France-Allemagne, Zone euro, Chypre : Aïe ! (E&S n°242)

 

Humeur :

Chypre, le nouveau maillon faible de la zone euro.

Après l’Irlande, la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Italie et en attendant la France, un nouveau cas de grippe du surendettement est apparu dans la zone euro. Il s’agit de Chypre qui, devant le refus probable d’une aide de l’UEM et notamment du « Nein » allemand, en est réduit à quémander l’aide de son autre grand partenaire, la Russie. Il faut dire que, depuis une dizaine d’années, ce petit pays eurolandais est devenu un des principaux paradis fiscaux des milliardaires russes. Après avoir recueilli Gérard Depardieu, la Russie est donc en train de devenir le Saint-Bernard des « parias » de l’UEM.

Blague à part, à l’instar de la tempête grecque, cette nouvelle crise pourrait bien avoir des conséquences insoupçonnées sur l’avenir de la monnaie unique.

En effet, petite île de 9 251 km², d’environ 1,1 million d’habitants et réalisant un PIB annuel de 17,5 milliards d’euros (soit seulement 0,18 % de celui de l’UEM), Chypre est la confirmation qu’une entrée dans la zone euro est loin d’être la panacée. Elle peut même constituer une erreur dramatique tant pour le pays en question que pour l’UEM dans son ensemble.

Ainsi, en intégrant l’euro le 1er janvier 2008, les Chypriotes pensaient certainement obtenir le sésame qui leur permettrait de s’engager sur le chemin de la prospérité durable et de traverser les crises potentielles sans difficulté. Malheureusement, il n’en a rien été. Pire, depuis 2008, Chypre a plongé dans une récession dramatique, subissant une baisse de son PIB réel de plus de 5 %. Encore aujourd’hui, le niveau de sa richesse est inférieur à quasiment 4 % de celui qui prévalait avant la crise.

Conséquence logique de cette bérézina, le taux de chômage chypriote s’est envolé, passant de 3,5 % mi-2008 à 14,7 % en décembre 2012. Dans le même temps, le solde des comptes publics est passé d’un excédent de 3,5 % du PIB en 2007 à un déficit de 6,3 % en 2011. Et, même si des efforts d’assainissement ont été engagés en 2012, ce déficit ne parvient pas à passer sous les 5 %. Enfin, le ratio dette publique/PIB a aussi connu une montée vertigineuse, se hissant de 48,9 % en 2008 à près de 90 % l’an passé et au moins 97 % en 2013.

Dès juin 2012, Chypre a sollicité un plan de sauvetage auprès de l’Union européenne et a annoncé en décembre 2012 qu’il lui manquait 17 milliards d’euros pour honorer ses engagements. En d’autres termes, l’île méditerranéenne est au bord du défaut de paiement. Le 21 décembre 2012, enfonçant le clou et ne faisant finalement qu’acter ce que tout le monde savait déjà, Standard & Poor’s a abaissé (pour la troisième fois en cinq mois) de deux crans la note souveraine de Chypre, qui tombe à CCC +.

Aujourd’hui, la situation économique chypriote paraît inextricable, d’autant que la Russie commence à mettre son grain de sel.

Bien entendu, si Chypre n’avait pas intégré la zone euro, elle aurait aussi subi la crise de plein fouet. Cependant, elle aurait pu utiliser l’arme du taux de change pour essayer de limiter les dégâts. Or, du fait de son appartenance à l’euro, elle n’a évidemment pas pu le faire et a dû, au contraire, subir les graves inconvénients d’une devise surévaluée. En d’autres termes, Chypre n’a eu ni le beurre, ni l’argent du beurre de la zone euro, mais elle a dû en payer le prix fort.

Plus globalement, cet exemple confirme également la futilité, pour ne pas dire la stupidité, d’un élargissement à tout va de l’UEM. En effet, cette dernière n’a de sens que si elle réunit des pays économiquement et socialement proches. Si tel n’est pas le cas, l’UEM devient alors un piège pour le pays qui ne correspond pas aux standards de l’Union.

Ne l’oublions jamais : le taux de change est une arme indispensable pour soutenir la croissance et sortir des crises. A fortiori pour des petits pays fragiles. Si cette arme devient inutilisable, le pays en question s’enfonce dans le marasme économique et la bulle de la dette, qui ne pourra prendre fin qu’en passant par la case « explosion ».

Même si Chypre ne représente que 0,18 % du PIB eurolandais, elle pourrait donc bien constituer une nouvelle goutte d’eau, qui, ajoutée à celles de la Grèce, du Portugal et aux verres d’eau espagnols et italiens, finira par être fatale à l’UEM. Ce qui importe, ce n’est pas une zone euro large, mais une zone euro forte et crédible.

 

Marc Touati



Quid de l’économie cette semaine :

L’écart France-Allemagne se creuse encore.


Alors que le couple franco-allemand essaie toujours de recoller les morceaux, avec les plus grandes difficultés possibles, les écarts continuent de se creuser sur le front économique.

Avant même la publication des comptes nationaux du quatrième trimestre (le 14 février prochain), les écarts de niveaux de PIB entre les deux côtés du Rhin donnent des frissons. Ainsi, du premier trimestre 2005 au troisième de 2012, le PIB allemand a progressé de 12 %, contre 6 % pour le PIB français. Pire, ce dernier est encore en baisse de 0,7 % par rapport à son niveau d’avant-crise, c’est-à-dire du premier trimestre 2008. A l’inverse, en dépit d’une baisse de 6,8 % pendant la récession de 2008-2009, le PIB germanique affiche une progression de 1,5 % par rapport à son niveau d’avant-crise.

