômage trimestriel se hisserait à 10,1 % au quatrième trimestre 2012, contre 9,9 % le trimestre précédent.

Malheureusement, l’aggravation de la récession fin 2012 et début 2013 ne manquera pas d’entraîner ce taux vers de nouveaux sommets au cours des prochains trimestres.

 

 

Jeudi 7 mars, 13h et 13h45 : statu quo monétaire encore et toujours des deux côtés de la Manche.