L’Allemagne est repartie, la France est toujours dans la crise.

Sources : Bundesbank, INSEE, ACDEFI

Ces différences de performances d’activité se répercutent évidemment sur le marché du travail. Ainsi, alors que le taux de chômage allemand a encore baissé en décembre dernier pour atteindre 5,3 %, celui de la France ne cesse de croître, culminant à 10,6 %. C’est donc précisément du simple au double.

Taux de chômage des deux côtés du Rhin : du simple au double.

Sources : Eurostat, ACDEFI

Mais il y a encore plus inquiétant. En effet, alors que les indicateurs avancés de l’économie allemande se redressent nettement depuis quelques mois, ceux de la croissance française continuent de chuter.

Ainsi, après une baisse significative mais tout de même limitée à la mi-2012, les perspectives d’activité de l’enquête IFO ont fortement progressé depuis la fin d’année dernière. En dépassant la barre des 100 en janvier, elles montrent même que le glissement annuel du PIB allemand devrait repasser au-dessus des 1 % dès le printemps 2013.

Les perspectives de l’économie allemande se redressent…

Sources : Bundesbank, IFO, ACDEFI

Bien loin de ce redémarrage prévisible, les perspectives personnelles de production de l’enquête INSEE dans l’industrie nationale ont continué de plonger en janvier. Elles atteignent désormais un plus bas depuis avril 2009. A en croire cette décrue, le glissement annuel du PIB français tomberait entre – 1,5 % et – 2 % d’ici l’été prochain.

… celles de l’économie française chutent.

Sources : INSEE, ACDEFI

Dans le cadre de cette piètre perspective, le président et le gouvernement français commencent à préparer les opinions nationales et internationales au non-respect de leurs prévisions. Et pour cause : la variation du PIB en 2013 ne sera pas de 0,8 %, mais plutôt de – 0,3 %. Evidemment, il faudra un bouc émissaire pour masquer les erreurs stratégiques de la politique économique gouvernementale. Le coupable est facile puisqu’il s’agit de l’euro fort. C’est pourquoi, le ministre de l’économie et le Président se sont réveillés subitement pour dénoncer les dangers d’un euro fort. Certes, mieux vaut tard que jamais. Mais il aurait été plus opportun de réagir en amont. Dès lors, avec un euro trop fort, une pression fiscale confiscatoire et une dépense publique inefficace, l’économe française va fortement souffrir en 2013.

D’ores et déjà, reflétant ces manquements économiques et après une euphorie très passagère, le Cac 40 reste l’un des indices boursiers occidentaux les moins performants.

Là aussi, les écarts France-Allemagne font froid dans le dos. Car si le Dax 30 se rapproche de ses précédents sommets historiques, le Cac 40 en demeure bien loin : – 41 % par rapport à son pic de juin 2007 et – 48 % par rapport à celui de septembre 2000.

 

 

 

Cac 40 – Dax 30 : l’autre grand écart…

Source : ACDEFI

Eh oui, Monsieur Hollande, désolé de vous décevoir, mais, d’un point de vue économique et financier, la France n’a plus les moyens d’imposer sa vision du monde à ses partenaires européens et en particulier aux Allemands.

 

Marc Touati



 


 

Les évènements à suivre du 11 au 15 février :


La récession s’aggrave dans la zone euro.


Le point d’orgue de cette semaine économico-statistique sera, sans conteste, la publication des comptes nationaux du quatrième trimestre 2012 de la zone euro et de ses principaux pays membres (jeudi).

Outre-Atlantique, il faudra surveiller les ventes au détail (mercredi) et la production industrielle (vendredi).

 

 

Lundi 11 février, 8h45 (heure de Paris) : forte chute de la production industrielle française.

Conformément à la baisse des principaux indicateurs de l’enquête INSEE dans l’industrie, la production industrielle française devrait chuter de 1,2 % en décembre, après un rebond technique de 0,5 % en novembre.

Compte tenu de la baisse de 1,7 % observée en décembre 2011, le glissement annuel de la production reculerait légèrement. Il resterait néanmoins fortement négatif, à – 3,1 %, contre – 3,6 % le mois précédent.

 

Mardi 12 février, 14h30 : les ventes au détail décelèrent nettement aux Etats-Unis.

Après un automne et un début d’hiver assez dynamiques, les ventes au détail devraient ralentir sensiblement en janvier outre-Atlantique. Après avoir crû de 0,5 % en décembre, elles ne progresseraient que de 0,1 % en janvier.

Quant aux ventes au détail hors automobile, elles feraient du surplace en janvier, après avoir progressé de 0,3 % le mois précédent.

Compte tenu d’un marché du travail encore mi-figue, mi-raisin, les consommateurs américains semblent avoir préféré la parcimonie en ce début 2013.

 

Jeudi 14 février, 7h30 : le PIB français devrait reculer de 0,3 %.

Est-il encore nécessaire de faire des prévisions sur le PIB français ? En effet, comme cela s’observe quasiment chaque trimestre depuis au moins deux ans, la première estimation du PIB hexagonal par l’INSEE est en constant décalage avec la réalité économique nationale.

Autrement dit, selon nos estimations non-truquées (c’est-à-dire basées sur les replis de la production industrielle, de la consommation des ménages, des indicateurs de climat des affaires et de l’augmentation du chômage), le PIB français a reculé d’environ 0,3 % au quatrième trimestre 2012. Mais selon les « calculs de David Copperfield », cette baisse ne devrait être que de 0,1 %.